Groupe Peyrot : la fraternité pour durer
"Solidarité, continuité et pugnacité", trois mots qui pourraient figurer sur le blason d’une vieille famille audoise chaurienne. En terre occitane, ce genre de devises n’est pas que l’apanage des Cathares, c’est aussi celui de Robin et Rémi Peyrot. Mais ici, point de partage salique, puisque les deux frères dirigent le groupe de distribution officiellement depuis 2005, sous une bannière en forme de losange.
Depuis leur forteresse, située dans la concession de l’avenue Monseigneur‑de‑Langle à Castelnaudary (11), ils s’appuient sur une équipe de 678 fidèles soldats répartis dans un domaine de 36 points de vente postés aux quatre coins de la quasi‑totalité de la région Occitanie. Au sein du réseau Renault, pas moins de sept groupes sont dirigés par la troisième génération et le groupe Peyrot en fait partie.
"Je dois supporter mon frère depuis 2005…", lance de manière facétieuse Robin Peyrot à son frère qui lui répond avec un sourire complice. Malgré la différence dans leur parcours professionnel, ils n’ont aucune difficulté à se partager les tâches. Toutes les décisions du groupe ne sont prises que si les deux trouvent un accord.
Sur la répartition des rôles, "chacun fait ce qui lui plaît et tout le monde a le nez partout, résume Robin Peyrot, le benjamin et le président du groupe. Je nous estime "touche‑à‑tout"". "Mais nous nous référons toujours à nos forces vives avant de décider. Ce qui nous permet de travailler de façon homogène sur plusieurs marques et services, précise Rémi Peyrot, l’aîné et le directeur général du groupe. Néanmoins, nous ne sommes pas intrusifs car nous avons des directeurs ou encore des managers de marque, mais nous les suivons dans à peu près tous les segments. Si les affaires marchent bien, nous laissons faire, mais s’il y a des choses à améliorer ou des convictions, nous intervenons."
Une manière d’agir surprenante au regard des chiffres et de la taille du groupe qui figure à la 46 e place de notre Top 100 des groupes de distribution. "Nous fonctionnons comme une PME. Cela se voit avec nos équipes. Nous connaissons beaucoup de monde. Sans être trop paternalistes et empathiques, nous sommes au courant de beaucoup de choses en local et en interne", expliquent les deux frères.
Au niveau de leurs salariés, ils attachent une grande importance à ce que les équipes des différentes concessions soient originaires du coin. Un moyen pour le distributeur de créer une relation de proximité avec ses clients et de fidéliser ses équipes.
Mettre un peu de rugby dans son business
Sud‑Ouest oblige, l’ovalie prend une place très importante dans l’univers du groupe Peyrot. Les deux frères sont des passionnés par ce sport qu’ils ont pratiqué. Une passion qui s’affiche dans leur bureau avec deux maillots du Castres Olympique. Pour le distributeur occitan, le rugby ne se joue pas seulement sur le terrain, mais aussi dans ses concessions.
"Nous reproduisons dans l’entreprise ce que nous avons connu au rugby. Il s’agit d’un sport dans lequel la solidarité prime, insiste Rémi Peyrot. Nous nous entraidons. Ce que nous aimons dans ce sport, c’est ce mélange de genres. C’est comme dans le monde de l’entreprise. Il faut que nous soyons unis pour parvenir à un même objectif. C’est quelque chose de vital."
Une passion pour les deux frères qui les amènent à utiliser le rugby comme mode de communication. Leur groupe soutient donc près de 35 clubs dans la région. Un support pour des équipes populaires, comme le Castres Olympique, mais aussi moins médiatiques, à l’image d’équipes de rugby à sept et à treize, en passant par le rugby féminin. Fabien Pelous, ex‑joueur du XV de France, est même leur ambassadeur Nissan.
"Au‑delà de l’aspect communication, c’est un état d’esprit. Nous le faisons parce que nous aimons ça", dit affectueusement Rémi Peyrot. Un état d’esprit qui se réveille lorsqu’il s’agit de parler de la relation que les deux frères entretiennent : "Entre mon frère et moi, quand il y a des mêlées, ça se chicane, mais après, ça joue toujours dans le même sens… dans le bon sens", ajoute‑t‑il.
De génération en génération
Avant d’être un groupe de distribution, il faut remonter dans le temps, en 1945. Joseph Franco, réfugié espagnol et mécanicien, lance son garage à Castelnaudary et signe son premier contrat de concessionnaire avec Renault. "Je ne sais pas pourquoi il a décidé de prendre la marque au losange", explique Rémi Peyrot.
En plus des voitures particulières, la concession de Castelnaudary avait la particularité de commercialiser aussi des tracteurs. "À la sortie de la guerre, pendant un certain temps, notre grand‑père en vendait davantage que des voitures, mais ça s’est très vite inversé", se remémore Robin Peyrot. Une activité que le groupe de distribution a gardée jusqu’en 1994. "Jusqu’à cette date, la concession de Castelnaudary était la dernière de France à vendre à la fois des tracteurs et des voitures", renchérit le président du groupe.
Après avoir passé près de 22 ans à la tête de son affaire, Joseph Franco prend la décision de s’arrêter. Il cède les rênes à son gendre : Claude Peyrot. Ce dernier a intégré la concession en 1962, où il travaillait sur la partie commerce, en famille, avec sa femme. "Nous avons été marqués par notre père. C’était quelqu’un de pugnace et d’hyperopiniâtre. Ça, il nous l’a transmis. Quand c’est dur, nous ne lâchons jamais et nous essayons toujours de trouver des solutions. Nous sommes très accrocheurs et cela fait notre réputation au niveau local", précisent les deux frères, le regard nostalgique.
Derrière eux, dans le bureau, il est possible d’apercevoir le portrait de Claude Peyrot en train de serrer la main du PDG de Renault de l’époque et au‑dessus de celui‑ci, une affiche de la série télévisée Au nom de la loi avec Steve McQueen dans le rôle de Josh Randall. Un clin d’oeil : "Quand mon père avait 20 ans, tout le monde l’appelait Josh Randall… Alors, j’ai voulu perpétuer le truc", souligne Robin Peyrot. Une affiche d’autant plus symbolique que le bâtiment, dans lequel le bureau se situe, a été inauguré en 1972 par son père. En effet, ce dernier a déménagé les concessions du centre‑ville pour les installer en périphérie de Castelnaudary.
L’émergence d'un groupe de distribution
Jusqu’alors, le groupe Peyrot n’était encore que la concession Peyrot. Mais à partir des années 1990, la première acquisition a lieu. Ainsi, en 1992, Claude Peyrot reprend un point de vente Renault à Revel (31). "Notre père n’avait pas forcément l’objectif d’étendre l’entreprise, c’est surtout une question d’opportunité à la base, tient à préciser Rémi Peyrot. Par rapport aux autres distributeurs autour de nous, nous étions parmi les derniers à établir un groupe."
En parallèle, Robin Peyrot rejoint son père en 1993 après des études de commerce et un passage au sein d’une concession Renault. "J’ai été en quelque sorte programmé pour prendre la relève. Si mon père ne m’a pas poussé à poursuivre dans ce domaine, en revanche, il me le faisait comprendre. Il me disait : "Ce sera toi qui reprendras le garage." Je ne sais pas trop pourquoi il disait cela. En tout cas, nous pouvons être fiers qu’il y ait une continuité, d’une génération à l’autre", précise Robin Peyrot.
Nous pouvons être fiers qu’il y ait une continuité, d’une génération à l’autre Robin Peyrot
Tout s’accélère à l’orée du XXIe siècle. Dans un premier temps, le groupe s’associe avec Jean‑Claude Noyer, directeur de concessions ariégeoises à Foix, Pamiers et Lavelanet (09), ce qui agrandit le groupe. Puis, après avoir passé 15 ans en tant qu’ingénieur informatique à Toulouse (31), Rémi Peyrot prend la décision de rejoindre son père et son frère dans l’affaire familiale. Le groupe se scinde donc en deux parties : la première, les Pyrénées nord, pilotée par Robin et Claude Peyrot, et la seconde, les Pyrénées sud, pilotée par Rémi Peyrot et Jean‑Claude Noyer.
Dans le même temps, une nouvelle concession Renault s’ajoute au portefeuille de la famille, située à Saint‑Girons (09). Voyant le groupe entre de bonnes mains et s’agrandir, quelques mois plus tard, Claude Peyrot prend sa retraite.
Une fidélité au groupe Renault
Concernant la marque, la famille Peyrot a juré fidélité à Renault. "Nous sommes sur un partenariat à 100 %. Nous travaillons avec la marque et avec la captive, nous sommes très fidèles. Nous ne faisons pas de "one shot" ni de coups à côté", assure Robin Peyrot. Une fidélité qui s’étend aussi à leurs fournisseurs. "Nous avons des contrats qui ont près de 30 ans avec certains. Même s’il y en a qui partent chez la concurrence, nous restons, car nous avons atteint l’équilibre, soutient Rémi Peyrot. Dans la durée, nous nous y retrouvons. Nous ne sommes pas au moins‑disant, nous sommes au mieux‑disant."
Il ajoute : "Mon père déclarait : "Quand on va chez le boulanger du coin, on s’en fout de la qualité du pain. Ce qui compte, c’est la réciprocité. Peut‑être qu’à un moment, le litre d’huile sera un peu plus cher qu’ailleurs, mais ce n’est pas ça le problème, le plus important, c’est que nous puissions compter sur nos fournisseurs, comme eux peuvent compter sur nous"."
Dans cette logique de fidélité, le groupe suit les mouvements de l’Alliance Renault‑Nissan et devient, en 2003, concessionnaire de la marque nippone dans l’Ariège et à Saint‑Gaudens (31). Et depuis, les intégrations se multiplient. Entre 2008 et 2010, le distributeur occitan reprend les sites Renault Nissan de Castres Mazamet (81) et la concession Renault de Saint‑Gaudens. Avant cela, en 2005,
leur associé, Jean‑Claude Noyer, se retire et les deux frères sont dorénavant pleinement les dirigeants du groupe.
À partir de 2013, en plus des panneaux Renault, Nissan, Dacia et Alpine, Robin et Rémi Peyrot se tournent vers Hyundai et créent un point de vente à Pamiers (09). Ils poursuivront leur entente
avec la marque sud‑coréenne en reprenant en 2021 les concessions Hyundai de Carcassonne (11) et Cahors (46). Une excursion du groupe occitan du côté des marques asiatiques qui aboutit en
Chine, avec la création de trois concessions MG dans la banlieue toulousaine en 2021 et de deux nouveaux points de vente MG à Brive‑la‑Gaillarde (19) et Castres (81) en 2022.
"Nous ne considérons pas ça comme de l’infidélité. Nous avons choisi ces marques car à certains endroits, nous avions du mal à rentabiliser notre installation immobilière et qu’il fallait amortir notre outil, ce que nous n’arrivions pas à faire avec nos marques historiques. Donc, nous nous sommes ouverts, dans un premier temps, par obligation. Mais aujourd’hui, il y a un réel intérêt à représenter ces marques", précise Robin Peyrot.
Une synergie fraternelle
D’une concession chaurienne, les deux frères sont parvenus, en l’espace de 20 ans, à faire croître un groupe de distribution influent dans le Sud‑Ouest. En particulier en 2014, avec la création,
en association avec le groupe Didier, du centre Infiniti de Toulouse (31). Une entité qui permettra d’aboutir à la fusion des deux distributeurs Renault et de donner, aux deux frères Peyrot, un accès à la Ville Rose par la marque Nissan. Une création de marque VO et six acquisitions Renault plus tard, Dominique Didier part en retraite et laisse les deux frères avec un groupe de poids dans la région. Une évolution rapide dans la quasi‑totalité de l’Occitanie.
Néanmoins, si cette expansion est une véritable valeur ajoutée, ce n’est pas pour autant un objectif en soi. "Nous étions vraiment des outsiders. Face à d’autres concurrents, lorsque nous attaquions
des sujets de reprise, quelquefois, nous nous sentions petits. Jusqu’à ces derniers temps, nous ne faisions pas un Monopoly, mais jouions "quitte ou double"", explique Robin Peyrot. Son frère ajoute : "Nous ne voulons pas nous développer seulement pour dire que nous nous développons. Nous le faisons de manière cohérente, durable, pérenne. Cette cohérence passe par l’aspect géographique.
Nous ne nous éparpillons pas dans l’Hexagone."
Sans la présence de mon frère, je ne pense pas que je serais là Robin Peyrot
Cette synergie fraternelle, pour Robin et Rémi Peyrot, est essentielle pour inscrire le groupe dans la durée. "Sans la présence de mon frère, je ne pense pas que je serais là. C’est un métier stressant, fatigant, avec beaucoup d’enjeux… Et ça, c’est très fort", sourit Robin Peyrot. "Oui, c’est fort, renchérit Rémi Peyrot, nous partageons nos joies et nos peines et il faut avoir une façon de fonctionner. Au préalable, nous pouvons ne pas être toujours d’accord, mais à un moment donné, il faut que nous le soyons."
Si les deux frères comptent rester encore longtemps à la tête du groupe, il prépare leur succession. Le directeur général précise : "J’ai des filles qui ne sont pas particulièrement intéressées car elles sont dans d’autres métiers. Mais Robin, au niveau de l’opérationnel, prépare ses fils." Son frère renchérit : "Pour le moment, ils se font le cuir dans des concessions d’autres groupes. Ce sont deux univers et deux formations différentes… L’un est plus orienté commerce et l’autre est plus orienté finance." Deux frères à nouveau dans les starting‑blocks pour perpétuer l’héritage… Le groupe Peyrot a encore de belles générations devant lui.
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