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Distribution

Auto Dauphiné fait figure d'exception dans le paysage de la distribution

Publié le 17 octobre 2023

Par Christophe Bourgeois
7 min de lecture
Sur le papier, Auto Dauphiné apparaît comme une incongruité. Le groupe dirigé par Alain Manuel distribue uniquement les marques du groupe Renault, dans la seule ville de Grenoble (38) qui abrite un autre distributeur du constructeur. Et pourtant, l’opérateur surperforme.
Alain Manuel patron d'Auto Dauphiné
Alain Manuel dirige le groupe Auto Dauphiné depuis le début des années 1990. ©Alain Manuel

"J’aurais beaucoup aimé commen­cer ma carrière en ce moment !" À l’âge où certains regardent dans le rétroviseur ou d’autres se posent la question de leur succession, Alain Manuel fonce. "On vit une période de transition absolument passionnante et j’estime que mon métier, c’est de savoir où l’on sera demain", avance‑t‑il.

 

Un leit­motiv qui permet au dirigeant d’Auto Dauphiné, distributeur uniquement de Renault, Dacia et Alpine et seulement à Grenoble (38), d’exister dans un monde où la concentration et les conquêtes ter­ritoriales sont la règle. D’autant plus que sa situation est assez unique en France, si ce n’est en Europe. Il partage, en ef­fet, son périmètre avec un autre acteur privé, en l’occurrence BYmyCAR.

 

"Un découpage lié à l’histoire de la ville", rappelle‑t‑il. Il y a toujours eu, en effet, plusieurs distributeurs Renault dans la pré­fecture de l’Isère. "Notre groupe est issu du groupe Galtier, une figure de l’écono­mie grenobloise dont l’origine remonte à 1924." À cette époque, le fondateur distribuait déjà Renault, dans un théâtre, l’Eldorado. "À partir de 1968, une suc­cursale s’installe à Grenoble et jusqu’en 1991, les deux entités se partageaient la ville", raconte‑t‑il.

 

Le groupe Galtier a ouvert, en 1924, un garage dans un ancien théâtre grenoblois. ©Alain Manuel

 

C’est à cette époque que Renault sou­haite mettre un terme à cette situation unique et un brin complexe. En paral­lèle, son père, qui travaillait au sein du groupe Galtier depuis les années 50 et qui en avait pris la direction, tombe malade. Alain Manuel se trouve alors propulsé aux commandes pour re­prendre l’affaire.

 

Pourtant, il n’avait pas vraiment décidé de faire carrière dans l’automobile. L’homme a, en effet, une formation de chiropracteur qu’il a effectuée aux Etats-Unis pendant plu­sieurs années. "Mais bon, une opportu­nité s’est offerte à moi d’intégrer l’école des ventes de Renault", se souvient‑il.

 

Alpine en avant

 

Même s’il avait fait ses armes quelques années auparavant avec son père, l’ar­rivée à la tête des affaires ne se fait pas en douceur. Sur les six sites qui exis­taient à Grenoble, il en reprend deux, ce qui porte son portefeuille à trois adresses. Un développement qu’il ne va cesser de poursuivre au fil des an­nées, tout en restant uniquement à Grenoble, si l’on met l’affaire de Rives de côté.

 

Aujourd’hui, commercialisant 3 500 Renault et Dacia, sans oublier 150 Alpine, il couvre, avec six sites et deux contrats, 80 % des ventes de Re­nault sur son secteur. "Je n’ai jamais vraiment eu envie de me développer hors de mes territoires", commente‑t‑il. Il a pourtant tenté une expérience avec Nissan à Grenoble pendant une dizaine d’années, entre 2005 et 2015, affaire revendue par la suite au groupe Maurin, puis distribué la marque au losange à An­necy (74) pendant quatre ans pour la céder au picard Gueudet.

 

Cette situation géographique unique nécessite une approche du commerce et du service différente par rapport à ce qui peut exister dans d’autres villes dans lesquelles la concurrence n’est pas intramarque. "Avant la période du Covid, elle était très forte", ne cache pas Alain Manuel.

 

Si le groupe Manuel affiche donc une pénétration aussi importante, c’est grâce à la mise en place d’outils digitaux très intégrés et à une structure organisationnelle poussée. Car le groupe Manuel a toujours été féru d’informatique. "Nous sommes à l’origine d’un des outils de DMS Reynolds, rappelle Alain Manuel. Pour sa propre activité, mon père, qui était comptable de formation, l’avait développé avec l’aide d’un de ses collabo­rateurs."

 

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Depuis huit mois, le distri­buteur a déployé un outil de pilotage de l’activité vendeur interfacé avec les outils informatiques internes. Avec un centre d’appels intégré composé de cinq collaborateurs, l’organisation mise en place trace tous les appels et mesure ensuite leur suivi. "Ça ne sert à rien de faire de la publicité si personne ne répond au téléphone en appelant chez nous !", résume en riant Alain Manuel.

 

Cette solution permet d’avoir un meilleur suivi des appels entrants et au final de mieux remplir les ateliers et de redonner du temps aux équipes qui sont en relation directe avec le client sur le lieu de vente. "Nous essayons d’exploiter au maximum les bases de données que nous avons à notre dispo­sition, explique‑t‑il. Mais la principale difficulté de ce travail reste le mille­feuille informatique."

 

Agence de voyages

 

Autre raison de ces bons résultats : la connaissance du marché local. "Cela passe notamment par les hommes, com­mente le dirigeant. Nous avons très peu de turnover." Le groupe est également très impliqué dans le sport automobile. Il a, en effet, accompagné pendant de nombreuses années le pilote de rallye Bruno Saby, une action qui lui a permis de décrocher le panneau Alpine dans la région. "Je suis le distributeur qui a livré la première Alpine du monde !", glisse‑t‑il non sans une certaine fierté.

 

Bruno Saby, pilote grenoblois, a longtemps été soutenu par Galtier/Auto Dauphiné et Alain Manuel. ©Alain Manuel

 

Aujourd’hui, Alpine reste son bébé. "J’ai créé une agence de voyages pour organiser avec notamment Pierre Saby, le fils de Bruno, des roadtrips pour mes clients Alpine." Une stratégie qui lui permet de faire de la prospection au­près de clients cibles et qui fonctionne très bien. "Un client était venu en Aston Martin. À la fin du week‑end, il avait signé pour deux Alpine !", raconte‑t‑il.

 

Fidèle à la marque

 

À l’heure de la concentration et du multimarquisme, Alain Manuel a une vision iconoclaste : "Cela ne m’intéresse pas pour plusieurs raisons. La première est d’abord une question de loyauté. J’ai connu des hauts et des bas avec Renault, mais si j’en suis là aujourd’hui, c’est en partie grâce au constructeur. Ensuite, j’estime qu’avec Renault, Dacia et Al­pine, je couvre tous les segments du mar­ché ; je n’ai donc pas besoin de distribuer une autre marque. Enfin, si je devais me diversifier, je le ferais dans d’autres acti­vités que l’automobile !" C’est d’ailleurs ce qu’il a fait.

 

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Il a, en effet, lancé une activité de jeux en réalité virtuelle pour utiliser les mètres carrés en trop dans sa concession. Malheureusement, cela n’a pas fonctionné, "car à cause de la pandémie, nous n’étions pas dans le bon timing", mais Alain Manuel se voyait bien développer cette activité pour la proposer à d’autres concessionnaires qui cherchent à animer et à rentabiliser leur immobilier superflu.

 

Lorsqu’on lui demande comment il voit les prochaines années, il a l’œil qui pé­tille. Lui qui a organisé son groupe de façon transversale et non pas verticale, ne jure que par l’hydrogène. Il projette de monter le premier service après‑vente pour les VU hydrogène que va commer­cialiser Renault. "Notre métier est une caverne d’Ali Baba, résume‑t‑il. On y trouve de tout et surtout, on en fait ce qu’on veut. On fait du commerce, du service, de la finance, de l’immobilier, de la recherche…" Bref, Alain Manuel s’amuse. Et à l’heure où dans la distribu­tion automobile, les questions sont sou­vent sans réponses, il semble en avoir trouvé une : faire confiance à l’avenir.

 

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Le groupe Auto Dauphiné en quelques chiffres (2022)

Nombre de voitures neuves : 3 500 Renault et Dacia + 150 Alpine
Nombre de voitures d’occasion : 1 500 VOP
Marques représentées : Renault, Dacia, Alpine
Chiffre d’affaires : 150 millions d’euros
Nombre de collaborateurs : 260
Zones d’implantation : Grenoble, Saint‑Martin-d’Hères, Échirolles, Vizille, Meylan et Rives (38)

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