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Industrie

Les carburants alternatifs de plus en plus plébiscités

Publié le 21 février 2023

Par Christophe Bourgeois
8 min de lecture
Alors que les prix à la pompe n’ont cessé d’augmenter pendant toute l’année 2022, les automobilistes qui ne se sont pas encore lancés dans l’hybridation ou l’électrique, ont trouvé refuge dans le superéthanol E85 et le GPL. Ces carburants alternatifs ont représenté 5,4 % du mix énergétique l'année dernière, en forte progression. En parallèle, et tout naturellement, leur consommation a quasiment doublé en un an.

Lorsque le sans‑plomb et le diesel ont dépassé allègre­ment les deux euros le litre, certains carburants sur les totems des stations‑service arboraient fièrement un prix deux fois moins cher, voire pour l’un d’entre eux, crânant en dessous de l’euro. Une aubaine pour les automobilistes qui se sont intéressés un peu plus à ces carburants alternatifs que sont le GPL et le superéthanol‑E85.

 

Car si 2022 a été l’année de l’élec­trique avec une progression de 25,2 % pour atteindre une part de marché de 13,3 %, soit en volume 202 928 immatriculations, se po­sitionnant à la quatrième place du mix des énergies, le GPL et le superéthanol‑E85 ont représen­té une part de marché de 5,4 %, soit un volume de 81 724 unités, en hausse exponentielle depuis le début de l’année, principalement tiré par l’E85.

 

Ford et Dacia en tête

 

Malgré ces bons résultats, cela reste un marché très condensé et encore de niche (voir les tableaux ci-dessous). Seules deux marques se sont lancées dans ces énergies : Ford pour l’E85 et Dacia pour le GPL, avec très loin der­rière, la présence de Jaguar Land Ro­ver pour le premier carburant et de Renault pour le second.

 

"Depuis son lancement durant l’été 2021, c’est une stratégie, dont la filiale française est à l’origine, qui porte ses fruits, présente Louis‑Carl Vignon, président de Ford France. Aujourd’hui, les ventes de modèles E85 représentent 70 % de notre mix. Et elles ne vont cesser d’augmenter puisque pour les prises de commande, le taux grimpe à 80 %. Trois modèles à fort volume possèdent la bicarburation, à savoir le Puma et la Focus en mild hybrid et le Kuga en hybride rechargeable. Nos clients voient dans cette énergie une véritable alternative au diesel." Ford a, en effet, écoulé 32 944 unités, tandis que Dacia a immatriculé 41 085 modèles au GPL, nous y reviendrons.

 

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Du côté des carburants, les vo­lumes consommés de superétha­nol‑E85 ont crû de 83 % en France en 2022, à 854 124 m³, selon les chiffres du Syndicat national des producteurs d’alcool agricole (SNPAA) ou convertis en unité de masse, 666 300 t (source CPDP – Comité professionnel du pétrole). À la fin de l’année, l’E85 représen­tait 6,5 % du marché des essences, contre 4 % en 2021. "En novembre et décembre, la part dépassait même les 7 %, ce qui nous laisse croire que nous atteindrons les 8 % en 2023", se réjouit Sylvain Demoures, se­crétaire général du SNPAA.

 

 5,4 % Part de marché de l’E85 et du GPL dans les ventes de modèles neufs en 2022.

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Un réseau assez dense

 

Une des raisons de la réussite du superéthanol‑E85 est sa dis­tribution : 550 stations‑service  supplémentaires le proposent par rapport à un an en arrière, por­tant le total à 3 300 sur le territoire, soit plus du tiers du total. Pour les trouver et étudier les tarifs, l’appli­cation Mes Stations E85 a elle aussi vu son succès grandir : 87 000 té­léchargements de plus sur l’année, portant le total à plus de 150 000. Surtout, en 2022, 120 000 véhicules supplémentaires équipés de tech­nologies flex‑E85 ont parcouru les routes de France (+ 67 %). Dans le détail, ce sont 35 000 véhicules neufs et 85 000 dotés d’un boîtier de conversion (sept homologations supplémentaires ont été accordées).

 

Sur ce sujet, deux acteurs dominent le marché : Biomotors et FlexFuel Energy Development. À eux deux, ils pèsent pour plus de 75 000 boîtiers. "Les gens changent leurs habitudes de consommation. Le véhicule qui roule au superétha­nol‑E85 propose des économies à tous les niveaux : prix d’achat, coût d’entretien, de carburant, d’assu­rance, revente… sans mentionner l’aspect écologique", résume Jérôme Loubert, directeur commercial de FlexFuel Energy Development.

 

Quand le gazole B7 est taxé à 0,594 €/l et le SP95‑E10 à 0,663 €/l, le superéthanol‑E85 ne l’est qu’à 0,118 €/l. "Il n’y a pas eu de chan­gement sur la fiscalité depuis les débuts de l’E85", confirme Sylvain Demoures. Cela se ressent forcé­ment à la pompe : le 11 janvier 2023, l’E85 était à 1,11 €/l, contre 1,87 €/l pour l’E10 et 1,92 €/l pour le ga­zole B7. "Le marché fonctionne via des contrats annuels avec les agricul­teurs, le prix au litre ne varie donc qu’au niveau de sa part d’essence", ajoute Sylvain Demoures. Nicolas Kurtsoglou, responsable carbu­rants du syndicat, appuie son pro­pos : "Sur 13 000 km, l’E85 permet une économie de 587 € en moyenne par rapport à l’E10, sur la période 2018‑2022."

 

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Vignette Crit’Air

 

Outre atteindre les 8 % de part de marché de l’essence, le SNPAA vise la barre des 3 500 stations‑service en 2023. "Ce sera sans doute plus", prévoit Sylvain Demoures. Sans se fixer d’objectif chiffré, le syndicat espère, par ailleurs, "maintenir un niveau élevé de vente de boîtiers E85 et de voitures flex‑E85 d’origine". Pour le second point, cela ne passe­ra que par le potentiel commercial de Ford, car aucun autre construc­teur, à part Jaguar Land Rover dans de tout petits volumes, ne semble être intéressé par l’E85. Le secré­taire général du SNPAA escompte aussi une plus grande reconnais­sance de l’E85, déjà en Crit’Air 2 et 3 et pourquoi pas en Crit’Air 1, pour le rétrofit. "Le bioéthanol, c’est déjà 1,8 million de tonnes de CO2 évitées en France. C’est l’équi­valent de la consommation de 900 000 véhicules", conclut‑il.

 

Le boom du GPL

 

En parallèle, la distribution de carbu­rant a enregistré une hausse de 68,7 % par rapport à 2021, succédant à une progression de 40,3 % par rapport à 2020, année du confinement. "Le prix du GPL est très stable, présente Sophie Gaudillière, directrice des af­faires publiques et communication de France Gaz Liquides. Il tourne depuis trois ans autour de 0,85 €/l. En outre, c’est un carburant produit pour partie en France et qui n’est pas importé de Russie." 30 à 40 % des approvisionne­ments proviennent, en effet, directe­ment des raffineries implantées dans l’Hexagone et le reste est importé d’Algérie ou de Norvège.

 

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Sur le territoire national, la distri­bution de GPLc est stable depuis des années. Une station sur sept en distribue, ce qui correspond à en­viron 1 500 points de distribution. C’est deux fois moins que l’E85. Mais cette différence s’explique assez fa­cilement : c’est, en effet, beaucoup moins coûteux de transformer une cuve qui recevait de l’essence plom­bée pour distribuer de l’E85 que d’installer une station GPLc.

 

"Nous n’entendons pas de discours officiel sur la volonté d’augmenter le nombre de stations, mais nous observons que certains fournisseurs de carburants sont attentifs au sujet, poursuit So­phie Gaudillière. Sa distribution est disponible dans beaucoup de pays européens. Il s’agit du carburant al­ternatif le plus utilisé sur le continent et le plus soutenu par les gouverne­ments pour ses attraits économiques, écologiques et sanitaires. Ses avan­tages écologiques seront accrus dans le futur grâce au développement du bio‑GPL. Aujourd’hui, il y a jusqu’à 10 % de biogaz dans le GPL vendu dans certaines stations. En atteignant 100 % de biogaz, cela permettra d’éli­miner 80 % de CO2."

 

Reste que les constructeurs, à part ceux nommés, ne sont pas du tout en­clins à se tourner vers ces carburants, même pendant une période de tran­sition. Les investissements se font dé­sormais sur les moteurs électriques, au détriment des moteurs ther­miques. L’avenir de ces énergies pas­sera donc par le rétrofit en nombre, ce qui est déjà le cas pour l’E85.

 

 La France, premier producteur d’E85

 

Avec la production de 15,4 millions d’hectolitres en 2021, la France est leader européen de l’alcool agri­cole en Europe. Sa production représente 21 % de celle européenne, avec 60 % des débouchés dans les carburants et 40 % dans les usages traditionnels de l’alcool dont les gels hydroalcooliques. Le pays abrite 13 sites de production dont 5 unités indus­trielles récentes d’envergure mondiale et la filière a créé 9 000 emplois directs, indirects et induits, en équivalent temps plein.

 

En France, le bioéthanol se fabrique à partir du sucre des betteraves, de l’amidon des céréales et des résidus de leur transformation. Cela représente 300 000 ha, soit environ 1 % de la surface agricole utile, qui fournissent à la fois énergie et alimentation, soit 0,6 % de la surface utile nette de coproduits alimentaires selon le Syndicat national des produc­teurs d’alcool agricole (SNPAA).

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