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Constructeurs

Stellantis et Volkswagen seront-ils pénalisés par le nouveau barème CO2 des PHEV ?

Publié le 26 juin 2024

Par Nabil Bourassi
5 min de lecture
L'Europe va changer le mode de calcul des émissions de CO2 des hybrides rechargeables pour qu'il coïncide mieux avec la réalité de leurs usages. Cette mesure favorisera les full hybrid, une aubaine pour Renault et Toyota. Mais pour Stellantis et Volkswagen, qui ont beaucoup misé sur le PHEV, c'est un coup de massue.
barème C02 PHEV
Le Peugeot 3008 disponible en hybride rechargeable pourrait être pénalisé par la nouvelle réglementation CO2 sur les PHEV. ©Peugeot

L’information était passée sous les radars, jusqu’à ce qu’elle soit relevée par un article des Échos. En 2025, le mode de calcul des émissions de CO2 des hybrides rechargeables (PHEV) sera revu à la hausse. Il s’agit de mieux représenter la réalité de cette technologie très décriée par les ONG qui, lorsqu’elle n’est pas rechargée, consomme beaucoup de carburant en raison du poids des batteries. De nombreuses études ont démontré que les usagers de PHEV ne rechargent que très peu leur batterie…

 

Les PHEV vont sortir des objectifs CAFE

 

D’après nos confrères des Échos, une BMW X1 PHEV passerait ainsi de 45 grammes à 96 grammes de CO2 par kilomètre en vertu du nouveau barème. Autrement dit, le petit SUV de la marque premium allemande sortirait des objectifs CAFE. En 2027, son bilan carbone atteindra même les 122 grammes.

 

"Il y a une vraie rupture à venir, car les entreprises comptaient sur les PHEV pour atteindre leurs objectifs de verdissement", admet Nicolas Le Bigot, directeur des affaires environnementales et techniques de la PFA. "Si avec la nouvelle réglementation, les PHEV dépassent les 50 grammes de CO2 par kilomètre, ils ne pourront plus être considérés comme des leviers de verdissement des flottes".

 

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Les flottes automobiles ont longtemps été moteur pour le marché des PHEV. Ces derniers permettaient aux entreprises de remplir leurs objectifs de baisse du bilan carbone, tout en profitant de réductions fiscales et des bonus.

 

Sauf que, peu à peu, les gouvernements ont baissé leurs aides aux PHEV, avant de les annuler pour privilégier les full hybrid (HEV) et les 100 % électriques (BEV). 

 

"La question ne se posera réellement qu’en 2026, puisque la réglementation ne s’appliquera qu’aux nouveaux types de modèles. Donc les modèles en production ne sont pas concernés… Mais la question se pose d’ores et déjà pour les constructeurs automobiles qui produiront leur gamme en 2026", rappelle Nicolas Le Bigot.

 

Ruée vers le full hybrid ?

 

Les flottes de société pourraient donc se rabattre sur les ful hybrid pour ne pas trop alourdir leur bilan carbone. Une véritable aubaine pour Toyota, qui en est le spécialiste mondial. Le constructeur japonais a équipé toute sa gamme de cette technologie, des plus petits modèles (Yaris) aux plus gros (RAV4, Highlander). Renault pourrait également tirer son épingle du jeu parce qu’il a également misé sur le full hybrid

 

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Mais, cette nouvelle réglementation est une véritable catastrophe pour les groupes Volkswagen et Stellantis qui ont fait l’impasse sur cette technologie. Ils se positionnent sur les deux bouts du spectre : les PHEV donc, les hybridations légères (MHEV) et les 100 % électriques. 

 

Chez Volkswagen, on annonce l’arrivée d’un full hybrid sur le Taïgo en 2025, avant d’autres modèles. Mais le groupe allemand ne prévoit pas de renversement stratégique en la matière. 

 

Même réponse chez Stellantis où l'on assume de faire l’impasse sur cette technologie. Le groupe franco-italo-américain préfère se concentrer sur sa gamme MHEV et BEV. D’ailleurs, les gains en CO2 sur les full hybrid ne suffiront pas à atteindre les objectifs CAFE. Une Toyota Yaris full hybrid émet de 87 à 98 grammes de CO2 par kilomètre. 

 

Oui, mais voilà… En 2023, les hybrides rechargeables ont représenté 9 % des ventes de voitures neuves en France, soit 163 000 immatriculations, d’après les données de AAA Data.

 

Des opportunités, mais pas de bouleversement du marché

 

Pour Guillaume Crunelle, directeur associé chez Deloitte et spécialiste de l’industrie automobile, "la bascule sur les full hybrid ne va cependant pas changer fondamentalement les termes du marché. Ce sera des opportunités commerciales qui ne justifieront probablement pas de développer une gamme full hybrid à partir de zéro".

 

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Il juge toutefois que ce changement de réglementation pourrait accélérer le déclin des PHEV. "On estimait l’avenir des PHEV à 10 % du marché dans les années à venir avec une baisse tendancielle de 2 % par an environ. Il est probable que ce soit beaucoup plus rapide que cela", explique-t-il.

 

L’autre sujet réside dans l’impact sur la valeur résiduelle des voitures. Pour Nicolas Le Bigot, rien ne permet de dire qu’il sera significatif. "La valeur résiduelle dépend de la perception du consommateur final de la perte de valeur CO2. C’est une donnée qu’on ne maîtrise pas", avance-t-il.

 

Moins de PHEV, plus de BEV ?

 

Pour Guillaume Crunelle, il est toutefois possible que ce changement de réglementation profite à la voiture électrique, en panne depuis plusieurs mois. "L’hybride était une technologie de transition. Le PHEV vivait jusqu’ici sur une ambiguïté réglementaire, fiscale et technologique. En revanche, il répond à des problématiques d’usage. Mais pour sauver le soldat voiture électrique, les autorités sont passées de la carotte au bâton", explique l'associé de Deloitte.

 

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Ainsi, Volkswagen, mais surtout Stellantis, espèrent qu’un retour des incitations aux voitures électriques, couplé aux resserrements douaniers sur les importations chinoises, leur permettra de stimuler leurs ventes de voitures électriques pour lesquelles ils ont investi des fortunes…

 

Les ventes de voitures électriques plafonnent depuis le début de l'année, mais elles ont représenté 17 % du marché du neuf en 2023. Seul Renault gagnerait sur tous les tableaux avec sa gamme de voitures électriques, là où Toyota a fait l'impasse.

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