Voitures sans permis : des VO comme les autres
Sur TikTok, les vidéos se multiplient. Elles sont publiées non seulement par les vendeurs en concessions dans un but promotionnel, mais aussi par les utilisateurs tout fiers de s’afficher à leur bord. Preuve en est que les voitures sans permis (VSP) suscitent de l’intérêt chez un public bien plus jeune qu’à l’accoutumée. À la sortie des confinements, la dynamique de marché a pris de l’ampleur. Et force est d’admettre que le lancement de la Citroën Ami a mis un coup de projecteur sur ce segment longtemps cantonné à un public stéréotypé, composé de personnes âgées vivant en milieu rural et de conducteurs ayant provisoirement perdu leur papier rose.
Les voitures sans permis représentent désormais bien plus. Dans le sillage des modèles neufs, un marché des voitures sans permis d’occasion (VSPO) connaît un essor conséquent. Tous types de transactions confondus, à particulier et à professionnel, 38 674 voitures sans permis ont changé de propriétaire en 2023, d’après AAA DATA, soit 2,4 % de plus que l’année précédente. Dans ce volume global, les remises en circulation se sont élevées à 36 105 unités, dont 22 002 résultaient d’échanges de gré à gré (+2,1 %) et 14 103 issues de ventes dans les boutiques (+2 %).
Polarisation des ventes
"À l’inverse du marché des voitures particulières, celui des voitures sans permis a été préservé des effets du Covid", note Marie‑Laure Nivot, directrice de l’analyse de marché chez AAA DATA. Cette dernière atteste de la vague de rajeunissement. En 2019, les clients des VSP neuves avaient en moyenne 53 ans. En 2023, ils avaient 50 ans. Du côté des acheteurs de modèles d’occasion, la moyenne est passée de 46 à 45 ans, sur le même intervalle. En plus de se diversifier vers les tranches d’âge inférieures, le marché voit aussi une autre catégorie de clients monter en puissance.
Les entreprises ont augmenté leurs acquisitions de voitures d’occasion de 16 % pour représenter 5 % des remises à la route en 2023. Cela fait écho aux tendances observées en concessions, où les flottes ont accéléré de 28 % pour atteindre 18 % de pénétration dans les ventes de VN. Rien d’étonnant dans ce mouvement. L’électrification de l’offre joue pour beaucoup.
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Le marché des véhicules sans permis se polarise. Il y a le lègue de l’ère des voitures diesel (95 % des VN en 2019) et l’arrivée massive des alternatives électriques. Les données le confirment aussi bien chez Leboncoin que chez AAA DATA. Les statisticiens de l’infomédiaire relèvent que dans les annonces publiées en ce début d’année 2024, 80,8 % des VSPO carburent au gazole et 17,4 % se branchent à une prise pour faire le plein d’énergie. Les équipes de l’entreprise d’analyse de marché notent, quant à elles, que le mix des transactions de VSPO se répartissait en 2023 entre les motorisations diesel, à 87,1 % (‑0,8 % en volume), et celles électriques, à 9,8 % (+50,2 %).
Volume de VSPO en B2C en 2023 |
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Volume | % | %Var | |
Total dont | 14 103 | 36% | 2% |
Aixam | 6 041 | 40% | 2% |
Ligier | 2 530 | 37% | 0% |
Microcar | 2 450 | 36% | -10% |
Citroën | 1 147 | 44% | 95% |
Chatenet | 620 | 32% | -11% |
Casalini | 318 | 49% | 12% |
Renault | 219 | 29% | -13% |
Bellier | 121 | 27% | -22% |
Mega | 113 | 35% | -9% |
Estrima | 18 | 23% | ++ |
À chacun sa méthode d’approvisionnement
Ces éléments factuels parlent aux distributeurs. En points de vente, les avis sont unanimes. La croissance exponentielle fait leur bonheur. "Après le Covid, les délais de livraison de véhicules neufs ont augmenté, passant de moins d’un mois à six mois environ. Les clients ont des besoins immédiats, ils se sont tournés vers les offres d’occasion", explique‑t‑on chez ACF Aixam, concessionnaire installé dans l’est de la France qui ouvrira un troisième site à Lunéville (54) en 2024.
L’activité VO n’est plus un mal nécessaire. Elle devient un levier de développement. La demande est forte au point de dépasser les capacités des boutiques qui ont des listes d’attente. La rotation moyenne avoisine souvent la vingtaine de jours. "Il n’est pas nécessaire de publier les annonces pour trouver un acheteur", confie un vendeur du réseau Aixam.
Et Ludovic Dirand, directeur commercial de Ligier, d’abonder : "nos partenaires n’utilisent pas pleinement notre interface Web pour partager leur stock car ils privilégient les ventes locales qui se font très rapidement. En plus, cela leur évite les sujets logistiques de livraison." À peine une trentaine de voitures d’occasion sont exposées en permanence. "Le plus souvent, les sollicitations proviennent de collègues du réseau qui veulent nous racheter la voiture d’occasion pour un de leurs clients", explique un concessionnaire.
Pour soutenir la dynamique, il faut des VSPO sur parc. En matière d’approvisionnement, chacun ses solutions. Les constructeurs historiques sont encore incapables de fournir des flux réguliers à leurs partenaires. Les reprises et le rachat cash sont la norme. D’une manière générale, les propriétaires de VSP se montrent précautionneux avec leur bien. L’estimation des frais de remise en état prend alors autant d’importance que sur le marché des voitures particulières pour préserver la marge. "Nous gagnons bien notre vie, si tant est que nous fassions preuve de professionnalisme au moment du rachat", prévient le responsable commercial du groupe Brocard, distributeur de Ligier.
Le contrôle technique changera la donne
Cette année marquera un tournant. La législation va imposer le contrôle technique sur les VSP. Les professionnels se frottent les mains. Ils y voient une vague d’assainissement du parc roulant, alors que, faute de ressources financières, certains Français font l’impasse sur l’entretien. Dès lors, par prudence, les acheteurs de VSP d’occasion devraient s’en remettre plus fréquemment aux revendeurs sous panneau qu’aux annonces de particuliers.
"Nous avons misé sur un label VO avec de nombreux engagements pour prouver le sérieux de nos concessionnaires et ce contrôle technique va mettre en lumière la qualité des voitures", apprécie Ludovic Dirand. Ligier a signé des contrats de distribution avec de grands concessionnaires, tels que les groupes Dugardin, Central Autos, Sofida ou Riester. "Ces grands opérateurs peuvent nous aider à progresser collectivement, mais ils découvrent aussi les spécificités du marché, analyse le directeur commercial de la marque. Ils ont parfois besoin d’accompagnement. "
Volume de VSPO en C2C en 2023 | |||
Volume | % | %Var | |
Total dont | 22 002 | 57% | 2% |
Aixam | 8 335 | 55% | 3% |
Microcar | 4 066 | 60% | -3% |
Ligier | 3 876 | 57% | 2% |
Chatenet | 1 235 | 64% | -2% |
Citroën | 950 | 37% | 84% |
Renault | 329 | 44% | -10% |
Casalini | 304 | 47% | 4% |
Bellier | 298 | 66% | -16% |
Mega | 183 | 56% | -11% |
Estrima | 5 | 6% | 25% |
Le modèle locatif rencontre son public
Toujours est‑il que les deux mondes se rapprochent à une vitesse folle. Leurs problématiques sont similaires. Les réponses sont donc identiques. Entre l’électrification et le besoin d’alimenter les parcs VO, le leasing s’impose. "Nous faisons maintenant 90 % de leasing sur les VN et nous poursuivons avec les VO ", commente‑t‑on dans le groupe Brocard. Un autre distributeur d’Aixam confirme : "Le modèle d’affaire change en profondeur et nous gérons maintenant un portefeuille de contrats de location."
Un autre se montre plus sceptique, cependant, arguant que les clients traditionnels des voitures sans permis craignent les échéances et préfèrent donc l’achat comptant ou en crédit classique. La percée du leasing est la conséquence du renouvellement de génération. Les contrats concernent plus souvent des voitures acquises pour un adolescent. Les familles aisées ayant plus d’affinités avec ces formules. "Depuis que l’apprentissage s’est démocratisé dans le parcours scolaire, les parents souscrivent un contrat de LOA pour permettre à leur enfant de se rendre au travail ", explique un vendeur.
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En parallèle, la location courte durée se répand dans la même logique chez les distributeurs qui auront ainsi une diversité de tranches d’âge. L’enjeu sera de rentrer les voitures au bon prix. Si les marques historiques mettent en avant la qualité de leurs produits en termes de niveau de confort, d’équipements et de tenue de route, la concurrence opposée par certains produits neufs pourrait être rude. Stellantis avec la Citroën Ami et la Fiat Topolino (l’Opel Rocks‑e n’étant pas importée), la Mobilize Duo chez Renault ou encore la Seat 4Wheeler ont bien l’intention de faire de leur grille tarifaire un argument. Les orientations inflationnistes des dernières années auront‑elles des conséquences sur l’attractivité des voitures d’occasion ? Le temps le dira. Les réseaux sociaux exerceront peut‑être une influence sur les choix.
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