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Industrie

Louis Schweitzer : "En Europe, le problème est cette absence de politique industrielle et commerciale commune"

Publié le 17 juin 2024

Par Catherine Leroy
15 min de lecture
Louis Schweitzer fut président de Renault de 1992 à 2005. De ces années en tant que capitaine d’industrie, il garde beaucoup de bons souvenirs mais affiche quelques regrets. L’homme aux plusieurs vies, politique, industrielle, associative, a accepté de revenir sur cette période qui a vu l’arrivée de Dacia, mais aussi la création de l’Alliance.
Louis Schweitzer Renault
Louis Schweitzer, ex-président de Renault. ©Le Journal de l'Automobile

Le Journal de l’Automobile : Le Dieselgate a bouleversé le regard de la société, des politiques et des lobbyistes sur l’industrie automobile. Pensez‑vous qu’il soit à l’origine de la transition énergétique que le secteur vit aujourd’hui ?

Louis Schweitzer : Je ne suis pas sûr que le Dieselgate, qui était une fraude évidente, ait eu une im­plication aussi grande. Cela a suscité beaucoup d’émotion. Cela a accéléré les choses et a contribué sans doute à nourrir un sentiment qui existait déjà avant, c’est‑à‑dire une méfiance vis‑à‑vis des grandes entreprises qui sont vues comme cherchant leur in­térêt plutôt que celui du public. Le Dieselgate était un sujet de pollution locale qui a servi à durcir les condi­tions d’analyse des tests qui, disons‑le, étaient optimisés. Cette affaire a été vécue violemment. Mais au regard de l’histoire, les normes de pollution sont sévérisées de manière continue, à juste titre d’ailleurs. Nous en sommes aujourd’hui à regarder les émissions des freins et des pneus. Et si l’on observe la dernière norme Euro 7, l’in­dustrie automobile a réussi à se faire entendre en soulignant que ce durcis­sement des normes de pollution des moteurs avait un coût disproportion­né par rapport à son avantage, alors que le véhicule électrique arrive. Mais la vraie difficulté de l’automobile, c’est l’impact qu’elle a sur le climat. Et il se­rait apparu avec la même force, Die­selgate ou pas.

 

J.A. : Existait‑il d’autres solutions selon vous que l’interdiction des véhi­cules thermiques en 2035 ?

L.S. : On aurait pu imaginer une solution à l’américaine, c’est‑à‑dire de fixer une baisse des CAFE (Cor­porate Average Fuel Economy) qui oblige à faire des voitures moins lourdes, hybrides et une propor­tion croissante de modèles 100 % électriques. C’est une approche tout à fait défendable, mais je ne crois pas que les constructeurs automobiles l’aient vraiment plaidée à l’époque. La difficulté de cette échéance de 2035 se trouve du côté des services techniques et ingénie­ries des constructeurs, où l’on aimerait avoir un avenir certain. Or, l’ACEA s’attache à reculer cette date de 2035. Nous sommes donc dans une contradiction entre l’avantage d’un recul de la norme et le fait que pour 2035, dans onze ans, ce se­rait bien d’avoir un horizon certain pour l’ingénierie et la planification stratégique. De plus, la date de 2035 ne concerne que l’Europe. Si les constructeurs européens veulent survivre, ils ne peuvent pas vendre des voitures uniquement en Eu­rope. Et donc, il y a de toute façon, pour beaucoup de pays, un avenir pour le moteur thermique qui, en termes d’efficacité et de coût, en dehors du problème climatique, est très performant.

 

J.A. : Quelle réaction avez‑vous lorsque Carlos Tavares, directeur géné­ral de Stellantis, estime que dans cinq ans, il ne restera sans doute que cinq constructeurs automobiles dans le monde, sans citer Renault ?

L.S. : Il y a plus de 40 ans, je me souviens que Gianni Agnelli faisait le même type de prédictions à une échéance de 10 ans. Il citait quelques constructeurs qui résisteraient mais pas Renault. Mais, en même temps, il n’était pas convaincu à l’époque que Fiat survivrait, c’est pour cela qu’il avait envisagé une fusion Re­nault‑Fiat. Je ne sais pas le nombre de constructeurs qui survivront. Mais ce qui est frappant, c’est que je ne connais qu’un seul exemple de constructeur qui se soit créé der­nièrement dans un pays ouvert à la concurrence : c’est Tesla. Dans tous les autres cas, il y a eu des dispari­tions, à un rythme variable, mais pas de naissances. Les naissances se sont toujours produites à l’abri de fron­tières protectrices.

 

Ce fut le cas en Allemagne pour Volkswagen, au Japon, en Corée et en Chine. Tout cela a amené des concentrations. Ce qui arrivera aus­si en Chine. Mais au fond, les bons résistaient. Il n’y a pas de fatalité. Il y a des moments de crise liés à des problèmes de gestion, plus qu’à une sorte de fatalité. Et nous avons aus­si vu des renaissances historiques. C’est le cas de Renault. Je ne crois pas à la fatalité, mais au risque permanent. Lorsque je suis entré chez Renault au 1er mai 1986, personne ne donnait la moindre chance au Losange. Le constructeur a été sau­vé par Georges Besse et s’est ensuite développé. Nous avons prouvé qu’il n’y avait pas de fatalité. Le repli n’est jamais la réponse la plus efficiente au risque.

 

Le repli n’est jamais la réponse la plus efficiente au risque

 

J.A. : Le risque existe‑t‑il pour les constructeurs qui ne possèdent pas une taille critique ?

L.S. : Je ne suis pas sûr qu’il faille une taille minimum. La taille n’est pas une protection suffisante. L’an­goisse que l’on peut avoir est que la part strictement automobile du métier de constructeur soit moins forte avec l’électrique qu’avec le thermique. De plus, avec les bat­teries, une part essentielle de la valeur échappe aux constructeurs. Il existe une part "d’art" dans le moteur thermique qui demande un long apprentissage. L’électrique per­met d’accélérer cet apprentissage, comme l’a démontré Tesla. Mais je suis persuadé qu’il y a quelque chose d’irrationnel dans la perspec­tive que l’on donne à Tesla. Au fond, ce constructeur est dans une situa­tion de déséquilibre dynamique. Ou il impose la voiture autonome, que l’on voyait comme imminente il y a une dizaine d’années encore, ou il pourrait lui‑même être en situa­tion de crise.

 

J.A. : Pensez‑vous que la voiture auto­nome va se développer ?

L.S. : Oui car c’est la seule solution dans un monde qui vieillit, dans un monde où l’accident de la route n’est plus accepté comme une fatali­té et pour que des personnes âgées ou isolées bénéficient de la liberté qu’offre l’automobile. Le moment venu, la voiture autonome redon­nera de la liberté pour cette généra­tion. De même, aucun constructeur n’a la taille critique pour développer un véhicule autonome seul, sauf peut‑être Toyota.

 

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J.A. : BYD, fabricant de batteries à l’origine, est‑il le seul aujourd’hui à maîtriser la valeur de la voiture électrique ?

L.S. : Historiquement, les grands constructeurs automobiles se ba­saient sur une intégration verticale totale. Tous les constructeurs au­tomobiles ont constaté que cette intégration n’était pas une bonne solution. Aujourd’hui, je ne suis pas sûr que ce soit un avantage du­rable de fabriquer ses propres bat­teries, car on est prisonnier de ses installations. Cette technologie des batteries a été statique pendant des années. Maintenant, le rythme des changements et des innovations est impressionnant que ce soit en termes de coût, de durabilité, de puissance ou de vitesse de recharge.

 

J.A. : L’arrivée des constructeurs chinois, est‑elle plus dangereuse pour les acteurs européens que la concurrence des firmes japonaises, coréennes il y a quelques années ?

L.S. : À une époque, la défense des constructeurs européens était d’im­poser des quotas aux véhicules ja­ponais, de bloquer les importations coréennes… Tout cela ne marche qu’un temps. Dans le cas des constructeurs chinois, les USA peuvent faire ce qu’ils veulent mais pas les Euro­péens. Le problème est que les Euro­péens ne sont pas assez unis pour avoir une véritable politique com­merciale et industrielle. Le risque n’est pas nécessairement lié aux Chinois. Les Coréens et les Japonais, lorsqu’ils ont conquis une part de marché en Europe, l’ont fait alors que le Japon était fermé aux importations de véhicules européens, tout comme la Corée. La situation n’est pas radicalement différente. Le problème de l’Europe est cette absence de poli­tique industrielle et commerciale commune. C’est le fait majeur par rapport à la Chine. Ce n’est pas la Chine elle‑même, mais plutôt l’inap­titude de l’Europe dans un système mondial à être quelque chose. L’Europe est un champ de ba­taille et pas une puissance contraire­ment aux USA.

 

J.A. : Si la Commission européenne im­pose des droits de douane compensa­toires, quels peuvent être les risques de mesure de rétorsion notamment sur un accès plus limité aux matières premières ?

L.S. : Je ne vois pas très bien quelle peut être la réaction des Chinois parce qu’elle ne peut pas vraiment s’appli­quer sur des importations de voi­tures peu importantes. Les construc­teurs occidentaux, qui sont installés en Chine, le sont toujours avec des JV dont la majorité est détenue par des constructeurs. Si la Chine devait réagir vis‑à‑vis d’un pays, cela se fe­rait d’abord par rapport aux USA. Par ailleurs, il faut également rap­peler que le coût de transport d’une automobile vers l’Europe représente 1 600 euros environ. Or, le nombre total d’heures de main-d'œuvre di­recte et indirecte dans une usine ef­ficiente oscille entre 15 et 20 heures. Comparé à 1 600 euros, ce n’est donc pas le bas coût de la main-d'œuvre en Chine qui fait la différence. Donc, oui, les constructeurs chinois vont installer des usines en Europe et ce seront ainsi des voitures fabriquées en Europe.

 

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J.A. : Quel est votre sentiment après la fin de l’Alliance avec Nissan, dont vous êtes à l’origine ? Avez‑vous des regrets ?

L.S. : Oui, absolument. Mais la véri­té est que l’Alliance a été tuée en 2015 quand Renault, sous la présidence de Carlos Ghosn, a signé un accord avec Nissan, dont le patron était aus­si Carlos Ghosn, par lequel Renault, qui avait 44 % de Nissan, a abandon­né ses droits de vote. À partir de là, c’était fini. Je n’ai jamais pensé que ce soit une bonne chose que Renault et Nissan aient le même patron. Mais je croyais qu’au moins, en ayant un seul patron, on aurait une vraie convergence des ingénieries pour avoir des plateformes et des moteurs communs… et ceci n’a pas été fait. La réalité, c’est que Carlos Ghosn, qui voulait le soutien des dirigeants japonais, n’a pas agi fermement, mais a plutôt géré cette affaire comme une fédération, sans en tirer le maxi­mum de synergies. Seul l’univers des achats a entraîné des synergies. Mais les achats ne sont pas le cœur d’une firme automobile. C’est l’ingé­nierie. Dans ce domaine, entre 2005 et 2015, presque rien ne s’est passé. Mais cela se comprend pour des raisons politiques. L’ingénierie, c’est le cœur central qui est difficile à pé­nétrer. Et il y a eu une absence de convergence des ingénieries.

 

Si vous traitez les gens à l’américaine, vous finissez comme Boeing. Si vous mentez au client, il vous arrive la même chose qu’à Volkswa­gen et si vous traitez mal vos fournisseurs, sur le court terme, vous gagnez vite, mais sur le long terme, cela ne marche pas non plus

 

J.A. : Le fait que l’État français soit action­naire de Renault a‑t‑il bloqué l’avancée du dossier ?

L.S. : Non car quand Nissan est entré dans l’Alliance avec Renault, l’État français détenait 44 % du constructeur tricolore.

 

J.A. : Que regrettez‑vous de votre présidence chez Renault ?

L.S. : Au fond, je n’ai pas de regrets majeurs chez Renault. Vilvorde a été une histoire douloureuse mais c’était une évidence industrielle. Cela a été une épreuve. Mais c’était la bonne décision. Après 2005, je suis resté président non exécutif de Renault. Pendant cette période, je pense avoir évité une ou deux sottises.

 

J.A. : Lesquelles ?

L.S. : Un projet d’Alliance où Car­los Ghosn était à la fois président de General Motors, Nissan et Re­nault. C’était de la folie. Le conseil d’administration en a été convaincu comme moi. Je n’étais pas fanatique du rachat de Lada, mais je n’ai pas pu l’éviter. J’ai également été désolé que Renault cède sa participation dans Volvo Trucks, malgré la forte plus‑value générée. Mon idée était de construire un grand groupe dans l’automobile et le camion. Mon re­gret est peut‑être d’avoir proposé le choix de Carlos Ghosn pour me suc­céder mais cela paraissait évident à l’époque. J’ai eu des doutes quand il a conservé la direction de Nissan, mais je n’ai jamais réussi à faire partager mes doutes jusqu’à son arrestation.

 

J.A. : Et votre meilleur souvenir ?

L.S. : C’est la découverte de quelques voitures. Car j’adorais le produit. Je ne suis pas ingénieur mais j’ai pris quelques décisions qui se sont avérées payantes et ce sont des souvenirs merveilleux. C’était par exemple, le Scenic pour lequel j’avais choisi de le faire en acier en non en plastique, comme l’Espace, afin d’en augmenter la production. La première fois que j’ai vu la maquette creuse grandeur nature du Scenic, j’étais heureux comme un roi, car je savais que l’on en vendrait beaucoup. Pour Dacia, les moments de bonheur les plus intenses que j’ai eus, ce sont les pre­mières fois que j’ai conduit la Lo­gan. Car c’était une bonne voiture. Je savais qu’elle avait les qualités re­quises de durabilité et de fiabilité, mais elle était aussi très agréable à conduire. J’ai aussi un autre souve­nir d’euphorie : c’est lorsque l’on m’a apporté une photo de Roumains qui faisaient la queue devant une concession Dacia, comme des gens devant un cinéma.

 

J.A. : Pourquoi personne n'a jamais réussi à copier ce modèle ?

L.S. : Je ne l’ai jamais su. Il faut d’abord dire que l’ingénierie de Re­nault était hostile à ce projet mais en même temps, je suis persuadé que personne d’autre qu’elle n’au­rait su faire. Il y a chez Renault une volonté du défi, une acceptation de sortir des sentiers battus qui, je pense, n’existe pas ailleurs. Car au fond, on sait depuis 2005 que Dacia fait un tabac et que ce sont les meil­leures marges de Renault. Et nor­malement, il faut quatre à cinq ans pour concevoir une voiture. Quatre ans après la sortie du Scenic, tous les concurrents avaient un modèle similaire. Dacia n’a jamais eu de concurrents. Je pense qu’il fallait à la fois le vouloir et une ingénie­rie qui ait envie de relever un défi plutôt que de faire toujours plus ou toujours mieux. Je dis souvent que ce n’est pas parce que nos voitures sont plus belles que nos clients sont plus riches. Dans l’automobile, le schéma classique était, que lors du remplacement d’une voiture, vous en fassiez une plus belle, plus équi­pée, plus lourde. Et à ma connais­sance, Dacia était le seul cas où l’on a dérogé à ce "toujours plus". Tant que l’écart avec les autres est suffisant, tout va bien. À un mo­ment donné, il faudra peut‑être re­démarrer avec une voiture encore moins chère.

 

J.A. : Est‑ce vital aujourd’hui pour Renault d’avoir des partenaires ?

L.S. : Le partenariat le plus impor­tant est celui avec les fournisseurs. Car c’est un partenariat gagnant‑ga­gnant. Avec un concurrent, c’est toujours difficile. Il y a eu quelques expériences avec PSA, avec GM, avec Mercedes, avec VW… Le risque est que le partage du gâteau l’emporte toujours sur sa fabrica­tion. Renault, il y a un ou deux ans, était dans une situation financière très difficile. Maintenant, le cash est revenu. La pression pour trouver des partenaires n’est plus la même. Quand nous avons fait l’Alliance avec Nissan, ce n’était pas parce que nous manquions de volume, mais je me disais qu’entrer sur les mar­chés américain et asiatique était un investissement hors de prix. L’Al­liance avec Nissan était beaucoup moins chère que d’entrer seul sur ces marchés. Aujourd’hui, il y a de nouveaux marchés (Afrique, Asie), mais avec l’avantage compétitif de la famille Dacia, nous n’avons pas le même problème. En revanche, nous avons raté la Chine et c’est un de mes regrets.

 

J.A. : Chaque année, la polémique sur le salaire de Carlos Tavares se fait plus grande. Ce sujet existait‑il lors de votre présidence ?

L.S. : Nos salaires étaient beaucoup plus modestes à l’époque ! Il y a eu d’abord un bruit sur le salaire de Carlos Ghosn. Et on pensait que le fait de rendre les salaires publics allait les faire baisser. Et cela a eu l’effet inverse.

 

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J.A. : Vous avez eu beaucoup de vies : poli­tique, industrielle, associative… Quelle est celle que vous avez préférée ?

L.S. : Je n’ai pas vraiment eu de vie politique, car la politique, c’est se faire élire et une élection à un conseil d’administration n’a rien à voir avec une élection populaire. Dans le fond, je n’ai jamais cessé d’être heureux. Être directeur de ca­binet a été passionnant. Et c’est sans doute le moment de ma vie où j’ai eu le plus de pouvoirs réels. J’ai ado­ré cette période. Tout comme ma vie chez Renault. Là, c’était concret et j’étais entièrement responsable de ce que je faisais. Ensuite, j’ai eu la chance en quittant Renault d’être nommé à la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité). J’ai passionnément aimé et j’ai eu le coeur brisé lors de son arrêt. J’ai été très heureux, également, comme commissaire général à l’investissement. Donc, franchement, j’ai eu la chance de vivre des moments très différents et je ne me suis jamais ennuyé. La période la plus intense a sans doute été quand j’étais patron de Renault.

 

Je suis convaincu que l’éthique et l’efficacité convergent sur le long terme. Si vous traitez les gens à l’américaine, vous finissez comme Boeing. Si vous mentez au client, il vous arrive la même chose qu’à Volkswagen et si vous traitez mal vos fournisseurs, sur le court terme, vous gagnez vite, mais sur le long terme, cela ne marche pas non plus. C’est très important. Nous avons un système d’économie financiari­sée. Par la force des choses, le court terme est privilégié par rapport au long terme.

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