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Le financement automobile, un pilier des réseaux de distribution

Publié le 24 septembre 2024

Par Catherine Leroy
11 min de lecture
Après des mois de marges sous tension, les sociétés de financement retrouvent peu ou prou leur niveau de rentabilité. Mais cette fois, les difficultés concernent la distribution. Plus que jamais, les financeurs doivent accompagner les réseaux.
financement automobile
Le financement apporte de l’oxygène aux réseaux de distribution sous pression. ©AdobeStock

Difficile d’analyser le marché du financement automobile. Depuis le début de cette année, la publication par l’ASF (Association française des sociétés financières) des résultats du crédit à la consommation amène à la prudence.

 

La production fait véritablement le yo‑yo depuis janvier. Il est vrai que le leasing social vient large­ment perturber le marché et, par voie de conséquence, le financement du vé­hicule neuf. Avec un mérite cependant, "le leasing social a démontré qu’il n’y avait pas de véritables freins au véhicule électrique", pour Christophe Michaëli, directeur du marché automobile de BNP Paribas Personal Finance.

 

Même si le bonus écologique, in­dexé sur un score environnemental, a pénalisé de nombreuses marques, comme Dacia avec sa Spring ou en­core MG Motor avec sa MG4. "Le consommateur reste très sensible aux primes et aux incitations. Si elles se réduisent, elles freinent la demande des clients", complète Étienne Royol, di­recteur général de CA Auto Bank France.

 

Pour le véhicule d’occasion, c’est en revanche la baisse du prix des transac­tions qui rend opaque le bilan semes­triel. Si les échanges de VO progressent de 3,1 % sur le premier semestre, les fi­nancements liés sont en baisse de 6,9 % et atteignent une production de 2,8 mil­liards d’euros (voir tableau ci‑dessous). La hausse du volume ne gomme pas l’effet baissier des prix de vente. L’en­semble entraîne, au global du semestre, une production financière des véhi­cules neufs et d’occasion qui reste stable entre 2023 et 2024, avec un bilan final de 8,247 milliards d’euros (+1,3 %).

 

Les produits locatifs s’envolent

 

Pendant les six premiers mois de l’an­née, la LOA s’est une nouvelle fois ren­forcée. Sur le segment du véhicule neuf, la production atteint 4,9 milliards d’eu­ros contre 482 millions pour le crédit classique. Pour mémoire, le crédit VN a généré 709 millions d’euros encore sur les six premiers mois de l’année en 2023.

 

La tendance, entamée depuis de nombreuses années, ne fait donc que se renforcer. En volume, selon les données AAA DATA, 324 068 véhicules neufs ont été immatriculés pendant cette période avec un financement de crédit affecté (ou prêts personnels) sur un marché total de 914 890 unités, soit 35 % des ventes. Les produits locatifs ont ainsi permis la mise à la route de 590 792 véhicules neufs. "La LOA s’est beaucoup développée sous l’im­pulsion des sociétés indépendantes et plus récemment des captives, au détriment du crédit pénalisé par le taux d’usure. Cer­tains acteurs proposent désormais une offre de LLD à particulier même si elle reste encore embryonnaire", reconnaît Fabrice Perina, directeur général de CGI Finance.

 

Mais surtout, les produits loca­tifs s’engouffrent sur le segment du véhi­cule d’occasion, jusqu’à représenter 35 % de la production financière. La tendance pourrait cependant être freinée dans les mois qui viennent. La subvention mas­sive des loyers pour écouler les véhicules électriques neufs rend difficilement rentable le second cycle de vie.

 

Ainsi, le crédit classique pourrait revenir dans la course au moins pour cette typologie de modèles. "Sur certains VO électrique, le crédit est la seule solution car le loyer sort encore plus cher qu ’en neuf à cause des valeurs résiduelles surestimées. L’idée est d’avoir tout le portefeuille de solutions à proposer pour aider la distribution à écou­ler les stocks dormants", affirme Étienne Royol.

 

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Marges des financeurs qui se reconstituent

 

Dans ce contexte, les sociétés de fi­nancement retrouvent des couleurs. Notamment sur leur rentabilité. L’étau qui les plaçait dans une posture très in­confortable, entre un faible taux d’usure et des taux de refinancement toujours plus élevés, se desserre. Les marges se reconstituent.

 

Le taux d’usure atteint 7,75 % (en légère baisse) depuis le 1er juil­let 2024, tandis que les taux de refinance­ment sont retombés à 4,25 %. "Cette an­née, les marges ne sont plus un problème et nous nous retrouvons avec une rentabilité proche de celles des années 2021", avance Jean Achard, directeur du réseau et du développement pour les marchés autos, loisirs et motos chez Financo.

 

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Les performances des sociétés de finan­cement sont étales, selon Fabrice Perina. Voire meilleures qu’en 2023, estime Christophe Michaëli. Si les résultats de tous les acteurs sont désormais tenus confidentiels, le classement des finan­ceurs n’a donc pas encore évolué, malgré la volonté de CA Auto Bank de devenir le premier financeur français en 2026. CGI Finance, BNP Paribas Personal Fi­nance, CA Auto Bank, Financo, sans oublier Santander composent le paysage très concurrencé du financement sur le lieu de vente.

 

Mais la compétition se fait de plus en plus rude. Car l’enjeu repose sur l’obtention des appels d’offres lancés par les constructeurs à la recherche d’une captive. L’arrivée des constructeurs chinois sur le marché français et euro­péen a apporté la signature de quelques contrats de taille.

 

CGI Finance s’est, en effet, octroyé le contrat de BYD, de Maxus et plus récemment de XPeng, en plus de Hyundai et Kia. BNP Paribas Per­sonal Finance est la captive de Volvo, de Jaguar Land Rover, d’Aramis, de Qarson, mais aussi de Zeekr. CA Auto Bank ac­compagne Tesla (avec Santander) mais aussi MG Motor, Skyworth et Chery.

 

Pour Financo, les accords de marques s’accélèrent dans la moto, tandis que San­tander reste majoritairement présent en France par le partenariat avec Stellantis. Des contrats qui assurent un meilleur équilibre des résultats des financeurs en apportant entre 30 et 50 % de leur pro­duction totale, aux côtés des distribu­teurs indépendants.

 

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Accompagnement des distributeurs

 

Si le danger de la rentabilité s’éloigne pour les sociétés de financement, un autre émerge : celui de l’état finan­cier des réseaux de distribution. "Les groupes de distribution vivent un chan­gement de paradigme. Que ce soit avec le véhicule d’occasion, le sujet des marges des véhicules neufs ou les buy‑backs et la transition vers l’électrique qu’ils accom­pagnent. Tous ces enjeux doivent être adressés en même temps en plus du coût du financement qui vient s’accumuler", observe Fabrice Perina.

 

Un moment difficile à passer d’autant que tous les indices se sont désali­gnés en même temps. Des stocks VO gonflés avec des modèles dont le prix est trop élevé par rapport au marché, des stocks VN qui grossissent et des frais financiers qui explosent…

 

Les réseaux de distribution vivent une période critique. "C’est le moment ou jamais de piloter par le BFR et non par la marge", avance Christophe Michaëli, qui estime que beaucoup de groupes ont sous‑estimé les fon­damentaux, bercés par trois années de marché faciles et de marges en hausse. "Nous assistons à une re­crudescence de mandats ad hoc. Tout se tend et certains acteurs se retrouvent en impayés. C’est un peu violent car tout s’est dégradé au même moment", poursuit‑il.

 

De soutiens à la vente, les sociétés de financement voient leur rôle se renforcer dans cette période. La rémunération du service rapporte environ 2 % du chiffre d’affaires d’un opérateur. "Nous avons une relation historique de forte proximité avec nos distributeurs et en France, nous les accompagnons avec le financement de leur stock. Bien sûr, la vigilance s’est ac­crue sur les bilans de nos partenaires. Le calibrage se fait en fonction de l’in­tensité de notre relation partenariale. C’est un deal donnant‑donnant : l’aide au financement du stock se densifie contre un volume de production en hausse", ajoute Fabrice Perina.

 

Pour améliorer ce volume de pro­duction, pas de secret. Soit le distri­buteur augmente la pénétration du financement dans ses ventes, soit il y ajoute de la valeur, avec de nouveaux services. Ceux issus de la garantie, comme l’illustrent la création de Cré­dit Agricole Mobility Care Services, coentreprise entre CACF et Opteven, et la prise de participation de la société de financement dans Hiflow, spécia­liste de la logistique sur mesure pour notamment la livraison à domicile.

 

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Cette relation étroite entre le monde de la finance et la distribution automo­bile est montée d’un cran récemment. D’une part avec la levée de fonds de 650 millions d’euros du groupe Emil Frey auprès de six partenaires finan­ciers pour accompagner sa croissance.

 

Autre exemple, la restructuration de la dette de Cosmobilis pour 285 mil­lions d’euros avec sept groupes ban­caires européens, afin de faciliter le développement du plan stratégique. Pour Carlos Gomes, directeur gé­néral de Cosmobilis, la structuration financière est un des cinq éléments fondamentaux des groupes, avec la performance, la stratégie, la vision et les équipes. "Cela montre également la confiance des banques tradition­nelles dans les acteurs de l’automo­bile", estime Christophe Michaëli.

 

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Un accompagnement rendu plus facile avec l’abandon du modèle de contrat d’agent de plusieurs construc­teurs (Jaguar Land Rover, Ford…) et son report annoncé notamment par Stellantis. "Les constructeurs se rendent compte qu’ils ont besoin des réseaux pour vendre des voitures", avance Jean Achard. "Ce sont même les seuls à pouvoir servir le client. Cette relation n’a pas de prix", ajoute Chris­tophe Michaëli.

 

Freiné par la hausse des taux d’intérêt, ce modèle de distribution se poursuit pour­tant chez quelques marques, comme Smart ou encore Mini, dont le contrat débute au 1er octobre 2024.

 

Mais cette mise en œuvre demande une mise au point pour le financement. D’ailleurs, les discussions entre ces constructeurs et des financeurs indépendants ont démar­ré. "Concrètement, ce sera au construc­teur de facturer le client. Mais le finan­ceur va continuer d’instruire le dossier de financement avec l’IOB (intermédiaire en opération bancaire), soit le conces­sionnaire mais également le vendeur de cet intermédiaire. Nous devrons être vigilants sur cette nouvelle équation car le constructeur devra être dans la même temporalité dans la phase de facturation/ livraison client car juridiquement le financement a lieu au moment de la livraison de la marchandise et pas avant. La temporalité du constructeur n’est pas forcément celle du concessionnaire ou du financeur", fait remarquer le directeur du réseau et du développement pour les marchés autos, loisirs et motos chez Financo.

 

De quoi faire naître quelques nouvelles tensions entre constructeurs et financeurs. Tout comme la décision de diviser la taille des showrooms. Car le business model des groupes de distribu­tion repose également sur une valorisa­tion patrimoniale comprenant l’immo­bilier. Réduire les surfaces dans tous les réseaux en même temps pourrait bien créer une bulle immobilière.

 

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L’open banking avance ses pions

 

En test depuis plusieurs mois, la technique de l’open banking ou crédit instantané va être géné­ralisée chez Aramisauto. Le distributeur vient de signer un accord avec Younited pour déployer cette offre. Le crédit instantané repose sur l’ac­ceptation par un acheteur d’"ouvrir" son compte bancaire à une société de financement afin d’ana­lyser son budget. Plus besoin de fournir ses bulle­tins de salaire ni son avis d’imposition, la société analyse directement les comptes bancaires. Une manière de vérifier la récurrence des revenus et la capacité de remboursement du client.

 

Améliorer le taux d’acceptation

 

Une technique qui ouvre la porte du finance­ment aux clients en CDD ou soumis au statut d’autoentrepreneur. "Dans le crédit instantané, il n’y a pas d’accord de principe, d’étude de dos­sier et d’acceptation définitive. L’intégralité du dossier se boucle en quelques minutes", confir­mait au printemps dernier Guillaume Juhel, res­ponsable du financement et des services chez Aramisauto. L’ouverture du financement à des clients généralement exclus du crédit permet aux professionnels d’adresser plus largement leurs offres.

 

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Chez Aramisauto, le ratio d’un vé­hicule sur deux financés pourrait ainsi être aug­menté. La filiale de Stellantis a choisi Younited comme partenaire de cette offre. Spécialisée dans le crédit instantané, la fintech ne propose que du crédit. Tous les autres acteurs recon­naissent travailler sur le sujet. Mais beaucoup restent prudents. "C’est un système qui peut être perçu comme intrusif pour certains clients. Nous devons donc vérifier avant tout le degré d’acceptation du client. Tous n’y sont pas favo­rables. Mais les avantages sont certains pour fluidifier les parcours", observe Christophe Mi­chaëli de BNP Paribas Personal Finance. Étienne Royol, chez CA Auto Bank, prévient cependant.

 

"L’open banking est une bonne solution pour être en capacité de donner une réponse rapide au client, un enjeu fort. Mais cette technologie n’exonère pas d’une étude par une équipe pour garantir un haut niveau d’acceptation", fait‑il remarquer.

 

 

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