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Industrie

Le châssis numérique et ses logiciels : objets de convoitise

Publié le 22 février 2023

Par Gredy Raffin
6 min de lecture
D’ici 2030, 12,83 milliards de dollars seront investis par Hyundai Motors dans un nouveau centre dédié aux logiciels. Le récent salon de Las Vegas a montré combien la digitalisation des automobiles va rebattre les cartes de l’industrie. Au centre du sujet, il y a le châssis numérique dont les exigences technologiques invitent à de nouvelles alliances et de lourds plans d’investissement.
logiciels châssis numérique
La technologie avance, les constructeurs doivent suivre. © Gorodenkoff‑Stock/adobe.com

La « deutsche qualität » ne sau­rait souffrir un échec reten­tissant. Et pour s’épargner un affront qui semble de plus en plus inéluctable, Oliver Blume applique le principe de précaution. Le suc­cesseur d’Herbert Diess à la tête du groupe Volkswagen ne cache pas son inquiétude dans le dossier concer­nant les logiciels intégrés aux véhi­cules.

 

Pour lui, point question d’aller plus loin dans la course à la poursuite de Tesla. Tout du moins pas main­tenant. La plateforme logicielle cen­tralisée promise pour 2026 attendra. Volkswagen va pour le moment re­centrer les différentes générations de logiciels sur « ce qui a déjà été fait », limitant ainsi perte et fracas.

 

Repenser les logiciels embarqués ne s'avère pas aisé. Les difficul­tés rencontrées par le géant alle­mand malgré ses moyens colossaux montrent l’ampleur de la tâche. Pourtant, les logiciels constituent assurément un des piliers de l’auto­mobile du futur.

 

Matthias Schmidt, analyste chez Automotive Research, soutient que la conception des lo­giciels par les constructeurs automo­biles eux‑mêmes devient un enjeu pour s’affranchir de l’emprise des références de la Silicon Valley. Une révolution qui n’est toutefois pas sans risque pour les acteurs historiques du secteur.

 

Relation constructeur‑fournisseur

 

L’automobile l’impose, cependant, tant elle concentre de plus en plus de fonctions diverses à faire jouer de concert. Ce qui implique un dévelop­pement logiciel d’une part et matériel d’autre part. Chez les ingénieurs, le terme de « châssis numérique » de­vient donc une norme. Il dit tout du défi. Comme il a fallu des décennies pour concevoir l’ossature métallique des voitures, il faudra désormais parvenir à un équivalent immatériel sur lequel une grande partie de l’expé­rience des consommateurs reposera.

 

En fait, le châssis numérique va chan­ger la manière de penser les véhicules et leur cycle de vie. Du point de vue de l’assemblage, il s’agira d’employer des supercalculateurs miniaturisés. Éric Kirstetter, associé au sein du ca­binet Roland Berger, décrit le schéma : « Les voitures réduiront drastique­ment le nombre de processeurs embar­qués. Au centre du dispositif, une puce surpuissante apportera la capacité de traitement des informations rappor­tées par les capteurs. Elle pourra aussi héberger les logiciels d’éditeurs tiers validés par les constructeurs. »

 

logiciels châssis numérique

L’importance prise par le logiciel dans la chaîne de valeur est croissante. © Qualcomm

 

Une approche qui n’est pas sans conséquence sur les relations com­merciales. Si les appels d’offres des constructeurs se gagnaient autre­fois sur la compétitivité d’un sys­tème vendu complet, désormais, les équipementiers bataillent sur la performance du calculateur central et de son logiciel de traitement qui évoluera tout au long du cycle de vie de l’automobile. Dans la chaîne de valeur, le logiciel va donc prendre toujours plus d’importance.

 

Les sommes en jeu sont immenses. Lors de sa conférence annuelle dé­diée aux investisseurs, en septembre dernier à New York, la direction gé­nérale de Qualcomm, un des groupes revendiquant une place dans le club des leaders du secteur, expliquait qu’autour de 2030, le marché adres­sable s’élèvera à 100 milliards de dollars.

 

"Nous estimons que nous passerons en quelques années de 200 à 3 000 euros d’équipements vendus par véhicule livré."

Akash Palkhiwala, directeur financier de Qualcomm

 

En ordre de grandeur, cette somme se répartira ainsi : 59 % pour les aides à la conduite, 25 % pour la digitalisation du poste de pilo­tage et de l’habitacle et 16 % pour la connectivité. « Nous estimons que nous passerons en quelques années de 200 à 3 000 euros d’équipements vendus par véhicule livré », glissait notamment le directeur financier de Qualcomm, Akash Palkhiwala, devant une salle très attentive au dis­cours et aux graphiques projetés sur l’écran.

 

À titre d’exemple, il a révélé que le programme de licence 5G lan­cé en 2020 a engendré 50 signatures de contrat avec des constructeurs pour un montant de cinq dollars par vé­hicule produit.

 

Sur le modèle de la téléphonie

 

Tesla a bien compris l’intérêt de disposer d’un logiciel propriétaire. Volkswagen, BMW et Merce­des‑Benz en rêvent aussi. Pour rester dans la partie, Bosch s’est rapproché de Microsoft. En France, Stellan­tis et Renault qui font confiance à Qualcomm pour l’équipement ont respectivement noué des accords avec Amazon et Google pour ajouter l’intelligence.

 

En octobre dernier, le groupe Hyundai Motor jusqu’à pré­sent très discret sur le sujet est sorti du silence. D’ici 2030, 12,83 mil­liards de dollars seront investis par le groupe sud‑coréen dans un nou­veau centre d’envergure mondiale dédié aux logiciels, dans le siège de la R & D. Le tout afin de renforcer les capacités logicielles pour le dévelop­pement de futures productions auto­mobiles de ses marques.

 

Cette nouvelle ère de conception sera profitable aux constructeurs et aux consommateurs. Les cadres de Sonatus s’en disent convaincus tout du moins. La société améri­caine fraîchement installée en Eu­rope souffle des idées aussi bien aux oreilles des équipementiers que des constructeurs. Elle est d’ailleurs l’un des artisans du vaste projet de Hyundai. "Une expérience qui nous a montré combien la relation entre les constructeurs et les fournisseurs évolue vers un rapport de partena­riat car le logiciel peut s’adapter en fonction des besoins et l’échange doit donc être permanent", apprécie l’une des cadres de la division euro­péenne de Sonatus.

 

Mais cette course rappelle une autre époque, selon un observateur. Celle où les fabricants de téléphones vou­laient tous avoir leur logiciel. À la fin, le marché s’est concentré et les sys­tèmes d’exploitation ne se comptent plus que sur les doigts d’une main. "L'automobile suivra la même voie dans un temps plus long", prophétise cet analyste. Encore faudra‑t‑il que l’orgueil des constructeurs s’efface derrière une réalité de marché. Ils ont appris à mutualiser leurs plate­formes industrielles, feront‑ils aussi le choix d’accords stratégiques pour l’immatériel châssis numérique ?

 

 

Plastic Omnium se lance

 

Sous l’impulsion de Laurent Favre, directeur général, le groupe français s’est engagé dans la création d’une nouvelle entité baptisée OP’nSoft. Introduite à l’occa­sion du salon de Las Vegas, début janvier 2023, elle a pour but de développer des logiciels pour les produits et services de Plastic Omnium en vue d’avancer sur la voie de l’électrification, de la connectivité, de l’automa­tisation et de la mobilité partagée. "OP’nSoft va per­mettre à Plastic Omnium de proposer des solutions et des services intégrés uniques à ses clients, tels que la fusion software des données radar et des technolo­gies d’éclairage. C’est une nouvelle aventure pour Plas­tic Omnium et un terrain de jeu passionnant pour nos équipes", a expliqué le directeur général.

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