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Distribution

Groupe Sofibrie : deux plaques, deux ambiances

Publié le 7 mars 2025

Par Gredy Raffin
9 min de lecture
Atypique dans sa constitution, le groupe Sofibrie veut affirmer encore plus sa singularité. La stratégie du groupe francilien sera de donner plus de poids à sa plaque provinciale. Désormais à la baguette, Philippe Havard, fils du fondateur Max Havard, battra la mesure pour rythmer les prochains investissements.
Sofibrie
Le groupe Sofibrie s’est construit sur sa relation étroite avec la marque au losange. ©Sofibrie

Quand les portes automa­tiques teintées s’écartent l’une de l’autre, ce qui sur­prend, c’est l’immensité de l’espace qu’elles coupent des bruits extérieurs. Les yeux balaient de gauche à droite la dizaine de voitures exposées.

 

Se pose sans plus attendre la question de la superficie. Il y a 1 700 m2 d’aire d’exposition. À la sortie de Poitiers (86), cette concession dédiée aux seules marques Renault et Dacia fait figure de mastodonte à côté des autres points de vente de la zone.

 

Le groupe Sofibrie l’exploite depuis 1989. À l’époque, elle avait été un tournant dans l’histoire du distri­buteur automobile. Après vingt‑cinq ans à s’étendre à l’est de la capitale, Max Havard, le président d’alors, avait pris le pari de s’aventurer sur un autre territoire. Et dans une lo­gique de continuité, cela s’était fait avec son constructeur fétiche, celui au losange.

 

Plus de trente‑cinq ans après cette incursion en terre poitevine, l’opéra­teur a consolidé ses bases. Il a ajouté une concession où cohabitent Nis­san et Kia, puis il a mis Hyundai, Mazda et MG Motor en colocation de l’autre côté de l’avenue.

 

Il a égale­ment installé Suzuki dans une partie du bâtiment dédié aux voitures d'occasion de Renault. À noter qu’avant tout autre distributeur en France, il vient de conjuguer les gammes au­tos et motos au même endroit. Un ensemble cohérent qui lui assure une représentativité dans une aggloméra­tion dominée par Emil Frey France.

 

La famille cherche des opportunités de développement avec la marque Hyundai. ©Sofibrie

 

Changement de chef d’orchestre

 

À l’été 2024, la présidence a chan­gé. Au tournant de ses 86 ans, Max Havard a laissé le fauteuil à son fils, Philippe Havard. Ce dernier raconte dans un sourire : "Mon père n’est pas bien loin pour autant. Il vient tous les jours au siège. Il suit les chiffres de l’entreprise sans être intrusif." C’est depuis la concession Renault de Noi­siel (77) que le président poursuit le pilotage des activités. Et son début d’année a été remuant.

 

Au mois de janvier 2025, Sofibrie a concrétisé la reprise de la concession Nissan de Vincennes (94). "Nous avons profité d’une opportunité", ré­sume‑t‑il une forme d’alignement des planètes. En clair, l’investisseur se dé­sengage et le constructeur souhaitait voir la famille Havard prendre la suite des opérations.

 

Un scénario similaire s’est joué à Tours (37) où, encouragé par son concédant, le groupe de distri­bution a racheté l’affaire Hyundai du groupe Saussereau. En termes de po­tentiel, Sofibrie devrait ajouter 200 VN Nissan et près de 450 VN Hyundai à son total annuel qui dépasse les 10 000 livraisons de véhicules neufs pour autant de voitures d’occasion.

 

Sous la gouvernance de Max Havard, un plan stratégique a été amorcé, il y a près de trois ans. Son fils en achèvera l’exécution durant son mandat. "En région parisienne, nous nous dévelop­pons le long de l’autoroute A4. En pro­vince, nous cherchons à nous installer le long de l’autoroute A10", explique Philippe Havard.

 

Il ne pouvait donc pas laisser passer cette chance de se fixer en Touraine. Il poursuit : "L’am­bition consiste à équilibrer l’influence des deux plaques dans nos comptes et à maximiser les économies d’échelle pour booster nos performances." De 65‑35 en faveur de l’Île‑de‑France en ce qui concerne les statistiques com­merciales, Sofibrie veut avancer vers un rapport de 55‑45, voire de parité.

 

Philippe Havard, Anthony Havard et Nicolas Sacchetto. ©Sofibrie

 

Savoir être au plus près des équipes

 

Ils sont rares les groupes à se consti­tuer de deux plaques bien distinctes, séparées de quelques centaines de kilomètres. Continuer de croître comme le fait le groupe pourrait re­lever de l’exploit aux yeux de certains analystes.

 

En attendant la consolida­tion des données, Nicolas Sacchetto, le directeur général adjoint, parle d’une progression des ventes de l’ordre de 20 % sur le marché des particuliers et de 45 % sur celui des entreprises. "Nous assumons cette structuration, pose son président. Cela fonctionne car nous maintenons un épicier dans chaque épicerie."

 

Dans les codes de Sofibrie, chaque plaque, chaque site, chaque marque et chaque corps de métier a son réfé­rent. Pour préparer l’avenir, Anthony Havard a été nommé, en juillet 2024, directeur général de la plaque Vienne et Indre-et-Loire.

 

En tant que fils du président et futur patron désigné de Sofibrie, il a ainsi la possibilité d’en­granger de l’expérience. "Il faut être présent, au plus près des équipes, sur le terrain. Tel est notre credo", défend justement Anthony Havard.

 

Une méthodologie qui a gagné en im­portance à la sortie de la pandémie. "L’automobile n’échappe pas à la ten­dance de fond, observe Philippe Ha­vard. Le rapport au travail a changé. L’implication n’est plus la même de la part des salariés. Fort heureusement, nous restons un groupe familial qui joue la proximité."

 

Et son directeur général adjoint de rebondir : "Dès l’embauche, nous projetons un plan de carrière avec de la mobilité interne, un programme de formation et des promotions." Un système de primes pour animer les pro­ductifs s’ajoute au tableau. Le tout avec l’espoir de maintenir le faible niveau de rotation des effectifs.

 

Le service marke­ting a été mis à contribution. Une part non négligeable de leur travail consiste à mettre en avant des collaborateurs et leur mission sur des médias accessibles au plus grand nombre. La com­munication positive est un moyen de construire une marque employeur.

 

Le groupe Sofibrie a pris le panneau MG Motor en 2022 à Chelles (77). ©Sofibrie

 

Les phases de l’après Covid

 

Avant la surprise de la pandémie, le groupe multimarque avait diversifié ses activités. À titre d’exemple, il est entré chez Infiniti en 2017, puis il a pris le panneau Isuzu en 2018 avant de si­gner un contrat avec Ligier Microcar en 2020.

 

En partenariat avec Renault, il avait aussi expérimenté avant tout le monde un nouveau mode de distribution automobile, le concept de Renault City dans le centre com­mercial de Val d’Europe (77).

 

La phase postCovid a forcément poussé le groupe à se réinventer. Certes, le contexte avait redonné un peu de pouvoir aux concessionnaires qui se retrouvaient davantage à gérer les délais de livraison qu’à discuter les prix.

 

Mais cela n’a duré qu’un temps. "Cette période nous a amenés à repenser nos organisations, notre parcours phygital, à chercher de la souplesse opérationnelle et à optimi­ser les surfaces immobilières", relate Nicolas Sacchetto.

 

 

Sofibrie a orchestré une véritable chasse aux frais fixes. Les construc­teurs donnant leur assentiment, l’opé­rateur a ainsi pu réaliser des combi­naisons de marques pour gagner en profitabilité.

 

Le duo Nissan‑Suzuki s’est avéré très intéressant. Bien plus que l’association de Nissan et MG Motor, constate‑t‑on à la direction. À l’instar du site de Poitiers, la Dacia Box a été refermée et la marque a re­joint Renault dans le vaste showroom. Un mouvement couronné de succès, souligne par ailleurs le directeur gé­néral adjoint.

 

L’avenir de l’automobile, selon Philippe Havard, ne saurait se passer de concessionnaires. Preuve en est, un client important, connaisseur du produit, est venu interrompre la conversation pour demander à réa­liser un essai.

 

Les chances de trans­formation sont plus maigres quand le prospect ne peut pas toucher le produit et la famille Havard s’en dit convaincue. "Autrement, il y aura toujours une activité de seconde main à assurer car la société de consomma­tion tend dans cette direction", inter­vient Anthony Havard.

 

De l’importance de gérer les flux de VO

 

Pas encore âgé de la trentaine, il appar­tient à cette génération qui pense au­trement, celle qui a fait une place pré­pondérante aux plateformes de revente de biens usagés. "Nous avons toujours été très bons en matière de voitures d’occasion", rattache son père.

 

Il se souvient qu’en 1975, la concession Re­lais des Nations, à Fontenay‑sous‑Bois (94), avait totalisé 5 500 transactions sur une seule année civile. Une perfor­mance de référence dans le groupe et certainement dans le réseau Renault d’une manière générale.

 

Cette force, la famille veut l’entretenir. Les cadres ont conscience que de leur compétence sur ce terrain dépend une partie de l’avenir de l’entreprise. "Nous sommes convenablement capitalisés et nous avons la capacité d’absorber des flux", entame Nicolas Sacchetto, laissant à son président le soin d’ap­profondir le sujet.

 

 

Pour Philippe Ha­vard, les années 2026 et 2027 vont être placées sous le signe de l’abondance de buy back. En substance, il laisse com­prendre que ce sujet préoccupera les concessionnaires. "Certains vont nous couvrir partiellement ou totalement, comme Skoda ou Hyundai. Renault re­pense la commercialisation du véhicule d’occasion en dévoilant une nouvelle offre Renew , la garantie 5 sur 5 (une garantie constructeur étendue à 5 ans dès 5 euros par mois). D’autres laissent leurs concessionnaires trouver des solu­tions", se crispe le président.

 

En fin de compte, les dirigeants abordent cette problématique comme une énième crise dans une industrie habituée à évoluer pour passer les vi­rages épineux. Ils voient leur avantage.

 

En confiance, ils discutent avec les constructeurs de projets d’investis­sement. Sous l’égide de Philippe Ha­vard, il sera question de renforcer les plaques existantes avec des marques du portefeuille. Le groupe pourrait donc bien alimenter la rubrique actua­lités dans les mois à venir.

 

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