Le groupe Barbier, une histoire gravée dans la pierre rochelaise
Il se dit chez les historiens que la mémoire de la France est gravée dans la pierre de La Rochelle (17). La zone située à proximité des marais fut le lieu d’installation de pêcheurs dès le Xe siècle. À la force des bras, ils ont fini par en faire une cité portuaire tournée vers l’Atlantique et l’avenir de la civilisation européenne.
En 1965, la ville a attiré un autre investisseur. En provenance de Paris, où il venait de revendre sa société de déménagement, André Barbier débarque pour se lancer dans l’automobile. Il est aux commandes, mais il n’est pas seul dans cette aventure. Ses trois fils, Alain, Yvan et Roland, de l’aîné au cadet, l’accompagnent. Près de soixante ans plus tard, les habitants de la ville diraient que l’histoire de la famille Barbier est gravée dans l’immobilier de La Rochelle.
Au fil des décennies, tout a toujours été affaire d’opportunités pour la maisonnée. Souvent, le succès a récompensé sa prise de risque. Parfois, les choses se sont gâtées. André Barbier a débuté avec la reprise des panneaux Fiat et Jaguar.
Mais une première offre immanquable influence la trajectoire, huit ans plus tard. En 1973, le concessionnaire Renault rochelais met son affaire en vente. La famille Barbier saisit la balle au bond et déménage dans la zone commerciale au nord de la cité. Il n’y avait alors qu’un supermarché et un magasin de bricolage, mais aucun concessionnaire. Depuis, bien des distributeurs ont érigé des points de vente sur cette commune de Puilboreau (17). Et pour cause, il s’agit du premier pôle de consommation du département.
Début de l'idylle avec Opel
L’année 1985 marque un tournant. Renault doit faire un choix entre les deux concessionnaires rochelais. L’arbitrage n’est pas en faveur des trois fils Barbier désormais en charge du développement du groupe. Le panneau au losange tombe et il faudra un an pour concrétiser la relation avec Opel. Entre-temps, pour subsister, l’entreprise familiale se concentre sur le commerce de voitures d’occasion. Une période qui forgera une grande partie de la culture du groupe.
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Une fois la marque Opel installée, Alain, Yvan et Roland Barbier jouent la carte de la diversification. Le monde de la location courte durée les attire. Ils signeront leur entrée dans le réseau Europcar avant d’en sortir au cours des années 1990. Ils poursuivront chez Rent-a-Car, puis céderont le fonds de commerce au début des années 2000. Le groupe Barbier participera même au maillage du réseau Maxauto. En 2005, le centre‑auto devenu Norauto a été revendu actant la fin des incursions dans les franchises tierces. À compter de cette date, la vente automobile sera l’unique axe de croissance.
Période qui coïncide également avec la passation de pouvoirs à la troisième génération. Cette fois, à la tête du groupe, il n’est plus question d’une collaboration fraternelle, mais d’une ambiance cousinade.
L’épreuve Seat
Une transition orchestrée entre 2005 et 2008 permet à Loïc, Nicolas, Laurent et Bruno Barbier de prendre la mesure de leur nouveau rôle. Le premier de la liste s’installe dans le fauteuil de président. Les autres marchent à ses côtés en qualité de directeurs généraux. Tous ensemble, ils piloteront alors la bascule vers le multimarquisme sans jamais remettre en question la présence d’Opel dans le portefeuille. "Nous devons être parmi les derniers distributeurs historiques d’Opel compte tenu de tous les mouvements réalisés récemment dans le réseau", s’amuse Bruno Barbier.
Quinze ans plus tard, Loïc Barbier et Bruno Barbier se répartissent ainsi la supervision des marques automobiles, jouant les référents auprès des constructeurs. Au premier, revient la responsabilité d’Opel, Kia et MG Motor. Au second, échoient Volvo, Hyundai et Mitsubishi. Nicolas Barbier prend, quant à lui, Spoticar sous son commandement, tandis que Laurent Barbier dirige les magasins de pièces détachées de Hyundai et Mitsubishi. Désormais retraités, Alain et Roland – qui ont malheureusement perdu leur frère Yvan – continuent de surveiller les chiffres et de prodiguer des conseils.
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Le travail en famille n’est pas un long fleuve tranquille. Et la solidité des liens a été mise à rude épreuve. Nous sommes en 2012. Au lendemain de la seconde grande crise financière du début du siècle, Seat exhorte le groupe à reprendre la concession d’Angoulême (16). Elle est éloignée des bases du groupe, qui tient à privilégier La Rochelle, Rochefort et Saintes (17). L’affaire est bancale. Sa structuration, dans un contexte économiquement difficile pour les consommateurs, provoque des pertes. Des tensions surgissent au sein du comité de direction, car les visions ne sont pas alignées.
Jean‑Pierre Péricaud finira par la reprendre en 2015. Mais les cousins gardent une trace de cette mésaventure. "Le groupe a été financièrement déséquilibré durant cette période, se souvient Bruno Barbier. Comme il l’a été quand Opel nous a vivement encouragés à céder notre plaque vendéenne au groupe Dubreuil." Ils tourneront définitivement la page de Seat en 2018 en acceptant une offre pour les deux derniers sites, à La Rochelle et Saintes.
Le groupe aux quatre villes
Au terme de dix années d’opérations diverses de cession et d’acquisition, l’organisation de l’opérateur tient en quatre implantations. Le fief de La Rochelle, Rochefort, Saintes et Niort (79). L’arrivée dans cette dernière ville intervient à la suite de la sortie de Vendée, justement. Le groupe Barbier s’y est invité avec Hyundai et, en 2021, il a bâti une extension pour ajouter Kia. Jusqu’à présent, seul le groupe Mourier avait tenté cette cohabitation directe.
En janvier 2020, la famille figure sur la liste des nouveaux investisseurs mis en avant par Mitsubishi France. Ils doivent symboliser les nouvelles ambitions de la marque. La suite tout le monde la connaît : le confinement au printemps, l’annonce du retrait à l’été et finalement, le plan de sauvetage avec Renault. "Nous avons fait une mauvaise pioche, concède le directeur général en charge de la marque. Le plan produits est compliqué. Nous vendons des Renault à des prix plus élevés. Il n’y a que la garantie de cinq ans qui peut jouer en notre faveur." L’avenir du panneau n’est pourtant pas menacé affirme-t-il, s’impatientant de voir de nouveaux modèles entrer en lice.
Le pari MG Motor rattrape le coup. Le groupe Barbier investit franchement dans la marque depuis qu’elle a débarqué en France. À La Rochelle, un bâtiment dédié de grande envergure a été inauguré en décembre 2022. "Nous aurions voulu accoupler BYD, mais nous avons reçu la consigne de nous abstenir", confie Bruno Barbier.
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La couverture géographique du groupe évoluera peu. Pour preuve, le prochain grand chantier concerne la ville de Saintes où la famille a acquis un terrain afin de loger Volvo et Kia dans un nouvel écrin.
Les quatre directeurs mettent un point d’honneur à être les plus proches des collaborateurs. Ils limiteront la zone à un barycentre de deux heures autour du fief. "Nous allons tous dans chacun des sites au cours de la semaine et chaque employé peut nous appeler à tout moment sur notre téléphone portable, explique le cadet des dirigeants. Notre organigramme plat reflète d’ailleurs cette proximité par rapport aux équipes."
En attendant les VDL
Le groupe qui sponsorise le Stade Rochelais, le club de rugby, sait forcément que l’unité permettra de relever les principaux défis. Et ils sont nombreux. Le changement des contrats de distribution s’inscrit en tête. Opel et Volvo sont concernés à court terme. "Nous avons de bons échos de l’étranger. Mais il n’empêche que cela interroge sur l’orientation des investissements, parle au nom du quatuor Bruno Barbier. Il se dit que Stellantis nous laissera facturer pour entretenir les flux financiers chez nos banquiers. Mais comment cela sera-t-il possible puisque nous ne détenons pas le stock ?"
Le défi des nouvelles mobilités vient ensuite. Pour y faire face, une filiale a été fondée. Baptisée e-Mobility Tech Center, elle regroupe plusieurs activités non liées à la vente automobile. On y trouve le centre de contact, la structure de préparation et de prise de vue des voitures d’occasion, mais aussi Michael Blast, la marque de vélos électriques vintage. Des corners ont été aménagés dans tous les bâtiments, surtout à La Rochelle, agglomération qui fait la part belle aux mobilités décarbonées.
Les véhicules de loisirs feront-ils leur apparition dans le catalogue de l’opérateur ? L’idée fait son chemin. Elle n’est pas avancée au point d’avoir fait monter la direction au salon national qui se tenait à Villepinte (93) au début de l’automne pour prendre des contacts, mais le sujet revient fréquemment sur la table. "Nous regardons, synthétise Bruno Barbier. Nous prenons la température grâce à un partenaire de financement." Dans une région maritime comme celle-ci, les camping-cars trouveront leur public et la marque Barbier a une valeur certaine pour les constructeurs en recherche de points de vente.
Des recrutements stratégiques
Le groupe n’oublie pas la modestie de sa taille. Les directeurs ont conscience qu’ils seront encore chahutés en 2024. Entre les frais financiers qui flirtent avec un taux de 5 % et la hausse des coûts de l’énergie d’un facteur multiplicateur de 3 à 4, il y a des actions prioritaires à réaliser pour préserver l’équilibre économique. La structuration de fonctions comme la DRH ou la DSI fait partie des urgences, maintenant qu’un futur responsable APV et une responsable marketing ont été identifiés pour intervenir à l’échelle du groupe.
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Des recrutements stratégiques aux yeux des cousins pour consolider les acquis, alors que la préservation des fonds de commerce sera plus que jamais l’enjeu des mois à venir. Victor Hugo disait que "le plus beau patrimoine est un nom révéré". Le groupe Barbier n’entend pas voir son nom s’effacer de la pierre rochelaise.
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