Rétromobile : le charme de l'ancien
Le nouveau directeur de Rétromobile n’a pas chômé, tandis que dans le monde de l’après‑Covid, l’événementiel a souffert pour relancer la machine. "Il s’agit de ma première édition à plein, rappelle d’entrée Romain Grabowski. L’équipe a totalement changé, mais les indicateurs sont au vert dans l’industrie des voitures de collection."
Les données factuelles tendent à lui donner raison. La superficie s’élargit au rythme d’une "croissance à deux chiffres". En 2024, le salon logé à la Porte de Versailles (Paris XVe) accueillera ainsi une cinquantaine d’exposants supplémentaires. "Nous avons œuvré à proposer une offre la plus complète possible", commente le directeur.
Ce qui devrait permettre de dépasser la barre des 125 000 visiteurs établie l’an passé. Rétromobile attend, notamment, plus de personnes venues de l’étranger. Celles qui, selon Romain Grabowski, disposent d’un fort pouvoir d’achat. Il le faudra pour faire vivre les sessions de ventes aux enchères de pièces de collection et aider les participants, dont de grands marchands, à rentrer dans leurs frais.
Déplacement de la demande
L’Europe concentre environ la moitié des voitures de collection en circulation dans le monde, d’après les informations du directeur de Rétromobile. Ce qui n’empêche pas de percevoir un léger tassement des ventes aux enchères. Le mode de consommation a changé, faut‑il dire. Il est plus digitalisé. La cible aussi n’est plus la même.
La nouvelle génération d’acheteurs montre de l’appétence pour les sportives des décennies 80 et 90. Rien d’anormal compte tenu de la tranche d’âge de ceux qui délient les bourses. Ils sont à la recherche de souvenirs d’enfance. Certains ont cependant relancé l’attrait pour les véhicules d’avant‑guerre, mais entre les deux époques, il y a moins d’activité.
Vladimir Grudzinski, cofondateur et président de CarJager, confirme cette tendance. "Il y a toujours de l’intérêt pour l’avant‑guerre et les voitures de compétition. Nous observons également une forte demande pour des GT récentes, ce qui fait grimper les prix", détaille‑t‑il des statistiques de sa plateforme de transaction multicanale de voitures de collection, de sport et de prestige.
Celui qui comptera justement parmi les exposants à Rétromobile explique plus précisément que les voitures avant 1985 perdent de l’intérêt aux yeux des passionnés. "En dehors des modèles de compétition, les cotes se tassent, insiste‑t‑il. En plus, l’inflation a provoqué une hausse des frais de restauration, de fait, les prix de transaction ont chuté." Le président de CarJager parle d’une fonte de 30 % en cinq ans. Pour être dans le vent, d’après lui, il faut revendre une voiture de la vaste période courant de 1985 à 2010.
La 2CV reine des anciennes
Fin décembre 2023, les infomédiaires opérant en France cumulaient 73 747 annonces de voitures de plus de 20 ans, selon les données extraites par Le Parking, l’agrégateur d’offres VO. En tête des propositions, se trouvait alors la Renault Clio avec 2 275 annonces. Elle devançait la Peugeot 206 et la BMW Série 3, respectivement créditées de 1 720 et 1 697 annonces en ligne.
Le Parking nous apprend également que la région Auvergne‑Rhône‑Alpes recense le plus de voitures en vente avec un total de 10 282 unités, soit pratiquement 14 % du marché national des plus de 20 ans. L’Île‑de‑France lui conteste timidement ce statut avec 9 727 annonces, soit 13,2 % des offres.
De manière isolée cette fois, le volume de voitures d’occasion âgées de plus de 30 ans s’établissait à 26 184 annonces, soit 35,5 % des annonces d’exemplaires les plus vieux. Le trio de tête se compose là de la Citroën 2CV (930 offres), de la Mercedes‑Benz SL (772 offres) et de la Ford Mustang (644 offres). Les sites de petites annonces ne font pas tout. Bien au contraire.
"En 2023, nous avons reçu 10 000 demandes de personnes en position de revente ou d’achat. 40 à 45 % des réponses que nous apportons viennent de solutions hors marché", rapporte Vladimir Grudzinski. Travailler sur le marché des voitures de collection appelle à maîtriser les microcosmes et à entretenir un carnet d’adresses bien fourni. La vérité étant que chaque propriétaire se tient à l’écoute de propositions et est prêt à céder son bien par opportunité.
Rétromobile sera plus que jamais un moyen d’intégrer des cercles fermés puisque l’organisateur est parvenu à attirer de nombreuses associations comme le 205 GTI Club de France.
Autre stand, même sensibilité au produit. L’Agence Automobilière sera de la partie pour montrer au grand public sa force de frappe.
Sur les 5 695 voitures en mandat au 12 décembre 2023, exposées sur le site national de la franchise de vente de VO entre particuliers, 223 d’entre elles affichaient un historique supérieur à 20 ans, soit 3,9 % de l’offre. Toutes détiennent une carte de grise de véhicule de collection ou répondent aux critères des youngtimers.
"Nous ne prenons pas en mandat des voitures de plus de 20 ans dites normales", cadre Christophe Winkelmuller, président de l’enseigne. Il justifie sa présence à la Porte de Versailles par ce volume d’activité qu’il qualifie de supérieur à celui de bon nombre d’acteurs plus légitimes, sur le papier, pour exposer à Rétromobile.
Un contexte qui se tend en points de vente
Ils sont de plus en plus nombreux à ouvrir les bras aux voitures de collection. La Fédération française des véhicules d’époque (FFVE) en atteste. Le total d’adhérents augmente d’année en année et dépasse maintenant les 500 membres. Ils représentent tous les corps de métier.
Ainsi, l’institution qui a pour mission de défendre les intérêts des professionnels et des passionnés auprès des pouvoirs publics porte maintenant la parole de près de 24 000 salariés français du secteur et quelque 300 000 propriétaires de voitures, camions et autres motocyclettes d’une époque révolue.
Selon les estimations les plus récentes à date, le monde de la collection de véhicules génère un chiffre d’affaires supérieur à quatre milliards d’euros chaque année. "Cela ne se résume pas uniquement à un marché de la voiture de luxe. Il y a quelque chose de plus populaire désormais", apprécie Jean‑Louis Blanc, président de la FFVE. Une manne financière qui attire forcément, mais ne garantit pas toujours le succès commercial en dépit de la bonne dynamique.
Pour preuve, début 2023, quelques semaines à peine après nous avoir exposé ses ambitions pour les voitures mythiques, le groupe Sofipel a dû mettre en veille son activité en attendant des jours meilleurs. Si le groupe breton ne s’est pas étendu en explications, on peut supposer que les coûts de transport pour acheminer les voitures depuis les États‑Unis et de remise en condition ont eu raison de l’équation économique.
Il se murmure que d’autres groupes de distribution envisageraient de ralentir, voire d’enclencher la marche arrière. La hausse des frais financiers n’aidant pas à entretenir des stocks.
Le label legends de BYmyCAR trouve son public
BYmyCAR n’est pas de ceux‑là pour le moment. Sa filiale Legends a réussi une première année pleine satisfaisante au sein de la concession Renault de Nancy (54) qui héberge l’activité sous la forme d’un corner.
Si le nouveau panneau n’a pas encouragé spécifiquement, chez les visiteurs, de logique de ventes complémentaires entre des modèles de collection et des produits de la gamme actuelle, voire des VO relativement récents, le service marketing peut se réjouir de certains bénéfices avérés.
Avec Legends, la concession Renault de BYmyCAR a attiré une clientèle inconnue des commerciaux du showroom. "Nous avons eu beaucoup de trafic avec de bons résultats à la clé", affirme une porte‑parole du lieu de vente.
Outre une Megane RS, des Porsche, Audi et Fiat 500 ont pu être reprises pour alimenter le stock. Au cumul des mois, le site a écoulé une quinzaine de pièces de collection en 2023.
La suite verra deux projets se concrétiser en 2024. Sur le front social, il s’agira d’attirer des jeunes talents à l’après‑vente. Pour ce faire, BYmyCAR Legends va lancer un défi de restauration d’une Alpine A310 de 1983. Elle servira de porte‑étendard du point de vente de Nancy et d’outil de communication sur les réseaux sociaux auprès des étudiants.
Sur le front commercial, en parallèle, un système de dépôt‑vente va être mis en place. Il est actuellement en phase de test. Cela a pour objectif d’accroître le volume sans mettre à mal la trésorerie. "Nous établissons des processus métier afin de motiver les particuliers à nous confier les mandats", explique la porte‑parole.
De Willermin, la future référence ?
À l’autre bout de la France, dans le Sud, le groupe De Willermin adopte une stratégie différente. À l’automne dernier, la famille a pris le parti d’entrer au capital de CarJager lors d’une opération de levée de fonds. Une surprise pour les uns, un pari audacieux pour les autres. Une évidence pour les deux entreprises qui collaborent depuis assez de temps pour avoir identifié des opportunités de développement commun.
"Le monde des concessions et celui des voitures de collection ne sont pas les mêmes, il faut aborder les clients comme un broker et nous allons construire une offre en ce sens", se limite à expliquer Vladimir Grudzinski. Derrière ces mots, on devine l’esquisse d’une première solution conçue conjointement et qui pourrait, à terme, devenir un dispositif à déployer en showrooms. Il faudra attendre le printemps pour en savoir plus.
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LS Group mise sur Porsche
À Rouen (76), LS Group va aussi monter en puissance. Maintenant que l’affaire Porsche locale, reprise en 2022, est bien ancrée dans l’organisation, l’opérateur veut lui donner plus de moyens. Le distributeur dispose d’une pépite. Le point de vente dispose de la certification Centre Porsche Classic, délivrée par la maison mère uniquement après un audit du respect du cahier des charges défini en Allemagne.
Sur place, Nicolas Briens joue sa partition à merveille. En parallèle de son rôle de concessionnaire VN et VO, le directeur a rendu profitable la vente d’une quinzaine d’exemplaires disparus des catalogues de Porsche.
Le budget de ses acheteurs oscille entre 80 000 et 120 000 euros majoritairement. "Le secret tient dans la bonne estimation des frais de remise en état", résume le directeur. Si 70 % des 1,250 million de véhicules produits par la firme de Stuttgart circulent encore, la prudence doit être de mise face à une telle longévité.
Il n’empêche que LS Group veut accélérer la cadence et jouer sur un tempo deux à trois fois plus rapide désormais. "Nous allons avoir recours à des outils pour mailler le territoire national et être en mesure de nous approvisionner partout", pose Nicolas Briens.
Le digital prend alors de l’importance, tant dans la phase de prospection entrante que sortante. Outre les réseaux sociaux, un nouveau site Internet va être mis en ligne prochainement. "Il faut le faire intelligemment, car le classique répond à une autre temporalité", rappelle Mathilde Dressel-Thouant, responsable marketing au sein de LS Group.
Une temporalité qui amènera d’autres modes de consommation inspirés du VN. En effet, le Centre Porsche Classic de Rouen s’apprête à proposer des offres locatives. 30 % des clients pourraient être séduits par des contrats d’une durée de deux à quatre ans avec engagement de reprise. Une proposition rare sur ce segment. À ceci, s’ajoutera en 2024 une solution de location courte durée dénommée Porsche Drive. Par ce moyen, Nicolas Briens veut lever les barrières qui empêchent les clients d’accéder à ses voitures.
"Nous manquions de compétences en interne pour élever la prestation à un tel niveau d’excellence sur le commerce de voitures de collection. C’est un métier spécifique que les équipes de Porsche Rouen maîtrisent parfaitement", rend hommage Simona Cascone-Schumacher, directrice marketing et communication du groupe. Il est cependant encore trop tôt pour dire si Alpine, Maserati, Lamborghini ou Dallara profiteront de cette expérience au sein du groupe.
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