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Constructeurs

BYD : l'empire de la technologie

Publié le 1 mars 2024

Par Christophe Bourgeois
15 min de lecture
Quasiment inconnu hors de Chine il y a à peine deux ans, le constructeur BYD (Build Your Dreams) est aujourd’hui au cœur de toutes les attentions. Il se dispute avec Tesla la première place mondiale sur le marché de la voiture électrique et affiche de très fortes ambitions en Europe.
BYD immersion au siège du constructeur
BYD est arrivé neuvième du top 10 des constructeurs mondiaux en 2023 avec une part de marché de 3,74 %. ©BYD

Le site est immense. Chaque jour, 40 000 em­ployés rentrent et sortent du siège social de BYD à Shenzhen, une ville de 17 millions d’habitants au sud de la Chine, à la frontière avec Hong Kong.

 

Si ces trois lettres sont l’acronyme de l’anglais Build Your Dreams, qui si­gnifie en français "Construisez vos rêves", la légende raconte que le nom du groupe viendrait tout simplement de celui de la rue, Biyadi Road, où est installé le siège de l’entreprise dans le nouveau district de Pingshan, à l’est de la mégapole.

 

Wang Chuanfu, fondateur et président de BYD, fait régulièrement les gros titres de la presse économique. ©Forbes

Comme à son habitu­de, le constructeur, fondé par Wang Chuanfu, un ingénieur, reste très dis­cret sur les activités qui se déroulent ici.

 

Pendant notre visite, nous n’au­rons la possibilité que de découvrir une toute petite partie du site, à savoir le centre de design, le Black Crystal. Inauguré en 2019, il est aujourd’hui piloté par l’allemand Wolfgang Egger qui a longuement travaillé chez Alfa Romeo, Seat et Audi.

 

Actuellement, ce bâtiment abrite un millier de designers venant d’une dizaine de pays et dont la moyenne d’âge ne dé­passe pas 32 ans.

 

Design et technologie

 

Car pour s’imposer, aussi bien sur son marché local qu’à l’internatio­nal, le constructeur chinois com­munique sur deux thématiques : le design et la technologie. Il semble, en effet, loin le temps où les marques chinoises, BYD en tête, copiaient purement et simplement les pro­ductions occidentales.

 

Si nous avons aperçu subrepticement, sur un des innombrables parkings du siège, une imitation de la Toyota Aygo première génération, vestige d’un temps pas si ancien, il faut bien re­connaître que nous n’avons pas vu une seule copie d’un modèle exis­tant.

 

Sur les autoroutes chargées qui traversent Shenzhen de part en part, les constructeurs chinois af­fichent désormais leur propre style. Un style qui, en revanche, ne permet pas toujours de se démarquer de la concurrence pléthorique.

 

Car en Chine, difficile de s’y retrouver dès que l’on aborde l’automobile par le prisme des marques. Il en existe près de 170, dont certaines n’ont de réalité commerciale qu’à l’échelle d’une province.

 

BYD abrite quatre marques dans son portefeuille : BYD, la marque principale, elle‑même divisée en deux sous‑marques ap­pelées, en Chine, série Dynasty et série Ocean, arborant selon les mo­dèles des logos différents, à laquelle s’ajoutent Denza, Fang Cheng Bao et Yangwang. Chaque marque, y com­pris les deux séries BYD, est commercialisée dans son propre réseau.

 

Le Denza N7 est un SUV de taille moyenne, l'un des trois modèles de la marque créée en 2010. ©BYD

 

Dans le détail, les modèles de BYD de la série Dynasty disposent d’un avant spécifique nommé "Visage du dragon" et leur appellation est liée à une dynastie chinoise. En France, il s’agit de la berline et du SUV 7 places du segment E, la Han et le Tang, dont une nouvelle version est prévue pour ce dernier au printemps prochain.

 

La série Ocean correspond aux modèles des segments A à D et constitue la plus grande partie des autos com­mercialisées en Europe, à savoir la Dolphin et la Seal, des berlines des segments C et D.

 

À noter néanmoins que l’Atto 3 (SUV du segment C) et le Seal U (SUV du segment D) ont des appellations différentes en Chine (Yuan Plus et Song Plus). Au total, BYD commercialise sous l’ensemble de ses deux séries plus d’une quinzaine de modèles différents, élec­triques ou hybrides rechargeables.

 

Trois autres marques

 

En parallèle, le constructeur a lancé en 2010 Denza. À l’origine, il s’agissait d’une marque créée en partenariat avec Mercedes‑Benz. Alors qu’elle frôlait la faillite il y a seulement trois ans, elle a été reprise à hauteur de 90 % par BYD en 2022 et distribue dé­sormais trois modèles, les SUV N7 et N8, ainsi que le grand monospace D9. Elle est présentée comme une marque luxueuse "qui redéfinit l’expérience des voyages en première classe", si l’on en croit la communication du constructeur chinois.

 

En 2023, BYD a lancé deux nou­velles marques : Fang Cheng Bao et Yangwang. La première qui signifie en français formule léopard (sic) commercialise un seul modèle, le Bao 5, un gros SUV hybride rechar­geable. Elle se positionne comme une marque produisant exclusivement des véhicules à vocation off road et elle est annoncée comme "professionnelle" et "personnalisable". Alors que les autres marques sont vendues via un réseau, Fang Cheng Bao est distribuée en ventes directes par le constructeur.

 

La seconde, Yangwang, est la vi­trine technologique et stylistique du constructeur. Yangwang signifie "chercher/regarder". Elle propose deux modèles assez uniques pour un constructeur chinois : l’U8, un SUV qui lorgne clairement les Lin­coln Navigator ou les Cadillac Es­calade américains et l’ultrasportive U9.

 

Cette dernière sera disponible d’ici la fin de l’année et elle n’a rien à envier, du moins en termes de style, à des productions aussi extravagantes que celles de l’italien Pagani ou du suédois Koenigsegg. En revanche, leur prix paraît presque raison­nable : les deux modèles sont an­noncés à un million de yuans, soit 130 000 euros.

 

L'intérieur de la Yangwang U9 se veut très luxueux. ©BYD

 

S’ils sont réservés à une clientèle chinoise très riche, ils n’en demeurent pas moins une al­ternative crédible et séduisante à la concurrence occidentale. D’autant plus que "les jeunes Chinois, qui ont les moyens de s’acheter ces modèles, n’ont plus le réflexe comme pouvaient avoir leurs parents de se tourner vers des marques occidentales, présente Janson Zhan, en charge du produit pour le marché européen chez BYD. Ils sont friands de nouveautés, de de­sign, de technologies et la marque a peut‑être moins d’importance qu’elle en avait auparavant".

 

D’où l’appari­tion de marques comme Yangwang ou de la start‑up HiPhi, marque du groupe chinois Human Horizons, spécialisée dans la conduite autonome et qui se positionnait jusqu’à peu comme la seule marque de luxe chinoise dans l’automobile.

 

Nouvelle marque en Europe

 

Si les marques Fang Cheng Bao et Yangwang n’ont, pour l’instant, aucune vocation à être distribuées en Europe, BYD compte néanmoins bien étoffer son portefeuille sur ce nouveau territoire. Il a déjà annoncé que Denza sera présente à la fin de l’année. "La marque sera représen­tée par le réseau BYD actuel", glisse un porte‑parole français du chinois.

 

A lire aussi : BYD commercialisera une nouvelle marque en France

 

Dans un premier temps, le D9 sera le seul modèle disponible, mais Den­za ne s’interdit pas à moyen terme la commercialisation du N7, un SUV haut de gamme électrique du seg­ment D. "Nous voulons disposer d’un véhicule fort pour le lancement", explique le responsable de projet.

 

Le D9 sera le premier modèle de la marque Denza bientôt commercialisée en France. ©Le Journal de l'Automobile

 

Cependant, l’arrivée de Denza pour­rait créer de la confusion dans l’esprit des clients européens, alors que la marque BYD n’est pas encore installée et n’a, par conséquent, aucune image en Europe. "L’Europe est un marché de référence pour les constructeurs chinois, rappelle Janson Zhan. Nos clients re­gardent ce qui s’y passe avec attention. Denza a une existence relativement récente en Chine et nous travaillons ardemment pour la développer sur le marché local. Si nous commercialisions les modèles Denza avec un logo BYD en Europe, cela enverrait un mauvais signal auprès de nos clients." Et de prendre l’exemple du groupe Volk­swagen qui commercialise les mêmes plateformes sous une carrosserie et une marque différentes.

 

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100 % technologique

 

Autre credo du constructeur : la technologie. À chaque lancement d’un nouveau produit en Europe, BYD n’hésite d’ailleurs pas à rappe­ler que la direction R&D, au niveau du groupe, regroupe 90 000 collabo­rateurs. Au siège social, sur un mur long de plusieurs dizaines de mètres, le constructeur chinois a exposé une partie des milliers de brevets déposés.

 

Si on connaît BYD comme le leader mondial de la batterie au­tomobile, le chinois fournit, en effet, de nombreux constructeurs comme son grand rival Tesla, mais également Stellantis, Mercedes‑Benz, Toyota et bien d’autres, il travaille très activement sur les plateformes et la conduite autonome.

 

La multiplication des marques donne également l’occasion au constructeur de disposer de porte‑étendards pour dévoiler ses technologies. Et c’est notamment le rôle de Denza et de Yangwang qui inaugurent pour la première marque, la conduite autonome de niveau 3 et pour la seconde, l’e4 platform.

 

Au siège de Shenzhen, BYD a exposé sur un mur tous ses brevets. ©Le Journal de l'Automobile

 

Conduite autonome

 

Bien que la conduite autonome de niveau 3 ne soit pas autorisée en Chine, excepté sur circuit fermé, nous avons pu tester, en tant que passager, l’avancée technologique du constructeur.

 

Sur un parcours très varié, à la fois de l’autoroute et de la ville, le conducteur, les mains sur le volant du Denza N7 (c’est obligatoire en Chine), n’est quasiment pas intervenu pendant les trois quarts d’heure qu’a duré la démonstration. "Le système est couplé aux données de la navigation", nous explique un des ingénieurs qui nous a accompagnés.

 

A lire aussi : Volkswagen teste la conduite autonome de niveau 4

 

La voiture régule la vitesse, s’intercale dans les files et double automatiquement. Cette conduite autonome permet de ré­duire également le trafic, d’autant plus qu’à Shenzhen, un chrono­mètre décompte le temps qu’il reste pour que le feu passe du rouge au vert. La voiture démarre donc auto­matiquement, ce qui abaisse consi­dérablement les temps de latence aux carrefours.

 

En seulement vingt ans, BYD se pré­sente désormais comme un acteur incontournable du monde de l’au­tomobile. Avec une part de marché de 3,74 %, il figure dès lors dans le top 10 des constructeurs mondiaux. Jusqu’où ira‑t‑il ?

 


 

Quand BYD se lance dans les supercars

 

L’U9 est une supercar électrique de 1 300 ch, une première pour un constructeur chinois. ©BYD

 

Difficile d’imaginer, il y a encore quelques années, qu’un constructeur chinois puisse sortir une voi­ture comme l’U9. Et pourtant. Lorsque l’on dé­couvre cet incroyable modèle qui sera commer­cialisé en Chine d’ici la fin de l’année à partir d'un million de yuans (soit environ 130 000 euros), on voit avec quelle vitesse l’industrie automo­bile chinoise a progressé.

 

Dotée d’une batterie LFP à lamelles, une technologie maison, de plus de 100 kWh, cette voiture électrique délivre la bagatelle de 1 300 ch, ce qui lui permet d’aspirer le 0 à 100 km/h, une valeur chère aux consom­mateurs chinois, en seulement… 2 s !

 

Elle repose sur la toute nouvelle plateforme de BYD, appe­lée e4 platform. De son côté, l’U8, qui est déjà disponible sur le marché et qui est facturé au même prix que la future U9, est selon le constructeur capable de flot­ter pendant plus d’une demi‑heure au milieu d’une étendue d’eau. "Les roues étant indépen­dantes les unes des autres, la voiture peut ainsi « naviguer » sur l’eau !", explique un des ingé­nieurs chinois présent lors d’une très rapide et succincte prise en main du véhicule… sur sol sec.

 

Si cet usage nous paraît totalement improbable, l’U8 a d’autres atouts. Long de 5,32 m, ce SUV hybride rechargeable dispose d’une puissance totale phénoménale de 1 200 ch (880 kW) et garantit un 0 à 100 km/h de 3,6 s. Pas mal pour un véhicule de plus de 3,4 t. Comme l’U9, il est équipé de la fonction Tank turner, ce qui lui permet de tourner sur lui‑même en jouant sur le couple de chaque roue.

 


 

L’e4 platform, un moteur dans chaque roue pour des applications étonnantes

 

L’e4 platform s’appuie sur une technologie de roues motorisées. ©BYD

 

Développée par BYD, l’e4 platform, qui équipe déjà les deux modèles de la marque Yangwang, intègre un système d’alimentation électrique dont le coeur est un entraînement indépendant des roues. Dans le détail, quatre moteurs électriques entraînent séparément les roues. Contrô­lée par un logiciel maison, cette technolo­gie permet de réguler indépendamment la dynamique des roues à des vitesses de l’ordre de la milliseconde. Avec un tel sys­tème, les applications sont nombreuses et… surprenantes. Le véhicule peut ainsi tourner sur lui‑même, à 360°, à l’instar de ce que peut faire un tank, ce qui lui assure un encombrement en manœuvre réduit à sa propre longueur. Cette technologie facilite grandement le stationnement en parallèle. Lors d’un test réalisé sur le grand parking devant le siège de BYD, l’U8, un imposant SUV de 5,32 m de long, s’est garé dans un mouchoir de poche. On avait l’impression que le train arrière sautait lit­téralement pour faire "glisser" l’arrière du véhicule dans le faible espace disponible.

 

BYD présente également sa nouvelle plateforme comme un important élément de sécurité. En cas d’éclatement d’un pneu, la cellule de contrôle peut ajuster précisé­ment le couple des trois autres roues, ai­dant ainsi le véhicule à s’arrêter de manière plus stable. Une vidéo impressionnante de la future supercar U9 roulant seulement avec trois roues a d’ailleurs fait sensation.

 

Les spécificités de cette plateforme iné­dite ne s’arrêtent pas là. Elle répond aux normes d’étanchéité IP68, ce qui permet aux véhicules équipés de littérale­ment flotter sur l’eau et de "naviguer" grâce à la répartition du couple sur les roues. L’e4 platform, qui prévoit de faire l’impasse sur la colonne de direction, pourrait également se passer de syqtème de freinage conventionnel. "Grâce aux capacités indépendantes de sortie de couple positif et négatif (le principe se rapprocherait du rétropédalage des vélos hollandais, NDLR), même si la di­rection et les freins ne fonctionnent pas, notre technologie permet de freiner un véhicule de 100 km/h à 0 km/h en moins de 40 m", assure le constructeur.

 

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Une technologie gadget, mais pas que…

 

L’habitacle du Yangwang U8 peut se transformer en salle de karaoké. ©BYD

 

Le client chinois est un farouche amateur de technologies, voire de gadgets. Et face à l’offre pléthorique de marques et de mo­dèles, les constructeurs chinois se doivent en permanence d’innover, même si avec notre regard d’Occidental, certaines de ces inno­vations nous paraissent totalement inutiles et leur intérêt automobile parfois très limité.

 

Comme l’écran central des modèles BYD qui pivote à 180° et qui peut donc se mettre en position horizontale ou verticale selon les en­vies du conducteur. Lors de cette visite tech­nologique, BYD a été encore plus loin dans le gadget. Il est ainsi possible, bien entendu à l’arrêt, de transformer sa voiture en… une console de jeux.

 

Si certains constructeurs comme Renault, et plus récemment Tesla et Smart, proposent des jeux dans leur système multimédia, BYD va encore plus loin. Sur le Denza N7, toute la famille peut se glisser derrière le volant qui devient la manette de jeu pour des courses de voitures. Une fois le mode sélectionné, la direction électrique est déconnectée des roues.

 

Autre concept 100 % chinois : la voiture karaoké. L’habitacle du Yangwang U8 se métamorphose en une salle de karaoké, une activité très prisée de la jeune population urbaine locale.

 

Enfin, tou­jours sur l’U8, BYD s’est allié avec son compa­triote DJI, également originaire de Shenzhen et leader mondial des drones récréatifs. Il a conçu une sorte de coffre de toit qui s’ouvre automatiquement pour se transformer en piste d’atterrissage pour les drones.

 

 

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