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Distribution

Grande évolution dans la distribution de véhicules de loisirs

Publié le 28 septembre 2022

Par Christophe Bourgeois
6 min de lecture
Entre une accélération du regroupement des distributeurs et l'intérêt grandissant des acteurs de l'automobile, le secteur du véhicule de loisirs se structure indubitablement. Présentation des enjeux à l'occasion de la grand-messe qui se tient au Bourget (93).
Le groupe Trigano dispose d'une vingtaine de marques (ici Chausson) et se lance dans la distribution de véhicules de loisirs avec le label Libertium.

A l'instar de la distribution automobile, le véhicule de loisirs se lance dans une phase de concentration, inédite. En 2021, le groupe Trigano, leader européen du camping-car avec un chiffre d'affaires de 3,2 milliards d'euros sur l'exercice décalé 2021-2022, a en effet racheté à hauteur de 70 % les trois plus importants distributeurs de véhicules de loisirs, CLC (Est et Nord de la France), SLC (Pays-de-la Loire) et Loisiréo (Sud-Ouest). Ces derniers, employant environ 800 personnes, disposent de plus d'une quarantaine de points de vente et ont réalisé un chiffre d'affaires de 400 millions d'euros.

 

Il y a quelques mois, Trigano est passé à la vitesse supérieure en créant une enseigne unique, Libertium. Elle regroupe non seulement ces trois distributeurs, mais également quelques acteurs déjà intégrés. Cela représente un réseau de 1 000 personnes et de 50 points de vente, soit plus de 10 % de la distribution de véhicules de loisirs réunie sous un même label. Avec cette stratégie, Trigano lui-même fabricant d'une vingtaine de marques en Europe, devient dès lors un distributeur de marques concurrentes. C'est un peu comme si les succursales Renault se mettaient à commercialiser des Peugeot neuves.

 

Le stand Libertium au salon du véhicules de loisirs du Bourget (93).

 

Cette situation a beaucoup inquiété la profession, aujourd'hui assez morcelée. "Il existe environ 450 distributeurs de véhicules de loisirs sur tout le territoire, présente Pierre Rousseau, président du constructeur Rapido, et président du syndicat UNI-VDL, organisateur du salon du Bourget qui fermera ses portes le 2 octobre 2022. Ces derniers sont tous multimarques et réalisent en moyenne un chiffre d'affaires compris entre 10 et 15 millions d'euros, ce qui représente environ 250 VN et VO, ce à quoi il faut ajouter l'accessoire."

Intérêt de l'automobile

 

Cette nouvelle donne se rapproche peu ou prou de la vision qui commence à s'imposer dans la distribution automobile, à savoir une seule enseigne pour plusieurs marques. Emil Frey France avec Autosphere en est un parfait exemple. Cela semble également être la volonté du groupe BYmyCAR de faire de son nom une enseigne à part entière. Preuve en est l'apparition de l'appellation du groupe sur les frontons des concessions.

 

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A cette concentration récente et à cette main mise d'un fabricant sur la distribution, s'ajoute également un intérêt de plus en plus fort de la part des distributeurs automobiles qui cherchent à se diversifier dans  ce secteur d'activité. Selon nos informations, qui n'ont pu être confirmées, le groupe Gueudet se serait porté candidat pour  mettre la main sur un important concessionnaire de véhicules de loisirs, le groupe Jacqueline. Originaire de Caen (14), ce dernier dispose de six points de vente en Normandie et à l'est de la Bretagne et distribue plus d'un millier de véhicules.

 

Si cette transaction est menée à bien, elle confirme cet intérêt croissant. L'un des acteurs les plus importants dans ce domaine est le groupe Gerbier qui a acheté depuis une décennie des concessions de camping-cars. Aujourd'hui, il est à la tête d'un réseau d'une dizaine d'adresses qui distribuent 1 500 véhicules de trente marques différentes, dont la moitié en occasion. Ses points de vente sont répartis dans l'est de la France, la région Rhône-Alpes et en Auvergne. En juin dernier, il s'est éloigné de ses terres pour reprendre un acteur en Normandie, Auto Camping-Car Services, installé sur trois sites dans le Calvados.

 

Une rentabilité entre 3 et 4 %

 

Vu de l'extérieur, la distribution du véhicules de loisirs peut faire rêver bon nombre de concessionnaires. D'autant que la rentabilité n'a rien à voir avec celle de l'automobile. Selon nos informations, elle oscille entre 3 et 4 % net. "Notre secteur a connu un boom très important au sortir de la pandémie, explique Pierre Rousseau. Sur la saison 2021/2022, il s'est vendu 24 700 véhicules. Certes, c'est une baisse de 17 %, mais elle est totalement artificielle. Elle est principalement liée au manque de châssis."

 

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Comme dans l'automobile, les constructeurs de porteurs n'arrivent pas à fournir les bases sur lesquels les fabricants de camping-cars posent leurs aménagements. "Si l'on s'appuie sur les carnets de commandes, nous devrions être sur un marché d'environ 30 000 unités", calcule Pierre Rousseau. Mais aujourd'hui, les délais de livraison dépassent les douze mois, voire plusieurs années sur les liners, de gros véhicules très luxueux. Une partie des modèles 2022 qui auraient dû être livrés, et donc, immatriculés en juillet 2022, ne le seront que début 2023, ce qui créé tout un décalage dans le marché qui fonctionne par collection saisonnière, un peu comme la mode.

 

Fiat en perte de vitesses

 

Cette situation inédite a chamboulé dès lors la part de marché des constructeurs automobiles. Fiat qui, jusqu'à présent, couvrait près de 70 % de pénétration sur le marché des porteurs, est tombé de 40 %, soit une pénétration de "seulement" 44 %. Cette chute profite à d'autres acteurs comme Citroën (+25 % ; pdm de 17 %), Ford (+ 12 % ; pdm :de 16 %) et Renault (+38 % ; pdm de 6 %), pour ne citer que ces marques.

 

Devant ce un marché en pleine mutation, Pierre Rousseau alerte néanmoins les distributeurs automobiles qui lui formulent tant de demandes. "En tant qu'investisseur, reprendre une concession de véhicules de loisirs peut être une bonne source de diversification, mais il s'agit de deux métiers différents, rappelle-t-il. Un camping-car est une maison sur roue, pas un moyen de transport. Se lancer dans ce marché ne peut fonctionner que si l'investisseur met en place des structures et des équipes dédiées et spécialisées". Et de poursuivre sa mise en garde :"prendre un panneau d'un fabricant de van ou de fourgon, les deux carrosseries qui ont le vent en poupe, car elles représentent 50 % de part de marché du VDL, et mettre des véhicules dans un hall est voué à échouer."

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