Vincent Deffeuille : "Nous allons jouer la carte Renault Mobilize"
JA. Nombreux sont les groupes de distribution à s'ouvrir à de nouvelles formes de mobilités. Qu'en est-il dans votre stratégie ?
Vincent Deffeuille. Nous ne sommes pas hermétiques à tout ce que nous voyons émerger. Nous observons les structures proposant de nouvelles mobilités mais il n'en reste pas moins que dans nos villes de taille moyenne, il y a peu de possibilités de rentabilité avec ces nouveaux services.
JA. Vous travaillez néanmoins pour des constructeurs, dont Renault, qui ont des ambitions en la matière…
VD. Effectivement, nous faisons autant que faire se peut preuve de bonne volonté pour expérimenter des concepts, mais nous nous heurtons à certaines réalités. Prenons la location courte durée par exemple. Nous avions accepté de déployer une flotte de véhicules connectés grâce à des boîtiers pour que les clients puissent y accéder en toute liberté. Il s'est avéré qu'ils préféraient passer au comptoir pour discuter de leur choix et récupérer les clés. En plus, cela nous permettait de faire preuve de flexibilité vis-à-vis des horaires de restitution notamment. Nous avons donc décidé de ne pas réinstaller les boîtiers une fois que les voitures ont été sorties du parc de location.
JA. Qu'est-il advenu de l'activité location ?
VD. Elle se poursuit bien évidemment. Nous avons à l'heure actuelle un parc d'environ 250 véhicules à l'échelle du groupe. Chaque kilomètre parcouru est facturé soit au client, soit à un prescripteur (assurances, mutuelles, constructeurs…), soit au service de la concession qui a recours à son utilisation. Nous sommes très satisfaits de cette activité qui est une vitrine pour l’entreprise et qui, de surcroît, alimente le parc VO avec des produits âgés de 24 à 36 moins. Nous proposons des Renault Trafic en configuration transport de personnes pour satisfaire la demande des associations ou encore des utilitaires avec des avantages évidents pour résister à la concurrence des supermarchés qui ont désormais des flottes, mais des conditions de gestion de sinistre pénalisant lourdement les utilisateurs et moins de souplesse.
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JA. Pour rester dans la thématique des gros véhicules, le groupe Deffeuille a également investi dans ceux de loisirs. Quelle est la genèse de ce projet ?
VD. L'un de nos anciens directeurs de Besançon (25) s'est intéressé à cette activité. Pour se lancer, il lui fallait un partenaire financier. Rôle que nous avons accepté de jouer et qui nous a amené à devenir maintenant actionnaires de quatre affaires dans les Hauts-de-France. Convaincus de la pertinence de cet investissement, nous avons souhaité poursuivre l'aventure en propre dans le sud de la France. Le groupe Deffeuille a signé un contrat d'exclusivité avec certaines marques du groupe Hymer pour commercialiser les marques à Bouc-Bel-Air (13) dans la région d'Aix-Marseille et très prochainement à Montpellier (34).
JA. Quelle analyse faites-vous de ce secteur de plus en plus exploré par les concessionnaires automobiles historiques ?
VD. L'opération réalisée par Trigano cet automne a créé du mouvement chez les autres acteurs. Cela a ouvert des opportunités. Nous sommes donc à l'écoute de tout développement potentiel. En ce qui nous concerne, nous avançons un peu à contre-courant, car nous cherchons systématiquement à créer de belles infrastructures dotées d'espaces de vente mais également de services après-vente, alors que le secteur a pour habitude de travailler sur les salons. Nous pensons être dans le vrai, car les acheteurs ont des comportements différents nécessitant beaucoup de conseils. Ils recherchent un accès facile aux consommables. Il s'agit de reprendre des bonnes pratiques mais pas d'appliquer un copier-coller des méthodes automobiles.
JA. Revenons à Renault, partenaire de votre groupe depuis un demi-siècle, cette année. Vous rapprocherez-vous de ces nouvelles filiales dédiées à la mobilité ?
VD. Renault nous a encore répété durant la dernière convention que le réseau est considéré comme un actif. Le constructeur croit en nous et nous prépare à affronter les nouvelles stratégies de distribution. Nous faisons donc le choix de nous renforcer au travers des services proposés par Renault. Nous allons donc jouer la carte Mobilize aussi bien pour les solutions de mobilité partagée que de recharge des véhicules électriques.
Nous aurons fondamentalement besoin de bornes pour développer l'activité de location courte durée à l'avenir
JA. Cela veut dire que vous disposerez prochainement d'emplacements pour les conducteurs de voitures électriques ?
VD. En effet, nous avons identifié deux de nos concessions, celle de Dole (39) et celle de Bellegarde (01), pour investir le long des autoroutes A36 et A40. Nous les équiperons de bornes de charge rapide en mettant notre terrain à disposition de Mobilize Power Solutions.
JA. A quoi pensez-vous ?
VD. Avec Mobilize Power Solutions, la stratégie de Renault est simplement géniale. Et nous voulons lui donner toute sa dimension en créant un véritable espace de vie. Raison pour laquelle nous avons déjà pris contact avec un partenaire potentiel pour développer de la restauration. En fait le modèle économique veut que nous soyons les bailleurs du terrain pour Mobilize. Toutefois, nous voudrions pouvoir nous y associer et mettre en place les moyens de générer du chiffre d'affaires auprès de clients locaux réguliers et non pas principalement avec des conducteurs en itinérance.
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JA. En ferez-vous de même avec Volkswagen qui invite aussi son réseau à participer au maillage du territoire ?
VD. L'approche technique est différente. Là où Renault emploie des batteries de Zoé en fin de premier cycle pour faire du stockage d'énergie, chez Volkswagen, nous sommes sur un schéma plus traditionnel qui implique une maîtrise d'œuvre et donc de plus lourds investissements. A Lons-le-Saunier (39), par exemple, la configuration de notre site nous limitera à une puissance de 50 kilowatts car nous sommes trop loin du nœud de raccordement pour avoir une intensité plus forte d'énergie.
JA. Estimez-vous que les bornes sont devenues d'une importance stratégique pour un groupe tel que le vôtre ?
VD. Oui, nous en aurons fondamentalement besoin pour développer l'activité de location courte durée à l'avenir. En électrifiant la flotte de véhicules que nous exploitons, nous complexifions la logistique. Il nous faudra plus de bornes pour charger les véhicules et les remettre à disposition le plus rapidement possible. Cela implique, et nous le sous-estimons trop souvent chez les concessionnaires, une réorganisation des équipes et des méthodes de travail. Autant de sujets sur lesquels nous nous penchons actuellement pour préparer notre montée en régime.
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