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Marketing : le dur combat du parcours client

Publié le 29 juin 2022

Par Catherine Leroy
11 min de lecture
La recherche d’un véhicule neuf, la reprise de l’ancien, les simulations de financement, d’assurance… toutes les étapes qui mènent à l’acte d’achat fragmentent le parcours du client. Si le digital reste au cœur d’une expérience réussie, l’humain revient en force.
Tous les parcours clients existent, cohabitent, se mélangent avec une même finalité : l’accompagnement du client quel que soit son choix : digital, physique ou phygital.

Proposer un parcours client fluide et sans anicroche dans cette période de pénurie de semi‑conducteurs et donc de manque d’approvisionnement relève pratiquement de la mission impossible. Depuis la levée des confinements liés à la pandémie de coronavirus, le secteur automobile a directement enchaîné, sans pause, avec des délais de livraison qui s’allongent jusqu’à un an et la négation de tout ce qui fait une expérience client réussie : la remise des clés d’un véhicule dont la finition et les équipements ne correspondent parfois pas au bon de commande.

 

Si l’on prend comme définition pour le terme expérience : toutes les émotions ressenties par un consommateur vis‑à‑vis d’une marque, celle vécue actuellement par les clients relève plus d’un stress test que de l’émotion positive. "Dans le domaine de la vente de voitures neuves, le premier besoin du client est d’être rassuré et même si le parcours commence par le digital, l’humain doit rester au centre du contact avec l’acheteur. On retrouve cette même tendance dans l’immobilier qui représente un achat utile mais qui découle également d’un coup de cœur, avec de l’émotionnel", explique Nicolas Cambron, chef de service parcours client chez Renault.

 

De fait, les périodes de confinement ont poussé le consommateur à raisonner autrement. Ce dernier n’hésite plus à passer plus de 8 h sur Internet pour rechercher des informations techniques, les avis des clients. "Et dans le parcours digital, la visio a pris de l’ampleur. Cette méthode permet d’échanger plus facilement, avec beaucoup plus d’humanité que le téléphone d’ailleurs. Mais nous devons aller au bout de la démarche. Si le client décide d’acheter sa voiture à distance, une vraie pédagogie doit être appliquée", poursuit‑il.

 

Plusieurs parcours clients

 

Mais plutôt que de parler d’un parcours, la réalité veut que tous les chemins existent, cohabitent, se mélangent avec une même finalité: l’accompagnement du client quel que soit son choix : digital, physique, phygital et surtout quel que soit le service demandé : la vente de véhicules neufs ou l’après‑vente.

 

Chez Toyota, cette multiplication des points de contact a généré une nouvelle organisation, baptisée LEAD pour "l’expérience améliorée du distributeur". Au cœur du système, une seule équipe au sein de la concession qui suit le client de la vente du véhicule jusqu’à l’après‑vente. "Par la réorganisation des équipes et des structures dans le domaine de la vente et de l’après‑vente, nous voulons supprimer toutes les barrières physiques et toutes les étapes superflues de l’expérience client, qui est aujourd’hui trop fragmentée. C’est tout simplement faire résonner ce qu’il se passe dans le monde numérique où le client a accès à tout sur un espace", expliquait Frank Marotte, PDG de Toyota France en juillet 2021, lors de la présentation du programme.

 

Onze mois plus tard, LEAD existe dans plus d’une centaine de concessions du réseau. "Nous sommes rassurés aujourd’hui par le programme, analyse Hervé Forzani, directeur réseau et expérience client chez Toyota France. Changer les rôles, modifier les habitudes, cela prend du temps, mais toutes les concessions qui ont déployé le programme observent des Net Promoter Scores (NPS) en hausse et des ventes en progression."

 

Le constructeur a cependant mis en place une équipe de coachs pour accompagner les concessionnaires dans cette transformation qui peut être jugée comme perturbante, même si de nombreux vendeurs continuaient d’entretenir des relations avec leurs clients à l’après‑vente. De la même manière, la gestion des leads va être intégrée dans un projet appelé Contact Factory qui consiste à créer un tunnel de vente. Objectif : obtenir un taux de transformation des contacts en ventes de 10 %. Tous les leads issus du constructeur ou du distributeur sont aspirés dans ce même tunnel qui impose un délai de traitement qui se compte en heures.

 

Quel chemin parcouru ?

 

Dans les réseaux, tous les cas de figure existent. Le groupe LG Automobiles, par exemple, ne possède pas de call center général. Chaque showroom gère ses propres clients. "Le téléphone entrant est souvent la bête noire des concessions, car l’expérience peut être déceptive. Pour l’instant, nous travaillons sur un parcours digital avec des vraies personnes. Nous proposons sur le digital des bulles de chat, gérées par des humains. Le coût est plus important, mais le retour est également meilleur", explique Aline Allely, directrice marketing du groupe.

 

Le distributeur dispose aussi d’une "boîte à questions" sur son site Internet qui génère environ 80 messages entrants et permet de répondre à toutes les insatisfactions des clients. Un plan d’action est préparé en cas de mauvaise appréciation sur les avis des clients. "En réalité, nous nous servons du digital pour enrichir l’expérience client. Car il faut bien se rendre compte qu’un FaceTime ne va pas faire acheter une voiture à plus de 50 000 euros. En revanche, le digital nous permet d’envoyer un mail, avec une vidéo qui permet de maîtriser la technologie du véhicule. C’est l’attention qui compte pour le client. On revient à la vraie vie", sourit‑elle.

 

C’est également cette philosophie qu’a choisie le groupe Hess Automobile, récompensé par le label Service client de l’année 2022, à l’automne dernier. "Nous avons commencé à structurer le sujet de l’expérience client dès 2015, explique Brice Agbekponou, directeur marketing et expérience client du groupe de distribution. Nous vendons des véhicules avec une technologie embarquée très poussée à des consommateurs dont les besoins ont évolué. Alors que le secteur reste très traditionnel, nous voulions coller au mieux à ces nouveaux usages."

 

L’expérience de l'électrique

 

Si les confinements successifs ont bouleversé les parcours, le véhicule électrique accentue la nécessité absolue d’une posture proche du client avec un maître mot : la pédagogie. Beaucoup d’automobilistes n’ont pas d’idées déterminées sur la future motorisation de leur voiture et cherchent le meilleur compromis. "Nous travaillons sur cette expérience autour de l’électrique. En parallèle de l’apport de BMW Group, nous avançons également sur la formation de nos propres équipes commerciales, avec l’organisation de centres d’essai avec les clients mais aussi les prospects pour expliquer comment conduire ces véhicules", indique Georges Ferreira, directeur marketing et digital du groupe Altitude. Chez Renault, c’est tout un écosystème qui vient d’être défini pour convertir les clients à l’électrique. "Nous devons apporter beaucoup d’éléments de réassurance pour aider ces clients. La formation des vendeurs a été très travaillée et les essais mis en place vont même jusqu’à conduire le client pour recharger sur une borne publique", affirme Ivan Segal, directeur du commerce France de Renault. "L’essai à domicile pour un véhicule électrique est une démarche passionnante, car le vendeur peut vérifier l’environnement pour installer une borne de recharge", appuie Nicolas Cambron.

 

L’or gris de la donnée

 

Reste que le point de départ de cette expérience demeure la donnée qui se positionne au cœur du business de la distribution. Véritable or gris des réseaux automobiles, celle‑ci a même été l’un des points mis en avant lors de la renégociation du règlement d’exemption vertical.

 

Le principe retenu est que ces échanges d’informations ne peuvent pas porter sur des clients identifiés. Une manière de protéger les bases des distributeurs. "Le problème est que peu de groupes disposent d’une véritable base de données. Or, le fonds de commerce d’un réseau, c’est la data", fait remarquer Jean‑Pierre Diernaz, directeur général France de MotorK.

 

C’est un sujet bien compris dans le groupe LG Automobiles. "Nous avons un suivi très précis de nos bases de données. L’ADN du groupe est marqué par un très fort taux de fidélité de nos clients", fait remarquer Aline Allely, directrice marketing du groupe. Base de données personnelles et outil de CRM sont donc les deux composantes essentielles pour un groupe de distribution afin de rester maître de son fonds de commerce et d’enrichir le parcours client.

 

 

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"Le parcours du client est de plus en plus fragmenté", Jean-Pierre Diernaz, directeur général France de MotorK

 

Jean-Pierre Diernaz, directeur général France de MotorK.

Comment analysez‑vous l’évolution du parcours client depuis les confinements liés au coronavirus ?

Le Covid n’a été qu’un accélérateur d’un mouvement déjà initié. Le parcours du client se fragmente, n’est pas linéaire. La pandémie a créé un électrochoc dans une industrie traditionnelle qui le savait, mais n’en avait pas conscience. Mais qui dit fragmentation, dit également plus d’opportunités, soit de convaincre, soit de décevoir.

 

Pourquoi le parcours se fragmente‑t‑il ?

Pour trois raisons. Tout d’abord, à cause des outils marketing mis à la disposition des réseaux qui constituent une succession d’applicatifs tels le financement, l’assurance et les modules de reprise qui fragmentent ce parcours. Ensuite, le véhicule électrique entraîne 9 fois plus d’interactions dans un parcours qu’un véhicule thermique. La phase de préconisation est plus longue, le choix du type de l’électrification est plus complexe et il n’existe pas de discours très simplifié pour que le client se fasse une opinion. Enfin, dernière raison: aucun client ne souhaite le même niveau de digitalisation, ce qui rend plus difficile l’élaboration d’un parcours standard qui permet d’accommoder tout le monde.

 

Comment faire en sorte que ces applicatifs ne freinent pas le parcours client ?

Il faut une plateforme unique qui les intègre. Et c’est justement ce que MotorK va proposer sous le nom de Spark Platform. C’est la raison pour laquelle nous sommes entrés en Bourse pour devenir un fournisseur global pour la distribution automobile, que nous avons racheté quatre entreprises en quatre mois (NDLR: 3W Net, Fidcar, FranceProNet, Carflow) et recruté 200 ingénieurs en deux ans. Le besoin des professionnels pour cette plateforme unique est immense. La multiplication des partenaires et des solutions devient ingérable pour les groupes de distribution. Si l’on considère que d’ici deux ans, une concession devrait avoir besoin de plus de 20 applicatifs, intégrer cette plateforme globale permet de diviser par trois le montant des investissements

 

 

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Le groupe Hess Automobile et le contact client comme ADN

 

Brice Agbekponou, directeur marketing et expérience client du groupe Hess Automobile.

A l’automne dernier, Hess Automobile était récompensé par le label Service client de l’année 2022, c’est le deuxième titre reçu par le groupe. Une distinction suffisamment rare pour être remarquée. Il est vrai qu’il a mis sur pied une organisation à toute épreuve en matière d’expérience client. "Les réceptionnaires, standardistes ne peuvent pas toujours tout faire : répondre au téléphone, aux mails, qualifier les demandes… toutes ces tâches exigent un soutien opérationnel", explique Brice Agbekponou, directeur marketing et expérience client.

 

Ainsi, le groupe a créé son propre centre de relation client composé de 90 salariés, qui traitent toute demande client, 7 jours sur 7, pour mieux accueillir les prospects et adapter les réponses aux demandes des clients. Trois pôles cohabitent. Le premier traite l’avant‑vente. Le deuxième prend en charge les appels des standards, s’occupe des enquêtes de satisfaction et des demandes via le chat ou les réseaux sociaux, avec un résultat de 92 à 95 % d’appels pris en charge. Enfin, le troisième pôle prend le relais si le client souhaite un rendez‑vous à l’atelier. En après‑vente, tout au long de l’année, le groupe anticipe les besoins du client en l’appelant pour planifier l’entretien de son véhicule.

 

"Ce service, très apprécié de nos clients, permet de garder le lien, mais aussi de limiter les engorgements au niveau des ateliers", poursuit Brice Agbekponou. Enfin, le service relation client utilise également le canal WhatsApp pour les services de conciergerie. Une panoplie complète d’outils, omnicanale, qui permet au client d’avoir une relation personnalisée et avant tout humaine. "Il faut absolument éviter les irritants, surtout en cette période où les flux sont sous tension", ajoute‑t‑il. Le tout vérifié chaque année par des enquêtes mystères, auprès de 70 000 clients, sur la qualité des interactions avec les services des concessions.

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