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Distribution

Bonus VO : le leasing l'emporte sur l'achat !

Publié le 14 février 2024

Par Gredy Raffin
5 min de lecture
Le changement de règles d'attribution des aides gouvernementales à l'achat d'un véhicule électrique d'occasion laisse pantois les distributeurs. Mais à y regarder de plus près, les nouvelles dispositions vont encourager la bascule vers le modèle locatif tant souhaité par les sociétés financières et les constructeurs.
Bonus VO électriques
Les aides à l'achat des voitures électriques d'occasion porteront sur le leasing. ©Nissan West Europe

Les distributeurs sont restés stupéfaits. Après la publication des règles d'attribution des aides gouvernementales, le 13 février 2024, ils n'ont pas compris le changement opéré pour les voitures électriques vendues sur les parcs de véhicules d'occasion. Le bonus octroyé aux clients devient un soutien au leasing. En plus d'être réservé dans le cadre d'un financement locatif, il devrait également être augmenté de 1 000 euros pour atteindre la somme de 2 000 euros. Sans que ce soit pour autant une certitude. Les services de Bercy n'ayant pas encore apporté de réelles précisions sur ce sujet.

 

"Je ne comprends pas sur quelle base se fera cette augmentation, interpelle le directeur VO d'un groupe majeur. Est-ce que cela veut dire que nous passerons à 2 000 euros", interroge-t-il. À peine avait-il pris connaissance du texte qu'il a interrogé le représentant de la captive de son constructeur sans pouvoir obtenir plus d'informations.

 

Son inquiétude est partagée par la tête de réseau d'une franchise de voitures d'occasion. Si le précédent bonus avait représenté peu de demandes de la part des clients, il n'empêche que le nouveau pourrait, selon le directeur général de l'enseigne, avoir plus de succès. "Nous ne voyons pas comment appliquer la mesure, ni comment contrôler l'accès aux aides", peste-t-il à la lecture des sites internet officiels.

 

"Le gouvernement pénalise le canal de démocratisation de cette motorisation", regrette un institutionnel. Une large partie de la communauté se range derrière lui, jugeant que la suppression du bonus sur les voitures électriques d'occasion, achetées cash ou à crédit classique, est un mauvais signal. "Il a été observé un arrêt des ventes de voitures électriques en Allemagne après la fin des aides, rappelle un mandataire. Quelques semaines plus tard, le leasing social a fait carton plein en France. Cela prouve que seul le prix constitue une barrière à l'achat des voitures électriques".

 

Maîtriser le risque d'impayé

 

En attendant une explication claire inscrite noir sur blanc, certains se livrent à des interprétations. Le montant devrait bien être réhaussé à 2 000 euros. Cela servira à diminuer le reste à charge pour les consommateurs. La somme ne sera plus défalquée du bon de commande en point de vente, mais versée à la société de financement qui restera factuellement propriétaire de la voiture.

 

Les distributeurs dépendront donc des organismes financiers. "Le risque d'impayé augmente en adressant une population moins favorisée. L'épisode du leasing social nous a montré que les dossiers peuvent être refusés", souligne un distributeur de voitures d'occasion indépendant.

 

A lire aussi : Xavier Horent (Mobilians) : "La fin brutale du bonus aux entreprises n'est pas un bon signal"

 

En effet, il n'est pas dit que les banques suivent massivement le mouvement. En jouant de prudence, elles pourraient retoquer des demandes jugées trop risquées. "Il n'y a pas que la solvabilité pendant la durée du contrat, explique un analyste, il y a aussi les frais de restitution à prendre en considération. Ils auront rarement les moyens de les régler".

 

Le secteur bancaire a réclamé des garanties. Il n'en saurait être autrement à leurs yeux. Comme pour les entreprises avec les PGE, l'État pourrait se porter garant pour ses citoyens au moment de souscrire un leasing subventionné. "Sans caution de l'État, je ne vois pas comment rendre pérenne le dispositif", appuie un revendeur.

 

Une baisse déguisée

 

Au lendemain des annonces, sur le fond, personne ne doute de la nécessité de la mesure. "La refonte complète du dispositif était une évidence, pense Jean-Michel Pinto, consultant chez Deloitte. Cela ne pouvait pas se limiter aux véhicules neufs. Dans une logique de cohérence, les voitures d'occasion devaient être concernées", explique-t-il, alors qu'il a travaillé le sujet pour un constructeur ces dernières semaines.

 

Il n'empêche que le concept fait débat. Provocateur, un distributeur soutient que la mesure tend à réduire le périmètre. "Je fais 40 % de pénétration en financement VO. 50 % de ce volume s'oriente vers du leasing. En considérant uniquement les électriques, la part tombe à bien moins de 20 % de ventes éligibles. J'y vois donc un moyen de baisser les aides sans le dire", conclut-il.

 

Après avoir été au rendez-vous des aides, l'État a-t-il souhaité raboter pour trouver des leviers d'économie ? Un institutionnel défend cette hypothèse et l'accepte en toute logique. "D'autant que la baisse des tarifs VN observée chez certains acteurs depuis quelques semaines aura un impact prochain sur les prix des VO", recontextualise Jean-Michel Pinto comme pour approuver la démarche.

 

Accélérer la transition... vers le modèle locatif

 

Les distributeurs ne seront pas les grands gagnants sur le long terme. Les clients qui apprécient posséder leur voiture vont être orientés vers le modèle locatif. Et à ce jeu, les banques, qu'elles soient indépendantes ou captives, tireront profit.

 

"Les constructeurs, notamment européens, veulent développer le leasing VO pour générer des revenus sur l’ensemble du cycle de vie du véhicule. Ce dispositif va probablement accélérer cette tendance, analyse le consultant de Deloitte. Les gens hésitent à acheter des voitures électriques par crainte de l'obsolescence technologique et l'usure des batteries. Le leasing est souvent le moyen de contourner le problème. Cela va lever leurs appréhensions".

 

A lire aussi : L'Avere s'intéresse au marché des voitures électriques d'occasion

 

Les volumes en jeu ne devraient pas être suffisamment élevés pour impacter le marché de la revente dans les grandes largeurs. Toutefois, le gouvernement, par cette réorientation de l'aide, valide le modèle d'affaires que les organismes financiers souhaitent appliquer de plus en plus, celui de la location VO.

 

Aurait-il fallu soutenir les voitures hybrides rechargeables ? Les avis divergent. Pour les distributeurs, cela aurait permis d'écouler des voitures à l'attractivité moindre. "L'autonomie des batteries s'est améliorée et des moteurs comme l'E-Tech de Renault acceptent l'E85. Les Français auraient compris leur intérêt économique", défend ce mandataire. "Nous perdons de l'argent sur ces voitures qui ont été subventionnées autrefois. Il aurait été logique de les inclure pour boucler la boucle", rebondit son confrère.

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