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Distribution

Groupe Féline : l’agilité comme clé de réussite

Publié le 22 septembre 2025

Par Gredy Raffin
9 min de lecture
Depuis Bar-le-Duc (55), Thibault Lelièvre poursuit avec ambition le développement du groupe Féline. Dans ce contexte automobile tendu, le président organise l’avenir entre restructuration immobilière, diversification des activités et modernisation de la politique RH. L’agilité et l’ancrage local lui servant à bâtir un modèle durable, loin des effets de mode.
Groupe Féline
En 2024, les concessions ont affiché un ratio commercial de 1,21 VO pour 1 VN. ©Groupe Féline

Dans un sourire qui le carac­térise, il avait plaisanté sans détour, lâchant : "Personne ne vient à Bar‑le‑Duc par hasard." Puis, smartphone à la main, il a vali­dé le rendez‑vous avant de retourner dans la foule rassemblée, ce 2 avril 2025, à l’appel du groupe La Centrale qui organisait la première édition de sa conférence Impulsion. C’est pour­tant bien dans la ville‑préfecture de la Meuse que Thibault Lelièvre a main­tenu le siège social du groupe Féline.

 

Deux mois plus tard, malgré les tri­bulations de l’industrie automobile, le président de la plaque de distri­bution s’interdisait de faire grise mine au moment de la rencontre officielle.

 

Pourtant, le printemps n’a pas été tendre avec lui comme avec l’ensemble des concessionnaires. La fiscalité a contrarié les plans com­merciaux des constructeurs, la suppression des zones à faibles émissions a jeté un peu plus le doute dans l’esprit des consommateurs, tout comme les multiples campagnes de rappel très médiatisées et la nomination d’Antonio Filosa en lieu et place de Carlos Tavares a amorcé une nouvelle ère chez Stellantis.

 

"La période n’est pas calme, confirme Thibault Lelièvre. Nous jouons en permanence les pompiers, si bien que je ne parviens pas à prendre le temps de la réflexion." Il aimerait pour­tant pouvoir se poser et étudier les options. Il sait l’importance des dé­fis à relever.

 

Mais pour l’heure, son principal chantier en tant que patron consiste à superviser un vaste mou­vement immobilier, comme ce site DS Automobiles qui va s’accoler à la concession Peugeot de Bar‑le‑Duc. "Une restructuration qui ne rime pas avec croissance, juge‑t‑il. Cela n’a rien d’intéressant, mais nous voyons bien que c’est essentiel, voire vital."

 

En tant que chef d’entreprise, Thi­bault Lelièvre préférerait, comme il le dit, "avoir à piloter des investisse­ments, plutôt qu’à gérer de la décrois­sance". Frustrante réalité.

 

Racheteur en série

 

D’une certaine manière, le groupe Féline aurait été contraint d’ob­server une période de transition. Et pour cause, depuis que Thibault Lelièvre a repris l’actionnariat prin­cipal en 2019, à la suite du départ à la retraite du fondateur, Bernard de Pierrepont, il a multiplié les acqui­sitions. Il a pris les panneaux Volk­swagen Véhicules Utilitaires et Rent A Car en 2022 et mis la main sur cinq concessions Peugeot ou Citroën entre janvier et septembre 2023.

 

Des opérations au terme desquelles il est ressorti avec un ensemble de dix showrooms, représentant les marques Peugeot, Volkswagen, Citroën et DS Automobiles à Saint‑Dizier (52), Vitry‑le‑François (51), Verdun (55) et évidemment Bar‑le‑Duc.

 

Une plaque à l’origine de quelque 1 315 immatriculations de véhicules neufs en 2024, dont 850 Peugeot et 280 Citroën, ainsi que 1 600 re­ventes de voitures d’occasion, dont un millier à particulier. Le tout étant donné à 50 millions d’euros de chiffre d’affaires (48 millions d’euros en montant consolidé).

 

 

Après avoir doublé de taille en un seul exercice calendaire, le président admet le besoin de digérer. Peu de chances de le voir dégainer le carnet de chèques avant fin 2026. Les options sont, force est de constater, en plus, assez limitées. Les groupes Riester, Guyot ou encore Hess Automobile et CAR Avenue comptant parmi les voisins les plus proches géographiquement. "Et du côté de Volkswagen, nous avons conscience de l’enjeu de taille critique, sans nier les problématiques de taille de territoire", explique celui qui était en­core, dans un passé récent, au conseil de la marque allemande.

 

Le catalogue de produits s’enrichi­ra tout de même. Depuis cet été, le groupe Féline est devenu distributeur de Foton, une marque du groupe chinois BAIC. Il y gagne un pick‑up doté d’un moteur diesel, homologué en quatre places pour échapper au malus et facturé autour de 35 000 eu­ros (TVA récupérable).

 

Avec ce ren­fort, Thibault Lelièvre est convain­cu de pouvoir conquérir le marché des agriculteurs à travers toutes ses implantations. "Nous avons été approchés par d’autres constructeurs chinois, nous avons estimé que la taille de notre marché ne nous permet pas d’avoir un accord profitable avec toutes les parties", confie le président.

 

Le ticket d’entrée de la voiture électrique

 

Le tout‑électrique fait peu d’émules sur ces terres où, en 2024, des gisements d’hydrogène naturel potentiellement énormes ont été découverts. "Je ne peux pas dire qu’il faut revenir au diesel, car j’ai une conscience écologique, mais nous devons proposer des véhicules avec une technologie adaptée et à un prix abordable, presse ce titu­laire d’un DUT en génie électrique, électrotechnique et communications. Comment vendre aux clients des voitures à l’autonomie divisée par trois pour un prix multiplié par deux ?", se demande‑t‑il.

 

Les chiffres tendraient à lui donner raison. Entre Stellantis et Volkswa­gen, il opère pour deux constructeurs qui investissent dans la conception de voitures électriques "abordables", à l’instar de l’ë‑C3 de Citroën. Thi­bault Lelièvre se montre un poil sceptique. "Avant la pandémie, les entrées de gamme se monnayaient 10 000 euros, rap­pelle‑t‑il, il est maintenant question d’un montant de 20 000 euros. Il n’est pas réellement possible de parler d’attractivité de prix." Il se dit chanceux, cependant, de compter sur des constructeurs qui ont bien intégré les enjeux marketing et communiquent sur des loyers incitant à se déplacer dans les concessions.

 

 

Les sociétés ne constituent pas des relais de croissance à fort potentiel. Mais, comme le tissu économique de sa région se compose de TPE et PME locales, le président du groupe Féline s’estime heureux de profiter d’un marché relativement résistant. En prenant en compte les VP et les VUL, le canal BtoB lui permet d’immatri­culer autour de 40 % de son volume chez Peugeot, un quart de ses Citroën et environ 15 % de ses Volkswagen.

 

Revendeur VO hors pair

 

Ce qui devrait participer à l’appro­visionnement du parc de véhicules d’occasion. Tout comme le démarrage de l’activité de location courte durée sous le panneau Rent A Car. "Nous voulons devenir un acteur de mobili­té de référence et à ce titre, il faut répondre aux divers besoins", argue le président.

 

Cette offre sert aussi bien les clients de l’après‑vente que ceux en attente d’une livraison de VN. Le parc comprend également des voi­tures sans permis ou des véhicules frigorifiques pour parer à un maxi­mum d’éventualités et d’urgences. Y aura‑t‑il des camping‑cars ? Nulle chance à l’heure actuelle, car des groupes puissants sont déjà en place sur la zone de chalandise.

 

En matière de revente de voitures d’occasion, le groupe Féline défend un bilan des plus honorables. En 2024, il a trouvé quelque 1 000 acheteurs particuliers en plus d’écouler 600 unités auprès d’autres professionnels. Un cumul de 1 600 qui l’amène à un ratio de 1,21 VO vendu pour 1 VN immatri­culé.

 

Et pour cause, sous la houlette du président anciennement directeur commercial, les équipes ont toujours été proactives. "À la différence des grandes villes, la zone rurale est favo­rable au VO et à l’après‑vente. Nous sommes moins dépendants des ventes de VN et donc plus résistants aux fluctuations de marché", analyse Thibault Lelièvre.

 

 

Le distributeur maîtrise non seulement sa zone de chalandise re­lativement pauvre en concurrence, mais a formé les commerciaux aux négociations à distance pour vendre hors du territoire. "Nous soignons le marketing avec des tarifs placés, une préparation minutieuse et des services annexes", explique‑t‑il.

 

Comme pour la grande majorité des opérateurs, il y a une part consé­quente d’occasions issues d’un approvisionnement subi. Pour en ré­duire l’impact, le groupe procède à des achats extérieurs, en privilégiant les plateformes des constructeurs et des captives.

 

Le rachat cash a natu­rellement baissé. "Dans l’ensemble, nous avons commencé le printemps avec 500 offres et nous avons cherché à réduire progressivement le parc à 400‑450 VO, ce qui convient davantage à notre périmètre actuel", relate le dirigeant attaché à travailler en exclusivité sous les labels de marques.

 

La stratégie du "marketing RH"

 

À l’après‑vente, Thibault Lelièvre mène un double combat. D’un côté, la restructuration des plaques Stel­lantis met sous pression le chiffre d’affaires et la rentabilité des ateliers. De l’autre, il doit répondre aux at­tentes croissantes des clients, tout en considérant celles des salariés.

 

Il en­trevoit son salut dans les innovations technologiques comme l’intelligence artificielle ou la boîte à clés connec­tée. Sans pour autant faire une croix sur le contact humain qui, selon le président du groupe Féline, demeure un facteur essentiel pour éviter la dé­perdition au profit des centres‑auto, même lorsque la voiture est encore sous garantie.

 

Sur le plan des ressources humaines, le groupe Féline multiplie les actions pour attirer et fidéliser les talents. Il assure une présence dans les salons, noue des partenariats avec des établis­sements scolaires, accompagne des jeunes dans la rédaction de leur de­mande sur la plateforme Parcoursup et accueille des stagiaires.

 

"Nous faisons du marketing RH", résume la directrice des ressources humaines. Ces efforts portent leurs fruits, avec une hausse des candidatures spon­tanées, en particulier féminines. Et la responsable de souligner : "Nous voyons dernièrement que les CV sont plus riches de compétences pour les femmes que pour les hommes."

 

Malgré cela, certains postes restent difficiles à pourvoir, notamment les cadres et agents de maîtrise. D’où un investissement important dans la formation interne pour monter en qualification et l’apprentissage qui va représenter 15 % des effectifs. Par ailleurs, Féline renforce son attrac­tivité grâce à des mesures sociales, comme un plan de participation, la semaine de quatre jours, des ho­raires aménagés et une flexibilité adaptée aux parents.

 

Si Thibault Lelièvre est maintenant seul aux manettes, le groupe qu’il préside était à l’origine une affaire de couple. Il y a vingt ans aujourd’hui, Bernard de Pierrepont et sa femme Virginie reprenaient la concession Peugeot de Saint‑Dizier. Thibault Lelièvre, devenu entre‑temps leur directeur général associé, est mon­té au capital pour être majoritaire dans l’actionnariat, "comme c’était écrit depuis le départ".

 

 

Encore en pleine force de l’âge, le président se concentre davantage sur l’expansion que sur la transmission. D’autant que sa famille automobile se compose, à ce jour, surtout de ses confrères du réseau Peugeot pour qui, depuis 2024, il assume le rôle de directeur du groupement. Comme une preuve de toute la conviction qui l’anime. Et quelque part, serait‑on tenté de pen­ser, on ne choisit pas de devenir pré­sident d’un groupe de distribution à Bar‑le‑Duc par hasard.

 

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