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Constructeurs

Xavier Martinet, Hyundai Europe : "Le continent européen doit prendre sa part dans la croissance mondiale de la marque"

Publié le 15 septembre 2025

Par Catherine Leroy
14 min de lecture
Hyundai a doublé sa part de marché en Europe ces quinze dernières années, en passant de 2 à 4 %. Mais pour le nouveau patron de la marque sur le continent européen, il reste du potentiel à exploiter dans les mois qui viennent. Xavier Martinet annonce le lancement de trois modèles sur le segment B avec des investissements sur l’électrique et le full hybrid.
Xavier Martinet Hyundai Europe
Xavier Martinet, PDG de Hyundai Europe, lors du salon IAA Mobility de Munich 2025. ©IAA Mobility

Le Journal de l’Automobile : Après huit mois à la tête de Hyundai Eu­rope, comment appréhendez‑vous vos nouvelles fonctions ?

Xavier Martinet : Ce qui est vrai­ment intéressant, c’est de travailler dans une entreprise différente de celles lors de mes autres expériences. En particu­lier, le fait de travailler pour une société dont le siège est situé dans une autre région que celle où l’on exerce. Cette configuration apporte son lot de défis, mais je trouve cela assez stimulant, avec de nouvelles perspectives. Quand j’ai accepté ce poste, j’étais convaincu qu’il y avait un grand potentiel à exploiter pour la marque Hyundai en Europe. Et j’en suis encore plus persuadé aujourd’hui. C’est excitant de faire partie de ce pro­jet, de participer à l’élaboration du plan d’action, d’adapter la stratégie globale à l’Europe et de développer des actions concrètes pour libérer ce potentiel. C’est un défi passionnant.

 

J.A. : Le groupe a présenté un plan stratégique en fin d’année dernière. Quelle est la part que doit prendre l’Europe dans ce dernier ?

X.M. : Le plan qui a été présenté l’an­née dernière pour le groupe Hyundai est avant tout un plan de croissance au niveau mondial, au niveau du périmètre Hyundai Motor Group, avec Hyundai, Genesis, mais également la marque sœur, Kia. Ce qui est intéressant de no­ter, c’est que le groupe est le troisième constructeur mondial en 2024. Troi­sième en termes de volume avec 7,2 mil­lions d’unités vendues et également sur le podium en termes de rentabilité. Il ne faut pas oublier que la marque Hyundai a été créée en 1967 et que le premier modèle est sorti en 1975. 50 ans plus tard, le groupe s’est agrandi, est devenu le troisième constructeur mondial. C’est assez remarquable en termes de dyna­mique. Nous sommes dans le top 3 aux États‑Unis, sur le podium également en Inde. Mais c’est vrai, en Europe, nous occupons la quatrième place. Notre ambition est justement de pouvoir du­pliquer en Europe cette croissance enre­gistrée sur les autres marchés.

 

 

J.A. : Comment cela va‑t‑il se traduire ?

X.M. : Nous voulons prendre notre quote‑part dans cette croissance. Faire le constat du potentiel de la marque est facile, tout comme écrire un plan. Maintenant, il va falloir passer à son exécution. Mais nous avons de belles opportunités, par exemple, sur le seg­ment B, où nous n’avons pas la même performance que sur le C, notamment avec le Tucson qui est une des références en Europe. Nous n’avons pas ces produits références sur le segment B aujourd’hui, mais nous travaillons dessus. Un plan produits extrêmement riche arrive dans les 24 prochains mois. De la même ma­nière, historiquement, nous avons privi­légié la clientèle des particuliers. Mais la structure du marché européen nécessite d’être présent sur l’ensemble des canaux de clientèle. Nous devons donc dévelop­per notre performance sur la clientèle des flottes. Ces deux exemples montrent que nous devons être plus ambitieux. Nous l’avons déjà été car Hyundai a doublé sa part de marché en passant de 2 à 4 % de­puis 15 ans. C’est à l’Europe aujourd’hui de prendre sa part dans cette croissance mondiale, comme les États‑Unis l’ont prise depuis 5 ans.

 

J.A. : Quels sont les objectifs fixés ?

X.M. : Je n’ai pas envie de donner de chiffres pour l’Europe. Le groupe a com­muniqué sur un total de 5,55 millions de véhicules au niveau mondial en 2030. Nous prendrons notre part non seule­ment à poids constant mais aussi avec une croissance dans le total. Mais plus que les chiffres précis, ce qui est important, ce sont les actions concrètes que nous allons lancer pour pouvoir justement atteindre cette croissance de façon saine.

 

J.A. : Cette croissance va‑t‑elle s’appuyer sur un nouveau plan produits ?

X.M. : Oui, trois modèles vont arriver dans le segment B dans les 24 prochains mois. Nous sommes également en train de développer une autre approche élec­trique. L’Inster a été lancé en début d’an­née. L’Ioniq 9 arrive au second semestre. Renforcer notre présence sur les seg­ments B et C, travailler le canal des flottes et l’électrification : ce sont les trois leviers assez classiques, mais fondamentaux pour le marché européen.

 

Renforcer notre présence sur les segments B et C, travail­ler le canal des flottes et l’électri­fication : ce sont les trois leviers assez classiques, mais fondamentaux pour le marché européen

 

J.A. : Le marché automobile européen fait face à une baisse importante des immatricula­tions et les volumes d’avant‑Covid ne sont toujours pas retrouvés. Quelle est votre analyse de cette situation, au regard des normes environnementales à respecter ?

X.M. : Le marché automobile en Europe est affecté par les exigences de CO2, mais nous gérons bien cette dimension tout en maintenant un bon équilibre entre les volumes de vente et les exigences envi­ronnementales. En observant le marché, on remarque deux groupes d’acteurs : ceux qui se concentrent sérieusement sur ces objectifs et ceux qui semblent moins engagés. Concernant Hyundai, nous res­pectons bien notre plan. Nous sommes légèrement en avance sur nos prévisions et notre part de marché reste stable par rapport à l’année dernière, malgré un lé­ger recul en Europe.

 

J.A. : Vous êtes donc en bonne voie pour ar­river à l’objectif de 2025. Avec l’arrivée de nouveaux produits électriques, pen­sez‑vous que l’objectif de 2026 sera également atteint ?

X.M. : Nous sommes en ligne avec notre plan. Tout se déroule comme prévu et nous devrions être capables de respecter nos objectifs sans pénalités à la fin de la période de trois ans. Nous avons toujours en­visagé d’atteindre ces objectifs année après année. Actuellement, nous sommes cen­trés sur notre plan pour 2025, ce qui nous permet de respecter nos engagements en matière de CO2. Nous verrons en fin d'année si nous pouvons prendre quelques libertés. Mais ce sera pour quelques grammes car nous faisons un pilotage très fin. Notre part de véhicules électriques est légèrement supérieure à celle du marché, à environ 17 % et notre objectif est d'accélérer cette adoption avec l’arrivée de nouveaux produits comme l’Inster, qui a reçu un accueil positif. En France, nous avons connu un démarrage plus lent dû à des retards administratifs pour l’homolo­gation de ce modèle en 5 places pour être éligible à l’écoscore environnemental. Ce qui est fait aujourd’hui. Les commandes sont au‑dessus de nos prévisions. Nous avons même demandé des productions additionnelles. Enfin, les premiers retours pour le SUV Ioniq 9 sont très intéres­sants avec des valeurs résiduelles assez élevées et une réception du produit par la presse et les premiers clients qui est d’un très bon niveau.

 

 

J.A. : Des discussions vont s’ouvrir prochaine­ment à Bruxelles pour préparer la clause de revoyure et l’objectif de zéro émission pour toutes les voitures neuves en 2035. Quelle est la position de Hyundai sur un assouplissement des règles européennes ?

X.M. : Il faut une réponse en deux temps. Tout d’abord, les objectifs actuels semblent trop ambitieux par rapport à la réalité du marché. En 2022, les experts prévoyaient que l’électrification représen­terait 31 % du marché européen en 2025. Et chaque année, ces prévisions ont été modifiées pour tomber à 21 %, toujours pour 2025. La réalité est que le marché n’est qu’à 16 %, ce qui est bien la preuve que la demande n’est pas au rendez‑vous. Ces objectifs ont été définis sur la base d’hypothèses qui ne se sont pas concréti­sées. Est‑ce que, finalement, ces derniers sont trop élevés ? La réponse est oui. Malgré cela, Hyundai continue de répondre aux exigences réglementaires en développant une gamme de véhicules électriques pour atteindre les objectifs de 2030. Et si 2035 signifie un marché entièrement électrique, nous y serons.

 

J.A. : Comment la marque Hyundai prévoit‑elle d’adapter sa stratégie technologique en fonction d’une évolution réglementaire ?

X.M. : Nous allons continuer d’investir dans les technologies nécessaires pour répondre à toutes les exigences, tout en restant flexibles selon les besoins du marché global. Le modèle mondial de Hyundai nous permet de propo­ser des solutions adaptées à différents marchés et de continuer à investir dans l’électrique, tout en répondant aux de­mandes spécifiques de chaque région. En Europe, nous devons investir dans l’électrique et l’hybride et sur d’autres marchés, dans d’autres types de techno­logies. En 2027, normalement, tous nos produits devraient avoir soit une offre hybride, full hybrid ou électrique.

 

Il faut voir à quel point les véhicules REEV apportent un TCO compétitif pour les clients. Clairement, ce n’est pas une solution pour 2025‑2026, mais à terme, pourquoi pas ?

 

J.A. : Qu’en est‑il de l’adoption des "range exten­ders" (REEV) pour améliorer l’autonomie des véhicules électriques. Hyundai envi­sage‑t‑elle cette technologie ?

X.M. : Le REEV est une technologie qui peut offrir un avantage en termes d’auto­nomie par rapport aux hybrides rechargeables. D’autant que les PHEV seront moins intéressants à cause de l’évolution de la réglementation sur l’homologation de ces véhicules. Mais les véhicules range extender comportent des coûts impor­tants, notamment en raison de la batterie plus grande et des technologies combi­nées. Nous sommes en train d’étudier cette option, mais pour l’instant, elle semble mieux adaptée aux segments su­périeurs qu’aux véhicules compacts et plus compatible avec certains marchés comme celui des USA, où il n’y a pas cette civilisation de la norme. Nous surveillons cette technologie pour d’autres marchés, y compris l’Europe, mais son adoption à grande échelle reste à évaluer en fonction des besoins des consommateurs et des coûts associés. Donc il faut voir à quel point, finalement, les véhicules REEV apportent un TCO compétitif pour les clients. Clairement, ce n’est pas une solution pour 2025‑2026, mais à terme, pourquoi pas ? Nous décidons en 2025‑2026 les technologies pour juste­ment aller chercher les objectifs de baisse des émissions en 2030. Donc c’est extrê­mement important d’avoir une visibilité assez rapide, en fait, de la Commission européenne pour savoir si on confirme ou on infirme les objectifs pour 2030.

 

J.A. : Où sont positionnés les sites de production Hyundai pour les marchés européens ?

X.M. : Pour l’Europe, nous faisons appel à deux sites de production : en Turquie et en République tchèque. La Turquie a d’ail­leurs accueilli la première usine Hyundai non coréenne en 1997. Le site, en Répu­blique tchèque, a été inauguré en 2007. En 2024, par exemple, sur l’ensemble de nos ventes dans le périmètre que je couvre, y compris l’Angleterre et la Turquie, 79 % des véhicules vendus provenaient de ces deux usines. Ce chiffre est certainement plus élevé que ce que beaucoup ima­ginent. Cette année, ce pourcentage a légèrement diminué en raison du succès de l’Inster, qui provient de Corée. En ré­sumé, plus de sept voitures Hyundai sur dix vendues dans notre périmètre européen, qui inclut donc la Turquie et l’Angleterre, sont issues de nos usines en République tchèque et en Turquie.

 

J.A. : Sont‑elles à pleine capacité ?

X.M. : L’an dernier, nos usines fonc­tionnaient à pleine capacité. Cette an­née, ce sera le cas de notre site turc, mais pas de celui en République tchèque. Cela est dû à l’optimisation des volumes en fonction des émissions de CO2 que nous devons respecter.

 

J.A. : Que pèse la France, pour Hyundai, dans le marché européen ?

X.M. : Actuellement, si l’on inclut la Turquie dans les chiffres, nous sommes un peu en dessous de 10 %, mais en ré­alité, nous restons autour de 8 %. Nos deux priorités aujourd’hui sont l’Alle­magne et l’Angleterre, ce sont les deux marchés où nous vendons le plus en Eu­rope. Le marché français est un peu plus compliqué pour nous, notamment en raison de certaines mesures de calcul de l’écoscore, qui ne favorisent pas les véhi­cules électriques produits loin des fron­tières. D’ailleurs, on peut se demander quelle est la véritable motivation derrière son mode de calcul, puisque certaines productions lointaines sont exclues, peu importe le pays de fabrication. C’est un peu regrettable, mais nous verrons comment cela évolue. Nous souhaitons progresser en Europe et avancer dans tous les marchés. Quant à savoir si le poids de la France va augmenter, cela dépendra de ce que nous réussirons à accomplir ici et ailleurs.

 

 

J.A. : La présence des constructeurs chinois s’ac­célère sur le marché européen, avec des prix compétitifs. Quelle est votre approche face à cette concurrence ?

X.M. : Il est important de noter que les constructeurs chinois arrivent avec des stratégies variées. Certains se concentrent sur des technologies classiques de motorisation thermique à prix bas. Cette première catégorie est dangereuse à court terme car ils arrivent en achetant des parts de marché en Europe. D’autres, sont plutôt orientés vers l’électrique et proposent des modèles plus chers. La menace se place donc plutôt à moyen terme. Dans tous les cas, nous prenons cette concurrence très au sérieux. Mais nous ne sommes pas fatalistes car Hyun­dai dispose de nombreux leviers pour leur répondre. La marque, avec sa large gamme de produits et son fort réseau mondial, est bien positionnée pour faire face à cette pression. Le plus important pour nous est d’améliorer constamment notre marque, nos produits et la qua­lité de nos services. La compétition ne concerne pas seulement les véhicules, mais aussi l’expérience client, que ce soit en vente ou en après‑vente.

 

J.A. : Quelle est la stratégie concernant les rela­tions entre le groupe et son réseau sur le terrain ?

X.M. : Nous croyons que notre modèle de distribution, basé sur un partenariat solide avec les concessionnaires, est un atout majeur dans cette compétition. Nous nous sommes toujours opposés au modèle d’agent. C’est même une convic­tion personnelle. Un de nos axes straté­giques est le renforcement du rôle du ré­seau et de le faire monter en compétence et en professionnalisme. La profitabilité de nos réseaux n’est pas extraordinaire mais elle est relativement stable. La France, en revanche, ne fait pas partie des marchés les mieux orientés en termes de rentabilité réseau, c’est vrai.

 

J.A. : En France, la question des valeurs rési­duelles (VR) des véhicules électriques pose problème. Les loyers bas permettent un ac­cès à l’électrification, mais au prix de pertes colossales pour certains distributeurs. Comment Hyundai aborde‑t‑elle ce défi ?

X.M. : Les valeurs résiduelles sont un élément clé du business automobile. Cependant, elles peuvent poser des pro­blèmes, surtout pour les véhicules élec­triques qui ont été initialement suresti­més. Ce n’est pas une nouvelle stratégie pour Hyundai, mais plutôt une réponse aux conditions du marché. Notre ap­proche reste centrée sur une gestion prudente de ces valeurs résiduelles. Le partenariat avec notre réseau est crucial dans ce contexte. Si nous ignorons les difficultés rencontrées par nos distribu­teurs, cela peut nuire à notre croissance. Il est essentiel de maintenir un équilibre dans la répartition des coûts et de soute­nir notre réseau dans ce moment difficile pour qu’il puisse à la fois gérer les véhi­cules neufs et d’occasion. Notre stratégie repose sur la collaboration étroite entre le constructeur et les concessionnaires pour traverser cette période ensemble.

 

 

J.A. : Genesis arrive en France cette année. Le réseau de distribution se constitue. Quelles sont les attentes vis‑à‑vis de cette marque ?

X.M. : Juste deux chiffres : l’an dernier, nous avons vendu 75 000 Genesis aux USA et 2 500 en Europe. Ce ratio n’est pas normal. Nous avons encore beau­coup de travail pour que la marque progresse. Pour l’instant, nous l’avons lancée en Suisse, en Allemagne et en Grande‑Bretagne. Nous avons annon­cé la première vague de déploiement avec la France, l’Italie, l’Espagne et les Pays‑Bas. Notre volonté est de couvrir l’ensemble du marché européen avec la marque. Nous sommes persuadés que Genesis, malgré la concurrence, peut, par son approche en termes de produits, aux frontières entre le premium et le luxe avec un focus sur la notion d’hospitali­té très chère aux Coréens, séduire une partie des Européens. On fournit à nos clients un service exceptionnel en vente et en après‑vente. Nous sommes prag­matiques et le réseau sera limité dans un premier temps car nous voulons nous assurer de la rentabilité économique. C’est un plan à dix ans et clairement, nous préférons que nos partenaires du réseau investissent dans Genesis plutôt que dans d’autres marques.

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