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Constructeurs

Tesla : après son plongeon en Bourse, les vraies raisons du désamour

Publié le 3 avril 2024

Par Nabil Bourassi
5 min de lecture
La marque automobile américaine, jadis coqueluche des marchés, ne cesse de baisser en Bourse depuis le début de l'année. Outre le tassement des ventes, la personnalité d'Elon Musk et des choix stratégiques originaux interrogent sur le modèle économique de Tesla.
Tesla
Tesla voit ses ventes se tasser. ©AdobeStock-Aleksei Potov

C’est un trou d’air très relatif… Avec une baisse de sa valorisation de 30 % depuis le début de l’année, Tesla reste toujours valorisé à plus de 500 milliards de dollars. C’est neuf fois plus que Toyota ou Volkswagen, les leaders mondiaux de l’automobile. Ce n’est pas la première fois que la courbe de l’action Tesla fait des pics à la baisse… 

 

Des profits records

 

D’autant que l’américain semble avoir enfin acquis des positions solides sur les principaux marchés (États-Unis, Chine, Europe). En atteignant les 1,8 million de voitures vendues en 2023, soit dix fois plus qu’il y a cinq ans, le spécialiste des voitures électriques a franchi des seuils critiques en termes de production de masse. Les profits étaient également au rendez-vous. Au quatrième trimestre 2024 (l’exercice fiscal de Tesla s’achève le 31 mars), le constructeur a enregistré un bénéfice net en hausse de 59 % à 3,7 milliards d’euros, pour 24 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

 

Pourtant, les marchés semblent faire un pas de côté contre le titre qui était jadis leur coqueluche. Premier motif d’inquiétude, les ventes de Tesla se tassent. Au premier trimestre 2024, elles étaient même en baisse de 8,5 %. Le groupe a invoqué plusieurs motifs techniques pour expliquer cette baisse : sabotage de l’usine de Berlin, problèmes d’approvisionnement à la suite du conflit yéménite en Mer Rouge, calibrage de la chaîne industrielle dans l’usine de Frémont.

 

Autrement dit, il s’agit, selon eux, de péripéties conjoncturelles qui ne devraient pas impacter la solidité de la trajectoire de croissance de Tesla. Pour rappel, Elon Musk avait évoqué un objectif de ventes de 20 millions de voitures annuelles à horizon 2030, soit les ventes cumulées de Toyota et des dix marques du groupe Volkswagen.

 

Les marchés se méfient désormais des voitures électriques

 

En réalité, le trou d’air de Tesla est beaucoup plus profond et sérieux. En premier lieu, il faut dire que les valeurs électriques ont moins la cote auprès des marchés financiers. Rivian, Fisker… Les titres des pure players plongent, et ces derniers ne trouvent ni repreneurs ni investisseurs. Les historiques renoncent à introduire leurs activités électriques en Bourse, à l’image de Renault qui a annulé son projet d’IPO d’Ampère, ou encore Volkswagen avec ses activités dans les batteries électriques.

 

A lire aussi : Comment Rivian tente de conjurer la défiance des marché sur les voitures électriques

 

Mais l’action Tesla a toujours déjoué les standards de marché. Les investisseurs considéraient qu’au-delà de la technologie électrique, Tesla était également extrêmement bien positionnée sur le logiciel avec une longueur d’avance sur n’importe qui. 

 

Mais d’après une récente étude, Tesla ne suscite plus le même engouement qu’auparavant. D’après Caliber, les consommateurs se sont brutalement détournés de la personnalité d’Elon Musk. Ils sont désormais 31 % à "considérer" Tesla contre… 70 % en novembre 2021. Ce patron qui voulait changer le monde ne fait visiblement plus rêver les geeks et quadras tournés vers l’avenir. Depuis le rachat de Twitter, devenu X, Elon Musk a dévoilé une nouvelle facette de son prisme idéologique : libertarien, proche de Donald Trump, des orientations controversées de l’algorithme de X, voire des restrictions de compte pour certaines personnalités politiques critiques… 

 

"Tesla est une marque très attachée à Elon Musk, or le personnage a beaucoup déçu. Il est passé de démocrate à républicain, parti qui n’est pourtant pas favorable aux voitures électriques", explique Bertrand Rakoto, directeur Automotive chez Tucker Carlisle, un cabinet d'intelligence de marché.

 

Le chaos de la stratégie commerciale

 

En outre, la stratégie commerciale de Tesla interroge. La marque avait fait de son réseau minimaliste un véritable atout en misant sur le fait qu’une voiture électrique nécessitait moins d’entretien. Les propriétaires ont été surpris par la réalité. Si les postes d’entretien sont moins nombreux, ils sont surtout beaucoup plus chers. Les réparations de carrosserie ont conduit à un des plus gros flops de ces derniers mois avec le renoncement par Hertz de sa commande géante de Tesla (100 000 voitures).

 

De plus, d’importants défauts de qualité sont apparus régulièrement sur les différentes séries de production. Dans ce contexte, "l’absence de réseau a fini par exaspérer certains clients qui sont retournés voir des constructeurs traditionnels qui disposaient d’interlocuteurs et d’un réseau pour l’entretien", observe Bertrand Rakoto qui ajoute qu’en outre "le yoyo des prix des voitures a fortement déplu à certains propriétaires et aux flottes en particulier". 

 

En Europe comme aux États-Unis, Tesla a joué sur ses prix pour gagner des parts de marché. Une stratégie chaotique pour la valeur résiduelle… Aux États-Unis, la Model S Plaid a ainsi perdu 20 000 dollars en quelques mois, avec des tranches de 10 000 dollars de rabais d’un jour à l’autre. La puissante Plaid est ainsi passée de 132 000 dollars à environ 110 000 dollars en septembre 2023. La Model 3 avait également subi d’incessantes variations de prix.

 

A lire aussi : Tesla joue avec les prix

 

Enfin, Tesla pourrait être confronté à un autre problème structurel aux conséquences désastreuses. "Il est possible que Tesla ait atteint un plafond dans le potentiel de conquête de clients. Le marché de la voiture électrique est arrivé plus vite que prévu sur un plateau", analyse Bertrand Rakoto. Elon Musk pourrait alors être contraint d’être beaucoup plus offensif sur les prix et forcé de redimensionner sa production. D’autant que les constructeurs chinois sont extrêmement agressifs sur les prix, mais également sur les prestations des produits. Xiaomi vient de frapper un grand coup avec son SU7 dont la production annuelle a été liquidée en seulement 24 h. 

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