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Voitures électriques : les différentes technologies de batteries, mode d’emploi

Publié le 8 octobre 2024

Par Robin Schmidt
9 min de lecture
LFP, NMC, sodium-ion ou solides… Les constructeurs se retrouvent aujourd’hui confrontés à un vaste éventail de technologies différentes pour les batteries de leurs véhicules électriques. Un véritable casse-tête qui se calcule en milliards d’euros d’investissements.

Face à l’arrivée massive des véhicules électriques, les constructeurs ont dû se confronter à une nouvelle problématique, qui était jusqu’alors plutôt éloignée de l’indus­trie automobile. Celle de la production de batteries électriques. La demande croissante de véhicules électriques sur le marché européen, et plus géné­ralement partout dans le monde, a en effet complètement rebattu les cartes.

 

Considérée comme le berceau de l’au­tomobile, l’Europe a ainsi vu émerger de nouveaux acteurs, mais aussi de sérieux concurrents avec, en tête, la Chine. Mieux préparée à la transition vers l’électrique, elle s’est donc rapide­ment imposée comme le leader mon­dial incontesté dans ce secteur grâce à son avance technologique, ses vastes capacités de production ou encore son accès aux matières premières.

 

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Néanmoins, la concurrence pour la fabrication de batteries entre l’Europe et la Chine s’intensifie à mesure que la demande mondiale de véhicules électriques augmente. L’Europe, avec ses politiques environnementales am­bitieuses et ses investissements mas­sifs dans les gigafactories, de parfois plusieurs milliards d’euros, espère dès lors rattraper son retard et s’imposer comme un rival prédominant.

 

De nombreux constructeurs eu­ropéens investissent de fait dans la production de batteries, en multi­pliant les projets d’usines sur le Vieux Continent. Sauf que tout n’est pas si simple… Car il existe aujourd’hui un bon nombre de technologies dif­férentes, rendant parfois le choix des investissements compliqué.

 

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Actuelle­ment, ce sont donc quatre principales solutions qui sont envisagées dans l’industrie automobile, à savoir les batteries LFP (lithium-fer-phosphate), NMC (nickel‑manganèse‑cobalt), sodium‑ion et, enfin, les batteries so­lides. Chacune présente ses avantages, mais aussi ses inconvénients, et la de­mande du marché peut évoluer plus vite que le temps nécessaire pour construire une gigafactory.

 

Une question est alors sur toutes les lèvres des constructeurs européens : quel type de batteries faut‑il mettre dans une voiture électrique ? La réponse à cette question semble parfois dif­ficile à trouver pour certains d’entre eux et apparaît alors comme un pari dont l’enjeu se chiffre à plusieurs milliards d’euros.

 

Lancée en 2022, la Renault Megane E‑Tech est alimentée par une batterie NMC. ©Renault

 

NMC, LFP, Sodium‑ION ou solide

 

Selon l’association Avere‑France, la batterie d’une voiture électrique est "un accumulateur qui transforme de l’énergie chimique en énergie élec­trique. L’énergie chimique est trans­formée en énergie électrique, lors des phases de décharge, et une petite partie en chaleur".

 

Les batteries sont consti­tuées de cellules et chaque cellule est elle‑même composée d’une cathode, d’une anode, d’un séparateur et d’un électrolyte, qui peut être liquide, so­lide ou semi‑solide. "Les batteries NMC et LFP font donc toutes les deux parties des technologies à lithium et fonctionnent avec une cathode posi­tive d’un côté et une anode négative de l’autre, ainsi qu’un électrolyte entre les deux afin de faire transiter les ions de lithium", explique Stéphane Henriot, responsable programme en charge de batterie et pile à combustible pour la mobilité à l’IFPEN.

 

En ce qui concerne les batteries sodium‑ion, le lithium va tout simple­ment être remplacé par le sodium, tan­dis que pour les solides, elles peuvent aussi bien fonctionner avec du lithium qu’avec du sodium, à la différence près qu’elles vont être composées d’un électrolyte solide.

 

Les batteries LFP et NMC sont, par ailleurs, celles qui sont les plus utilisées sur le marché. "La technologie sodium‑ion est, quant à elle, moins développée sur la partie au­tomobile, même si cela va venir, tandis que le tout solide, qui n’est pas encore standardisé aujourd’hui, est davantage considéré comme la technologie du fu­tur", précise Stéphane Henriot.

 

Actuellement, la plupart des projets d’usines de batteries en Europe, et précisément dans le nord de la France avec la fameuse "Vallée de la batterie", concernent la technologie NMC. On peut, par exemple, citer la gigafactory de Verkor située à Dunkerque (59), qui sera opérationnelle en 2025, ou encore celle de Prologium, également basée à Dunkerque et dont la première ligne de production a été inaugurée en début d’année.

 

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Toutefois, le marché, qui avait jusqu’alors pris un virage très orienté vers la technologie NMC, est en train de se rééquilibrer, et ce, au profit des batteries LFP. Un changement qui s’explique notamment par l’évolution de la demande des utilisateurs de VE, ces derniers privilégiant désormais un véhicule électrique moins cher, à un véhicule avec plus d’autonomie.

 

Une question de compromis

 

En effet, les différentes technologies ne présentent pas les mêmes atouts et certains acteurs de l’industrie auto­mobile hésitent encore sur leurs inves­tissements. "Lorsque nous regardons les différents types de batteries, nous sommes toujours dans un compromis entre la densité énergétique, qui va per­mettre de mettre plus de masse dans un même volume, le coût de la techno­logie, le temps de recharge, le vieillisse­ment et la sécurité", avance Stéphane Henriot.

 

Cette nécessité de réaliser un "compromis" en fonction des diffé­rents atouts de chaque technologie complique dès lors le choix des constructeurs automobiles. Ainsi, la technologie NMC offre, par exemple, une meilleure densité énergétique que la LFP, ce qui signifie qu’elle va pouvoir contenir plus d’énergie, dans un même volume et donc offrir une meilleure autonomie.

 

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Si une batterie LFP permet de réali­ser moins de kilomètres en un cycle de recharge, elle reste néanmoins nette­ment moins chère qu’une NMC, envi­ron 25 % de moins. "Nous pouvons donc penser qu’à l’avenir, il y aura une séparation entre les deux technologies, avec d’un côté, la LFP sur les petits véhi­cules moins chers du type citadines, tan­dis que la NMC sera plutôt sur les véhi­cules premium plus coûteux, avec un besoin de plus d’autonomie", souligne Stéphane Henriot.

 

De fait, des marques comme Dacia, Citroën ou MG Motor, qui ont pour vocation de proposer des véhicules moins chers, se dirigeront vers les batteries LFP, tandis que d’autres marques comme Renault ou les constructeurs premium tels que Mercedes‑Benz ou BMW privilégie­ront la technologie NMC.

 

Encore au stade de développement, les batteries solides, qui ont pour avantage de proposer une bonne autonomie, ainsi qu’un temps de recharge réduit, sont pour l’heure très peu utilisées.

 

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"Nous devrions à l’avenir avoir entre 3 et 10 % de batteries solides dans nos véhicules à l’horizon 2030, sachant que d’ici là, nous aurons besoin de trois à quatre fois plus de batteries qu’au­jourd’hui. Mais pour l’instant, elles sont encore trop chères et nous avons encore des problèmes de durabilité et de vieillissement. Le potentiel est là, mais il y a encore pas mal de barrières technologiques à franchir pour que nous soyons à une industrie de masse sur cette technologie, avance le res­ponsable programme en charge de batterie et pile à combustible pour la mobilité à l’IFPEN. Quant aux batte­ries sodium‑ion, leur intérêt est que le sodium est un matériau que nous trou­vons facilement dans la nature. Mais avec cette technologie, nous sommes sur des batteries puissantes. C’est‑à‑dire que vous allez avoir une forte accélé­ration dès le début et que vous allez pouvoir recharger très vite, mais l’auto­nomie va de son côté être très limitée."

 

Le recyclage des batteries

 

Enfin, la recyclabilité des batteries est également un aspect très important et qui doit être pris en compte par les constructeurs automobiles. L’Union européenne impose, en effet, certaines directives en matière de recyclabilité des batteries de VE, avec des régle­mentations qui obligeront les fabri­cants à recycler ou à réutiliser 65 % des matériaux présents en 2025, puis 70 % en 2030.

 

Ainsi, la technologie LFP, qui apparaît comme plus intéressante de par son prix, ne devrait pas si facilement tirer son épingle du jeu. "Sur les batteries LFP, il y a très peu de matériaux de valeur qui permettraient d’être valorisés et de rentabiliser le coût du recyclage. Donc, l’une des craintes des constructeurs automobiles, c’est que le recyclage coûte bien plus cher que ce qu’il ne rapporte réellement, car il fau­dra désormais intégrer dans le coût de la technologie, le coût du recyclage", dé­taille Stéphane Henriot.

 

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À l’opposé, la technologie NMC comporte bien plus de matériaux qui ont de la valeur. En revanche, le cobalt, un de ses consti­tuants, est considéré comme une res­source de plus en plus rare.

 

En parallèle de cela, les différents ac­teurs travaillent également sur la dé­montabilité des batteries. En effet, il est aujourd’hui économiquement plus avantageux pour un constructeur au­tomobile de jeter une batterie lorsque celle‑ci ne fonctionne plus, plutôt que de remplacer la cellule défectueuse. Alors que près de 80 % des cellules d’une batterie sont encore fonction­nelles lorsque cette dernière est chan­gée.

 

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"Dans une batterie, il faut que toutes les cellules soient bien soudées pour que les contacts soient bien solides. Cependant, quand vous soudez les cel­lules entre elles, cela rend le pack difficile à démonter et cela augmente donc considérablement le coût de démontage. Il y a ainsi pas mal d’entreprises qui travaillent sur la démontabilité des batteries, pour pouvoir désassembler les cellules et les tester rapidement, afin de pouvoir remplacer la cellule qui ne fonctionne plus par une nouvelle", té­moigne Stéphane Henriot.

 

Ainsi, si les acteurs de l’industrie auto­mobile se retrouvent aujourd’hui face à un vaste choix en termes de techno­logies de batteries, ces dernières appa­raissent davantage comme un véritable casse‑tête. Les constructeurs doivent, en effet, prendre les avantages et les inconvénients de chacune, en réalisant parfois un compromis sur l’autonomie ou le prix du véhicule électrique et ce, au détriment de l’utilisateur.

 

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Déter­minés à retrouver leur souveraineté et leur indépendance, les constructeurs européens hésitent néanmoins encore sur la technologie à privilégier, faisant parfois machine arrière sur leurs pro­jets et leurs investissements.

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