Résultats Stellantis : les réseaux sont-ils les grands oubliés ?
Quelques heures après la diffusion des résultats financiers exceptionnels du groupe Stellantis, des voix s'élèvent dans les réseaux de distribution du constructeur en France. Il faut dire que les directeurs de marque ont envoyé dans la foulée de l'annonce de ces résultats les informations concernant la rentabilité moyenne dégagée en 2022 par les distributeurs.
"Je ne peux que me réjouir des résultats annoncés par Carlos Tavares, car il ne faut pas oublier qu'en 2013, PSA était au bord du gouffre et avait failli disparaître, résume pour l'ensemble des distributeurs Stellantis un important acteur Citroën. Mais aujourd'hui, si les résultats sont aussi bons, c'est que, nous réseau, nous y avons fortement contribué et nous récompenser à la hauteur de nos investissements aurait été bienvenu."
Opel à 0,14 % de rentabilité
Parmi les acteurs les plus critiques figurent les distributeurs Opel qui ne peuvent se satisfaire d'une rentabilité de 0,14 % annoncée au titre de 2022. "Après trois années de pertes, comment pouvons-nous nous contenter d'une rentabilité de 0,14 % ? Comment pouvons-nous tenir ?", s'insurge un distributeur. "Nos marges sont inexistantes. Pour information, la marge pour la vente d'une Corsa n'est que de 200 euros. Tout le système de rémunération se base sur les marges arrières avec des niveaux de primes inatteignables. Ce qui nous laisse à peine de quoi payer nos vendeurs."
Au sein du réseau, les vendeurs ne sont pas plus tendres et le versement d'une prime de 4 300 euros minimum annoncé par le constructeur pour l'ensemble des salariés passe assez mal. "Il ne faut pas oublier que les employés des groupes privés ne touchent pas un centime de ce bénéfice et que nous sommes face à des clients pour qui les augmentations de tarifs des voitures nous sont reprochées", explique ce vendeur. "Comment vais-je expliquer à mes équipes que je ne pourrais pas les augmenter alors que les résultats annoncés par Stellantis sont en partie le fruit de leur travail ?", souligne un chef d'entreprise.
Le réseau Peugeot à 1,39 %
Certes pour le réseau Peugeot, la rentabilité est bien meilleure. Celle-ci atteint 1,39 % en amélioration par rapport à 2021 de 0,39 point. Pour autant, il ne montre pas d'optimisme. "Si nous affichons une meilleure rentabilité, c'est grâce au véhicule d'occasion et l'après-vente, avance ce patron de groupe. Mais surtout notre plus grosse inquiétude se porte sur le niveau des carnets de commandes."
Ces derniers sont en baisse depuis octobre 2022 et promettent des mois difficiles à venir. "Les niveaux de commandes posent une vraie question sur la politique de pricing de Stellantis. L'année 2023 s'annonce très inquiétante : les coûts de l'énergie flambent, les salaires augmentent tout comme les frais financiers et les volumes de ventes de véhicules d'occasion sont en baisse, poursuit ce dirigeant. Si la rentabilité du constructeur n'est pas un sujet, il faut donner quand même des moyens pour faire le business sur le terrain. Or, les hausses de prix pratiquées ne vont-elles pas emmener tout le monde dans le mur ?"
Rentabilité artificielle de 0,4 % chez Citroën
Chez Citroën, la colère est encore plus forte. Si les concessionnaires interrogés se félicitent de voir Stellantis annoncer des résultats records, ils sont en revanche très remontés sur le fait que le partage soit inexistant. Selon nos informations, la rentabilité n'atteint pas les 0,45 %.
En outre, ce - très - faible pourcentage ne serait pas lié à l'activité en tant que telle (VN, VO et SAV), mais serait dû en grande partie au versement de primes sur la garantie des prix (correspondant à l'évolution des tarifs catalogue entre le moment de la commande et celui de la livraison) qui remonteraient à la période avant-Covid ! "Sans ces versements, nous aurions été dans le rouge", insiste un concessionnaire.
Avec des ventes qui ont chuté de 19,8 % en 2022, plaçant Citroën quatrième marque du marché, il aurait d'ailleurs été surprenant que le réseau affiche des résultats dans le vert.
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En outre, les distributeurs Citroën sont fortement mécontents de la politique de rémunération du constructeur. "Les groupes qui ont surperformé n'ont reçu aucune compensation, alors qu'ils ont dû palier par exemple les problèmes de logistique du constructeur en assurant à leurs frais la mobilité de leurs clients", s'insurge un autre dirigeant.
"Nous voyons clairement un manque d’homogénéité aussi bien sur les produits que dans la stratégie entre les différentes marques du groupe, et Citroën en souffre", observe un autre acteur qui reproche à la marque une gamme qui n'est plus adaptée aux besoins des clients, notamment sur l'électrique, et une politique tarifaire trop élevée. "Citroën est le parent pauvre de Stellantis", résument lapidairement des distributeurs.
A 1,3 %, DS tire son épingle du jeu
Seule DS Automobiles trouve une grâce - toute - relative aux yeux des distributeurs. La rentabilité est de 1,3 %, ce qui la rapproche de Peugeot, mais "pour une marque premium, elle est très faible, en rapport aux investissements en formation, mobiliers, équipements que le constructeur nous demande", regrette un dirigeant.
Fiat en petite forme avec 0,8 %
Chez Fiat, ce n'est pas mieux. La marque mono produit (la 500 représente 75 % des ventes de la marque en France, NDLR) affiche une rentabilité de 0,8 % ( et 1,25 % sur chiffre d'affaires net). "La marque est sauvée par Fiat Professional, malgré les problèmes de disponibilité des produits, commente un distributeur ex-FCA. Pour ceux qui ne distribuent pas de véhicules utilitaires, les résultats sont moins bons."
Quant à Jeep, nous n'avons pas encore eu les résultats concernant la rentabilité. Mais avec des immatriculations en chute libre de 47,1 % en 2022, il serait surprenant que la rentabilité soit au rendez-vous.
Seul rayon de soleil, les résultats des entreprises ont en moyenne progressé. "Ce n'est pas lié à l'augmentation du prix des voitures, car nous sommes désormais payés au forfait et non pas au pourcentage, mais plutôt grâce au VO et à l'après-vente", commente un distributeur. Néanmoins, ces relatives performances risquent de ne pas durer car le marché du VO commence à de nouveau se tendre. Et de réduire la rentabilité des affaires.
(avec Christophe Bourgeois)
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