Mary Automobiles : "Apprendre, progresser, transmettre"

"Je veux les mettre en avant." Dans son grand bureau à Lisieux (14), siège historique du groupe, François Mary présente Victor et Charles, ses deux premiers fils d’une fratrie de quatre. "Ce sont eux qui reprendront à terme les rênes." Quand ? François Mary sourit. "Quand ils seront prêts. Et quand je le serai aussi." 

Victor, 31 ans, l’aîné, est arrivé dans le groupe il y a quatre ans. À cause du Covid. Ce fan de la petite reine avait prévu le voyage d’une vie : partir de Lisieux à vélo pour rejoindre… le Japon. Après une école de commerce à Marseille, puis cinq années à Bruxelles dont un passage chez Publicis, il voulait passer une année sabbatique à découvrir le monde. "Le voyage était prêt, je suis allé chez mes parents déposer quelques cartons. Le confinement arrive, je me retrouve chez eux un peu bloqué."

Le Japon depuis Lisieux

Son père lui propose alors de rejoindre le groupe. Victor embarque dans l’aventure Mary Automobiles comme directeur marketing, "un poste qui était vacant et dans un domaine dans lequel nous avions une marche à passer", précise‑t‑il.

Les origines de cette aventure remontent à 1996 avec l’acquisition de la concession Peugeot de Lisieux. "J’ai commencé comme vendeur auto en 1992 " se souvient François Mary. Trente‑deux ans plus tard, avec comme seul diplôme en poche son permis de conduire, le Normand dirige aujourd’hui un groupe de 2100 personnes qui affiche un chiffre d’affaires de 1,1 milliard d’euros, figure dans le top 10 des distributeurs Peugeot et n’a mis à la route pas loin de 50 000 voitures (VN et VO) en 2023.

L’automobile, une passion ? "J’ai toujours adoré ça! Mon grand‑père maternel était agent Peugeot à Barentin (76), puis concessionnaire à Pont‑Audemer (27). Gamin, quand je le voyais, bien habillé, avec une jolie voiture, je me disais que je voulais faire ça comme métier !" 

Une feuille blanche

Une affaire familiale qui passera dans une autre branche de la famille. "Je suis parti d’une feuille blanche", rappelle François Mary. Mais très vite, il se développe, "bien soutenu par la marque", tient‑il à préciser. Premier défi, la concession de Lisieux, qu'il a racheté au concessionnaire de l'époque, Jean‑Philippe Jonquard, dont il était le chef des ventes. "Une association qui m'a permis de reprendre la concession en cinq ans et de me mettre le pied à l’étrier."

Le second défi, la concession de Deauville, toujours dans le Calvados. "Je n'avais pas d'argent mais la personne à qui je reprenais l'affaire avait commencé sa carrière avec mon grand-père, poursuit le chef d'entreprise. Il m'a accompagné, fait confiance, "un renvoi d'ascenseur" comme il disait à l'époque." 

Sa croissance n’a depuis jamais cessé, réalisée patiemment, "des rachats liés à des opportunités, très souvent des départs à la retraite ou la reprise de succursales", énumère‑t‑il. Avec comme mot d’ordre: une cohérence territoriale. Au fil des années, le groupe s’étend dans toute la Normandie et tous les Hauts‑de‑France, du Mont-Saint-Michel (50) au Touquet (62) et jusqu'à Saint‑Quentin (02).

Multimarquisme

En 2014, Mary Automobiles s’ouvre à d’autres enseignes ; il intègre Citroën et DS Automobiles à Lisieux et Deauville. Mais c’est au début de cette décennie que le Normand passe à la vitesse supérieure. En 2019, il s’associe avec David Tuppin dans une prise de contrôle en douceur de son groupe éponyme en 2021.

Le groupe Mary Automobiles figure dans le top 10 des distributeurs Peugeot de France. ©Mary

Ce rachat lui permet de se développer dans les Hauts‑de‑France et de distribuer de nouvelles marques, dont Opel, Hyundai et Skoda. Ce qui l’ancre définitivement dans le multimarquisme avec quinze panneaux dans son portefeuille aujourd’hui. "Être multimarque est intéressant pour apprendre d’autres méthodes, mais pour que cela soit rentable, il faut une économie d’échelle et donc disposer de plusieurs sites de la même marque", observe le dirigeant.

En 2022, le multimarquisme prend une autre envergure avec l’intégration, contre toute attente, des affaires Retail Renault Group de Rouen, de Barentin et du Havre (76). Un des rares cas où un distributeur Stellantis franchit le Rubicon pour se lancer avec le groupe au Losange. "Nous voulions les succursales de Stellantis dans ces mêmes villes, indique François Mary.  Pour plusieurs raisons, le constructeur ne souhaitait nous céder qu’une des deux adresses, ce qui était contraire à notre stratégie."

Le distributeur s’est donc tourné vers Renault, "très content de cette prise de guerre", explique le dirigeant qui a été président du groupement des concessionnaires Peugeot pendant de nombreuses années et dont il est aujourd'hui le président du conseil de surveillance. Une assimilation qui n’a pas été sans efforts. "Nous changions de constructeur, de façon de penser, avec des processus différents, des équipes très syndiquées, de surcroît sur un territoire où Renault dispose d’outils de production", énumère le distributeur.

Depuis quelques années, le groupe Mary s'est développé avec Renault. ©Mary

Pour y arriver, François Mary s’appuie sur l’expérience du comité de direction, constitué de membres historiques ayant grandi avec le groupe dont deux directeurs généraux délégués, Vincent Etasse et Franck Cordier, ainsi que  Pierre Giard, patron des fonctions de l’après‑vente ainsi que d'anciens dirigeants de Stellantis comme Christophe Bergerand, directeur général du groupe, Olivier Marquer, à la direction de la stratégie de la transformation et des marques importées et Julien Ranchoux en charge des marques Opel, Citroën et DS Automobiles.

"Dix‑huit mois après notre reprise des affaires Renault et Dacia, nous pouvons dire que nous avons réussi l’intégration. Nous avons fait beaucoup de travaux pour remettre les sites à jour, notamment au niveau de la qualité et de la satisfaction client", résume François Mary.

Un comité de direction solide

Un défi suivi rapidement d’un autre. En 2023, François Mary intègre le groupe JFC Normandie (Jaguar Land Rover, Volvo, Hyundai et MG Motor) et se déploie à Dieppe (76) avec Opel, Hyundai, Isuzu et Suzuki. Aujourd’hui, il prend le temps de digérer et de consolider ses nombreuses et récentes acquisitions, "même si nous sommes ouverts à toutes les opportunités…, glisse‑t‑il. D’ailleurs, quelques dossiers sont actuellement à l'étude, mais pour se développer, il nous faut le bon niveau de fonds propres et un équilibre sur nos buy‑backs, car le coût de l’argent peut mener à mal certaines entreprises."

Une digestion qui permet de préparer la transmission de son groupe à ses fils. Outre Victor, Charles, 28 ans, le deuxième de la fratrie, a rejoint les affaires tout récemment, en septembre 2023. Diplômé également d’une école de commerce, il a travaillé dans l’industrie du logiciel pour devenir adjoint du chef des ventes sur le site de Caen (14). Une volonté de spécialiser ses enfants ? "Non, lâche François Mary. Je suis un généraliste, je m’entoure de spécialistes, mais je veux qu’ils apprennent toutes les facettes de notre activité." 

Lourdes responsabilités

La passation se fait en douceur. "L’importance dans la transmission est la volonté des deux parties. Je leur donne les clés pour réussir, mais une fois que je ne serai plus aux commandes, cela sera à eux de continuer l’aventure et surtout de se faire plaisir", insiste l’entrepreneur. Ses deux enfants acquiescent, eux qui ont commencé à laver des voitures en job étudiant dès le lycée. "Travailler en famille est passionnant et être le fils du patron a quelques avantages, ainsi que des obligations, dont celle d’être bon", souligne Victor qui appelle son père "le boss ou monsieur Mary", lors des discussions professionnelles.

"En tant que directeur du marketing, j’ai la chance de travailler sur l’ensemble du groupe avec les équipes en front, ainsi que des fonctions support. Le terrain me permet de bien connaître le groupe, les talents qui le composent et d’avoir les bonnes remontées d’informations." "Mon objectif et de faire gagner dix ans à mes enfants", souligne François Mary.

Car au‑delà de ses deux fils, François Mary a à coeur la formation et la promotion interne. "87 % de nos managers et directeurs sont issus de la promotion interne et plus de 10 % de nos effectifs sont des alternants. Il faut préparer l'avenir !", indique François Mary qui porte au quotidien les valeurs de la Mary Académie : "Apprendre, progresser, transmettre."

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Créer de la valeur à toutes les étapes de la vie du véhicule

Si le groupe Mary Automobiles a été pendant très longtemps distributeur Peugeot, il a su au cours des années 2000 se diversifier. Cela a commencé en 2009 avec la création de Mary Moto à Caen (14), où le groupe distribue vingt marques et possède le deuxième plus gros magasin Maxxess de France.

Le groupe Mary est également très impliqué dans le deux roues. ©Mary

En 2020, lorsque son fils aîné rejoint le groupe familial, ce dernier lance une branche vélo à Deauville, appelée Mary Cycles. "L’auto, la moto et le vélo ont trois choses en commun : la mobilité, le loisir et le sport", aime à rappeler Victor Mary. Sur un autre sujet, le groupe Mary reprend en 2022 à Lisieux un centre de véhicules hors d’usage. "Cette entreprise réalisait 50 % de son chiffre d’affaires avec nous, elle voulait vendre, cela s’est fait tout naturellement", commente François Mary.

Ce rachat est surtout un moyen de renforcer la chaîne de valeur, qui va de la distribution de véhicules au recyclage, en passant par la location (Mary Location) et les plateformes de pièces détachées (MDPR) et, au centre de la distribution de VN et voitures d'occasion, PrépaCar, une filiale de préparation, de reconditionnement, de stockage et de transport de véhicules.