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Constructeurs

Les prix des voitures neuves vont-ils enfin baisser ?

Publié le 21 février 2024

Par Catherine Leroy
9 min de lecture
Les tarifs des voitures neuves se sont une nouvelle fois envolés en 2023. Mais depuis le début de l’année, la baisse des prix est enclenchée. Le retour au monde d’avant-Covid avec la nécessité d’écouler la production débute en 2024.
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Les baisses de prix et les offres commerciales se multiplient, ce qui pèsera sans doute sur les résultats financiers de 2024. ©Stellantis

Un prix moyen de 35 474 euros en 2023. Acheter une voiture neuve n’a jamais coûté aussi cher. C’est presque 2 000 euros de plus qu’en 2022 et près de 8 000 euros supplémentaires sur la facture par rapport à 2019. L’augmentation des prix n’est pas qu’un sentiment mais bien une réalité pour les Français qui retardent toujours leur achat.

 

Malgré la hausse faciale du marché automobile 2023, la prudence est de mise. Car les immatriculations restent peu lisibles en étant tou­jours masquées par le rattrapage des livraisons des voitures non produites pendant la pénurie de se­mi‑conducteurs.

 

Le niveau des prises de commande est, en revanche, bien plus explicite. Selon Marc Bruschet, président des distributeurs automobiles chez Mo­bilians, "le niveau des commandes est très inquiétant. Ce dernier atteint 1 637 138 véhicules, soit 100 000 unités de moins qu’en 2020. Or, en 2020, nous avons connu trois mois de confi­nement qui pouvaient expliquer ce faible volume. Les commandes de 2023 se situent donc au niveau le plus bas depuis 2015, date à laquelle le baromètre de la PFA a été mis en place. Nous ne sommes plus dans une crise de l’offre comme les années pré­cédentes. Nous sommes véritablement entrés dans une crise de la demande".

 

Et pour cause ! Cette moyenne de prix fixée à 35 474 euros en 2023 masque une réalité bien plus infla­tionniste. En moyenne, acheter une voiture l’année dernière a deman­dé un effort budgétaire de +5,8 %. Toutes les motorisations ont subi des hausses, y compris les véhi­cules thermiques (+3,3 %). Seules les autres motorisations telles que l’E85 ou encore le GPL affichent une baisse des prix.

 

"L’inflation, toujours forte dans la plupart des pays, contribue à pertur­ber la perception économique des au­tomobilistes, nous indiquait Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire Cetelem en décembre 2023. Ainsi marqués par les augmentations des tarifs, plus de trois quarts d’entre eux (76 %) s’inquiètent de la hausse des prix des voitures neuves dans les cinq prochaines années et ils sont quatre sur dix à juger que la hausse possible du coût de l’énergie est un frein à l’achat."

 

 

Flambée des prix des PHEV

 

Comme le montre le graphique ci‑dessus sur l’évolution des prix moyens en euros des véhicules neufs par motorisation, l’électrification des véhicules, qu’elle soit à 100 % ou en hybride rechargeable, fait s’envo­ler les courbes. Acheter une voi­ture électrique coûte en moyenne 41 994 euros et une hybride rechar­geable 59 419 euros ! Deux types de motorisations qui connaissent de fortes hausses de prix : respective­ment 3,2 et 6,8 % en un an.

 

Ce tarif, mesuré par l’organisme AAA DATA, prend bien sûr en compte la moyenne des prix cata­logue des véhicules, par construc­teur, pondérée par leurs immatricu­lations. Sans la Dacia Spring qui s’est vendue à 29 761 unités en 2023 et qui restait la moins chère, avec un prix moyen de 21 477 euros, le tarif des véhicules électriques serait bien plus élevé. "Le prix des voitures a aug­menté parfois de 20 à 30 %, soit beau­coup plus que l’inflation. Nous savons que la demande ne suivra pas", nous indiquait Laurent Favre, directeur général de Plastic Omnium au cours de l’automne 2023.

 

 

La guerre des prix aura bien lieu

 

Dans ce contexte, les constructeurs mettent en place des politiques commerciales pour accompagner le développement de la voiture élec­trique. Une approche d’autant plus nécessaire qu’avec 16,8 % des ventes, elle n’est plus un marché de niche. "Si les constructeurs souhaitent que la voiture électrique se développe, ce n’est pas en vendant des véhicules à 40 000 ou 50 000 euros que l’on y arri­vera", observe un important distri­buteur Renault.

 

Ce sentiment de prix élevé a trouvé un écho dans le fait que la plupart des marques avaient fait le pari des marges, au détriment des volumes, avec des bénéfices records à la clé. Les résultats financiers annuels des constructeurs ne sont pas encore connus, mais au premier semestre, Stellantis a réalisé 10,9 milliards d’euros de bénéfices, en hausse de 37 % par rapport à 2022, pour une marge opérationnelle de 14,4 %, supérieure à celle de Tesla, la plus forte de tous les constructeurs automo­biles.

 

Mais cette époque semble bien derrière les acteurs du secteur, avec des annonces quasi quotidiennes de baisse des prix, qui laissent craindre une période trouble, voire "un bain de sang" selon Carlos Tavares, directeur général de Stellantis. "Stel­lantis est bien armé. Mais si les prix continuent de chuter, il est sûr que certains acteurs repasseront dans le rouge et deviendront des cibles pour la concurrence. La baisse des prix signifie casser de la valeur", pré­cisait‑il en janvier, lors de la présen­tation de la plateforme STLA Large.

 

Stellantis, qui a longtemps voulu pra­tiquer le pricing power, change son fusil d’épaule en mettant en place des offres promotionnelles, que ce soit sous la forme de remises ou tout simplement de baisses de prix. C’est le cas, par exemple, de la Citroën ë‑C4 qui s’échange pour 35 740 euros contre 41 900 euros début 2023.

 

Chez Peugeot, les e‑2008, e‑308 et e‑208 n’échappent pas au phénomène. Cette dernière est proposée désormais à 32 550 euros contre 35 300 euros à l’été 2023. Enfin, le prix de l’e‑3008, qui vient d’être dévoilé, est annoncé à 44 990 euros hors bonus.

 

Confrontée à une course effrénée vers une baisse des tarifs, l’industrie automobile ferme la porte d’une période faste où les marges confor­tables ont permis aux constructeurs d’investir massivement dans l’élec­trification de leurs gammes et de renouer avec de forts bénéfices.

 

Ces remises et/ou ces baisses de prix qui vont de plusieurs cen­taines à plusieurs milliers d’euros sont poussées par la concurrence chinoise ou celle de Tesla, mais elles répondent surtout à une demande du marché. Car les politiques tari­faires trop élevées lors du lancement de certains véhicules ont freiné leur carrière commerciale. Et comme les problèmes d’approvisionnement sont désormais de l’histoire an­cienne, il est clairement plus com­pliqué de vendre des véhicules au prix fort.

 

De plus, les usines devant tourner au plus proche de leur taux d’utilisation de leur capacité de pro­duction, les voitures vont sortir des lignes et il va bien falloir les vendre ! Stellantis n’est pas le seul. Volkswa­gen, dont les ventes de la gamme ID ne sont pas à la hauteur des at­tentes de la marque, a récemment revu sa politique tarifaire. L’ID.3 passe, par exemple, sous la barre des 40 000 euros à 38 990 euros. Mieux, l’ID.7 a baissé de 7 000 euros, alors qu’elle vient tout juste d’être lancée.

 

 

Des baisses significatives

 

Personne n’échappe à cette ten­dance. D’autant plus que Tesla et dans une moindre mesure MG dictent le marché. Le constructeur américain ne cesse de faire fluc­tuer ses tarifs. Ses modèles peuvent perdre ou prendre plusieurs milliers d’euros du jour au lendemain, no­tamment en fonction des capacités de l’outil de production.

 

En regardant l’offre par le prisme des dix modèles électriques les plus vendus en France, la baisse des prix est conséquente. Dacia a mis en place pour sa Spring une version d’entrée de gamme, Essential, qui permet de réduire le montant de 2 400 euros. La Spring redevient la voiture électrique la moins chère du marché avec un tarif qui démarre à 18 400 euros.

 

Chez Stellantis, outre Peugeot et Citroën, Fiat communique sur des loyers inférieurs à 100 euros et cela bien avant le leasing social. Renault fait également d’impor­tants efforts financiers avec une baisse de 4 000 euros sur la Megane E‑Tech, qui commence désormais à 34 900 euros. Il faut dire qu’elle souffrait d’une concurrence trop forte avec la MG4, qui était environ 10 000 euros moins chère. En outre, il faudra bien laisser une place pour le futur Scenic E‑Tech qui commen­cera à 39 000 euros.

 

La course vers une baisse des tarifs est désormais lancée. ©MG Motor

 

De son côté, MG, n’étant plus éligible au bonus, a décidé de l’"offrir" à ses clients avec une remise de 4 000 euros. Et ceux qui ne proposent pas de baisse de prix rivalisent d’originalité au ni­veau des offres commerciales. Pour l’acquisition d’un modèle Born en LLD, Cupra propose la recharge illi­mitée gratuite, une remise estimée à environ 3 000 euros.

 

La tendance se généralise donc. Avec sans doute des conséquences visibles sur les résultats financiers de 2024. Déjà, Tesla inquiète les marchés financiers. Pourtant, ses ventes mondiales ont bondi de 38 % pour atteindre plus de 1,8 million d’unités. Son chiffre d’affaires a éga­lement augmenté de 19 % pour frô­ler les 100 milliards de dollars.

 

Toutefois, d’autres indicateurs sont moins encourageants. L’an der­nier, l’excédent brut d’exploitation (EBITDA) s’est en effet rétracté de 13 % pour s’élever à 16,63 milliards de dollars, tandis que la marge brute d’exploitation a fondu de 6,4 points par rapport à 2022, pour redescendre à 17,2 %.

 

Sur le seul quatrième tri­mestre, la marge d’EBITDA est même tombée à 15,7 %. Même si ce chiffre est exceptionnellement élevé pour l’industrie automobile, les ana­lystes financiers y voient un signe négatif dans un contexte de plus en plus concurrentiel.

 

Mais les constructeurs n’ont plus le choix. La période bénie des marges très élevées touche à sa fin. La vente de véhicules électriques est plus que jamais nécessaire. En 2025, les normes CAFE vont les obliger à baisser une nouvelle fois leurs émissions de CO2. Au lieu de la moyenne actuelle de 95 g de CO2, leurs gammes ne devront pas reje­ter plus de 81 g, soit une baisse de 15 % sous peine d’amendes records une nouvelle fois !

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