Pourquoi la Bourse joue en faveur de Renault et Stellantis mais boude Valeo et Forvia
Ce n’était quasiment jamais arrivé depuis 24 ans… La valorisation de Renault a dépassé celle de Nissan en ce début de mois d'avril 2024 au terme d'un rallye boursier qui a gonflé le titre de 35 % depuis le 1er janvier. Pour les Alliés, dont le partenariat est en cours de rééquilibrage, c’est inédit. Mais c’est surtout une victoire pour Luca de Meo qui semble avoir convaincu les marchés du bien-fondé de sa stratégie Renaulution et dont les résultats s'apprécient d'années en années.
En réalité, c’est tout le secteur automobile qui croît depuis le début de l’année. Volkswagen grimpe de 23 %, Mercedes-Benz s’adjuge 20 %, Stellantis engrange 18 % de plus… BMW prend 11 %.
"Petit à petit, les obstacles sur les valeurs automobiles sont en train d’être levés : l’inflation s’est assagie, les taux d’intérêts ont commencé leur décrue…", analyse Frédéric Rozier, analyste chez Mirabaud, une société de gestion de marché.
De son côté, Benjamin Sacchet, directeur-associé chez Avant-Garde Family Office, juge que les valeurs automobiles sont en ligne avec la progression du marché. Il est vrai que le CAC 40 a battu tous ses records historiques en franchissant le seuil des 8 000 points. Soit une hausse de 7 % depuis le début de l'année. Le Dax allemand s'inscrit dans les mêmes ordres de grandeur. Pour Benjamin Sacchet, les valeurs automobiles "traduisent la tendance du marché dans un multiple de deux environ". Autrement dit, si le marché monte de 10 %, les valeurs automobiles grimpent de 20 %.
En outre, les résultats 2023 étaient exceptionnels pour l’ensemble du marché, déjouant l’ambiance moribonde sur le front macroéconomique. Tous les constructeurs ont vu leur marge progresser. Sauf peut-être Stellantis qui a été impacté par la longue grève dans ses usines américaines. Mais le groupe reste cependant à un niveau très élevé de rentabilité proche de 13 %.
La pression réglementaire reste forte
Pour autant, les conditions réglementaires maintiennent une forte pression sur les constructeurs automobiles. Ils doivent baisser leurs émissions de CO2 dans le cadre de la réglementation CAFE. Préparer la nouvelle norme Euro 7 sur les moteurs. Ou encore anticiper la fameuse échéance de 2035 sur la fin de vente des voitures thermiques.
Ces contraintes nécessitent d’importants investissements : près de 250 milliards d’euros sur les batteries électriques. Ils doivent également investir massivement dans le software dont plusieurs cabinets d’étude ont démontré qu’il pourrait représenter près des deux tiers de la chaîne de valeur de l’automobile en 2030.
Bref… Les constructeurs européens sont encore loin d’être tirés d’affaires. D’autant que le marché n’est toujours pas, et ne reviendra probablement pas à son niveau d’avant-crise sanitaire. Sans parler de la guerre des prix que livrent les constructeurs automobiles chinois.
Pour Frédéric Rozier, "les constructeurs européens sont en train de segmenter le marché". Une manière de maintenir à distance les concurrents chinois.
Spéculations autour d'un desserrement réglementaire
"Certains investisseurs font un pari dangereux, celui d’acheter les actions au plus bas en anticipant un assouplissement de la réglementation", lâche sous cape un analyste de marché. Depuis plusieurs mois, une petite musique circule à Bruxelles sur un report de l’échéance de 2035. Une option qui n’a, pour l’heure, jamais trouvé de relais officiels publics. "Les gouvernement ont compris que si les constructeurs seront capables de tenir les délais, les petits fournisseurs, eux, sont pris en étau et sont en danger de mort, c’est politiquement explosif", poursuit notre analyste.
Même les équipementiers de premier rangs sont touchés. Depuis le début de l'année, ils suivent le chemin inverses des constructeurs sur les marchés financiers. Valeo recule de 8 %, Continental de 12 %. Forvia dégringole, lui, de 28 %.
À cela, il faut ajouter la fuite des investisseurs des pure players électriques : Tesla a perdu 300 milliards de dollars depuis le début de l’année. Fisker ne parvient plus à se financer. Et le cours de Rivian a été divisé par dix depuis son introduction en Bourse en 2022.
Les constructeurs traditionnels sont pas chers
Les constructeurs traditionnels récoltent donc ce reflux des investisseurs qui jouent moins risqué et se sont précipités sur des titres bon marchés. "Les multiples de valorisation étaient très faibles", estime Benjamin Sacchet, "le marché a partiellement corrigé cette anomalie", poursuit-il.
Ainsi, Renault s’achetait en 2023 moins de trois fois ses bénéfices. Stellantis, lui, était mieux valorisé, d’où une progression moindre depuis le début de l’année, mais sa capitalisation reste encore pas cher à 4,5 fois ses bénéfices. Pour Frédéric Rozier, ces valorisations pourraient monter à 8 à 9 fois les bénéfices.
Il juge toutefois que les constructeurs automobiles pourraient revenir à long terme dans une normalité de profitabilité "autour de 7 à 9 %", juge-t-il. Une bonne nouvelle pour Renault, moins pour Stellantis. D’autres analystes mettent en garde contre le cru exceptionnel qu’avait été 2023 avec des carnets de commandes gonflés par les pénuries cumulées en 2022. Et qui a priori ne devrait pas se reproduire en 2024 donc...
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