Rentabilité des réseaux : merci à l'inflation et au VO (dernière partie)
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Peugeot : Une pression folle
En surface, la rentabilité semble intéressante, surtout au regard des problèmes de livraison. Mais en grattant, le compte est loin d’être bon. Avec une rentabilité de 1,39 % sur le chiffre d’affaires brut, le réseau Peugeot fait la grise mine. "Le véhicule d’occasion et l’après‑vente: voilà ce qui a permis de sauver l’année", estime ce patron de groupe.
De fait, avec 18,4 % de volume en moins en 2022, la marge brute de l’activité VN a perdu 5,35 %. Dès lors, les remises aux clients ont largement été amputées et la marge unitaire a augmenté. L’activité VO a également souffert du manque de véhicules d’occasion (‑ 17 % en volume), mais la marge brute a progressé de 27 %.
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Enfin, pour l’après‑vente, le chiffre d’affaires total a augmenté de 8,8 % et la marge brute s’affiche à 8,5 %. C’est donc bien l’occasion et l’atelier qui ont permis au réseau de gagner de l’argent. Mais plus encore que les chiffres, ce sont les relations entre le constructeur et les distributeurs qui ont épuisé le réseau.
"On assiste à une réelle folie dans les mécanismes appliqués par le constructeur, nous explique ce distributeur. Fin 2022, nous avions 6000 voitures dans la nature que le constructeur ne pouvait pas nous livrer, car il ne savait tout simplement pas où elles étaient. Mais cela ne l’a pas empêché de nous infliger des agios car la période de portage gratuit était passée."
Retard dans le paiement des primes, frais de stockage facturés par les centres logistiques sur des véhicules non servis, indemnités de retard dans les livraisons non prévues… la liste est loin d’être exhaustive. Le réseau Peugeot attend autre chose que de la pression de la part du constructeur.
Renault : Le réseau a fait une bonne année
Malgré le manque de voitures, le réseau Renault a réalisé une bonne année avec une rentabilité moyenne de 1,4 %, contre 0,95 % en 2021, et surtout un chiffre d’affaires en hausse. "C’est un résultat qui est largement tiré par le véhicule d’occasion", précise Jérôme Daumont, président du groupement des concessionnaires de la marque.
De fait le demi‑net VO a représenté un quart de l’activité totale contre 15 % habituellement. L’activité VN offre également un bilan positif. Notamment grâce à la hausse du mix des ventes, la baisse des conditions commerciales, sur 2022, mais aussi à la quasi‑fermeture des canaux tactiques.
De plus, si la logistique demeure problématique, les livraisons semblent s’améliorer. Reste que le réseau doit continuer à baisser les coûts des structures. "La marque nous a demandé de préparer un plan d’économies et de baisser les coûts de fonctionnement à l’horizon 2025 », poursuit Jérôme Daumont.
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Une demande qui fait sauter également quelques tabous, comme celui de fermer des points de vente, peu rentables, de baisser le nombre d’agents ou encore mettre plusieurs marques dans un même showroom. "C’est l’intégralité du business model qui doit être revu. En premier lieu, la refonte des structures des showrooms VP pour mieux compacter la présence des quatre marques du groupe", nous a expliqué Ivan Segal, directeur commercial France de Renault.
Seat - Cupra : Merci Cupra !
2022 n’aura pas été une bonne année pour Seat en France. La marque a, en effet, plongé de 48,7 % et n’a immatriculé que 13 684 véhicules. La principale raison de cette chute est le manque de produits disponibles, le groupe Seat ayant choisi de privilégier la production des modèles Cupra pendant la crise des semi‑conducteurs.
En revanche, Cupra a vu ses immatriculations presque doubler (+ 88,6 %) pour atteindre 7555 unités. Cette progression a ainsi permis au réseau d’afficher une rentabilité moyenne de 1,5 %. "Nous avançons dans le bon sens", apprécie un concessionnaire qui a été parmi les premiers à exploiter la marque Cupra en France. Nos marges s’améliorent car les prix des transactions sont bien plus élevés."
Mais le gros des volumes dépendait de l’Ibiza et de l’Arona. La marque Seat ne saurait donc être évincée. "Cela pourrait faire courir un risque réel aux points de vente qui perdront parfois 60 % des immatriculations", commente un autre distributeur. Le constructeur annonce que la rentabilité a également été soutenue.
Un constat qui n’est pas partagé par tout le monde. Entre les règles drastiques et le manque de support sur le terrain, les concessionnaires réclament un cadre plus sain.
D’aucuns tirent la sonnette d’alarme pour d’autres raisons. Volkswagen Group France n’a pas suffisamment dimensionné ses équipes administratives. Dans le contexte des ventes sous contrat d’agent, il en résulte donc parfois des délais très longs pour livrer une voiture en attente dans le hall. Une trajectoire à rectifier.
Skoda : Le vent en poupe
Une image transformée et des ambitions affirmées, Skoda fait l’unanimité. "La marque a le vent en poupe et nous en profitons", pose sans détour un concessionnaire enthousiaste. Une métamorphose qui, à chaque sortie de produit, rapproche un peu plus la marque tchèque des références premium, sans avoir l’air d’y toucher. Le public adhère. Les factures augmentent en nombre et en montant.
"Cela devrait se poursuivre car la marque a les moyens de lancer les projets qui sont dans les cartons", se réjouit un distributeur. Une dynamique payante puisque le réseau exclusif Skoda a terminé 2022 avec une rentabilité moyenne de 1,57 %. Comme chez Seat‑Cupra, la relation avec la tête de réseau est au beau fixe sur le plan commercial. À l’inverse, la politique et la stratégie des ressources humaines agacent à l’après‑vente.
Suzuki : Dans la continuité de 2022
Difficile de savoir la rentabilité moyenne exacte du réseau français de Suzuki, puisque la marque représente un faible volume pour des distributeurs qui sont majoritairement multimarques.
"Globalement, l’année 2022 a été bonne. En particulier sur l’activité VN, puisque la marque Suzuki a la particularité d’avoir de la marge faciale, même sur de petites voitures. Ce qui n’est pas le cas pour les généralistes, témoigne un distributeur qui est dans le top 10 des meilleurs vendeurs de la marque nippone. L’activité Suzuki est très positive et nous en sommes très satisfaits. Il s’agit d’une marque simple, avec des gens pragmatiques, où nous ne nous prenons pas la tête, ce qui n’est pas le cas pour tous les constructeurs."
Cette année devrait donc être un prolongement de 2022 pour le réseau Suzuki. Néanmoins, le dynamisme actuel pourrait se trouver entaché par le manque de plan produits, puisque la nouvelle version de la Swift ne devrait arriver qu’en 2024, et l’absence de stock, qui commence à faire grincer des dents certains distributeurs.
Toyota : Champagne et cotillons
2022 aura probablement été l’année Toyota ! La marque affiche une rentabilité exceptionnelle de 3 %. Une performance à plusieurs titres. Avec un tel chiffre, Toyota se positionne comme la deuxième marque la plus rentable du marché français, derrière les 3,5 % de Mercedes‑Benz.
Surtout, c’est la première fois que le réseau du constructeur japonais atteint un tel résultat. En 2021, la rentabilité était déjà impressionnante, puisqu’à 2,3 %, elle était déjà la meilleure du marché. "Nous avons été portés par le VO et l’après‑vente, mais le VN a également très bien résisté avec une mise à disponibilité des produits continue", explique un distributeur de la région parisienne.
"La Yaris Cross a pris une place importante dans le mix de produits et contribue à l’augmentation du volume et de la rentabilité", indique le constructeur. En 2022, Toyota a commercialisé 100268 véhicules, en progression de 4,3 % dans un marché en baisse de 7,8 %. Surtout, la rentabilité VO a été le catalyseur de la performance globale à plus de 3 %.
"Nous avons bien conscience que ce résultat est exceptionnel. Pour 2023, il sera probablement difficile de faire aussi bien, mais nous espérons rester au‑dessus des 2 %." De son côté, le constructeur annonce qu’ "il devra maintenir la solidité des sections VN et APV et maîtriser les frais fixes afin d’absorber le retour à la normale attendu de la partie VO".
Volkswagen : Record battu, mais…
La première marque importée sur le marché français a récemment réuni des représentants de ses 13000 concessionnaires européens. Certains sont revenus de Hambourg gonflés à bloc. L’ID.2 All leur a montré que le constructeur investit dans l’avenir. Le présent est déjà assez glorieux.
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En 2022, la rentabilité moyenne s’est établie à 1,7 % dans le réseau exclusif et à 1,2 % environ chez les opérateurs ayant plusieurs marques du groupe Volkswagen. "Nous avons atteint notre meilleur niveau depuis 15 ans", apprécie un concessionnaire de la moitié sud.
À défaut de livrer toujours autant de voitures, les bons de commande ont accordé moins de remises. Et un distributeur d’expliquer: "En théorie, chez Volkswagen, nous terminons l’année avec un gain moyen de 1 400 à 1 600 euros par voiture, en prenant en compte les marges arrière. L’an passé, ce montant a été de 1 800."
La marque aurait donc tendance à avancer que sa politique a été à l’origine de la rentabilité exceptionnelle des distributeurs. Pour beaucoup, il n’en est rien. "Il y a un vrai manque à gagner", dénonce un poids lourd du réseau. "En réalité, nous avons profité du VO que nous avons acheté par nous‑mêmes", retient le cadre d’un groupe en croissance dans la sphère VW. Et le VO devrait subir un rattrapage de prix qui pourrait faire fondre une partie du pécule amassé l’an passé. La prudence est de mise.
Volvo : Un réseau heureux
Lors de sa conférence de début d’année, Yves Pasquier‑Desvignes, président de Volvo France, était tout sourire. Au terme d’un exercice 2022 plein, la direction nationale se montre confiante. Les concessionnaires partagent ce sentiment. "Nous sommes heureux de la situation. Nous avons une perception positive de la marque", commente un poids lourd du réseau.
Il faut dire que la rentabilité a été au rendez‑vous. Elle a atteint 1,7 % en moyenne pour les 125 sites (dont 40 % d’exclusifs). Et ce, alors même que les 18100 commandes n’ont pas pu être toutes honorées. Volvo a livré 13734 voitures. Des difficultés qui persistent, note un concessionnaire.
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"Nous regrettons surtout la dégradation des offres commerciales. Les offres locatives sont moins attractives, pointe le distributeur majeur. Mais ils n’y peuvent rien, l’argent coûte plus cher." En vérité, il est difficile d’arracher un commentaire négatif. Les partenaires de la marque suédoise comprennent la situation et se mettent au côté d’un constructeur qui affirme constamment sa politique "pro-réseau".
(avec Jean-Baptiste Kapela, Catherine Leroy et Gredy Raffin)
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