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La crise des semi-conducteurs dérégule aussi le marché de l'emploi

Publié le 11 octobre 2021

Par Romain Baly
4 min de lecture
Chômage partiel, plannings instables, fermetures d'usines… Si la pénurie de composants impacte lourdement la production automobile mondiale, cette crise a aussi des répercussions sur les salariés.
A l'usine Stellantis de Rennes, les salaires ont baissé "de 100 à 500 euros" le mois dernier, en raison des nombreux jours chômés indemnisés à 84 %. ©Stellantis

La crise des semi-conducteurs commence à fortement impacter les salariés du secteur automobile. Ces derniers subissent de plein fouet la pénurie de composants dans leur travail quotidien avec de multiples répercussions. "En Espagne, de septembre jusqu'à la fin de l'année, entre 45 et 60 jours de chômage sont programmés, s'inquiète Jean-François Pibouleau, délégué syndical central (DSC) CGT chez Renault. En Turquie, on a des jours de chômage sur la Clio. C'est une catastrophe".

 

Renault s'est engagé à compenser les pertes de salaires

 

En France, les salariés de Renault restent rémunérés à 100 % en chômage partiel grâce à un accord conclu entre syndicats et direction, basé sur le don par le salarié d'un jour de repos pour cinq jours chômés. Problème : certains salariés "n'ont plus de congés", signale Jean-François Pibouleau, qui a alerté la direction sur le cas de travailleurs de Douai (59) et Flins (78) ayant subi "six jours de retenues sur leur salaire" faute d'un stock de repos suffisant.

 

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Selon Mariette Rih, DSC FO, "la direction s'est engagée à neutraliser sur le mois de septembre la perte de salaire due à ce problème". La direction de Renault a indiqué qu'elle faisait en sorte de compenser les pertes de salaires des ouvriers comme des cadres et que de nouvelles négociations étaient bien en cours. La pénurie de composants électroniques est liée à une demande très forte pour des automobiles de plus en plus chargées en systèmes électroniques. Or, dans un contexte de reprise de l'activité, les constructeurs se trouvent en concurrence avec d'autres industries gourmandes - ordinateurs, smartphones - qui captent ces pièces fabriquées pour la plupart en Asie.

 

Incompréhension dans les rangs de Stellantis

 

Chez Stellantis, la lassitude commence à monter, comme à l'usine de Rennes-La Janais qui a débrayé pendant une heure vendredi. Ce site, où près de 2 000 personnes fabriquent les SUV Peugeot 5008 et Citroën C5 Aircross, a été à l'arrêt 56 jours au total depuis le début de l'année, d'après la CFDT. Sur leurs dernières fiches de paie, les salariés ont constaté une baisse de salaire allant "de 100 à 500 euros" en raison des nombreux jours chômés indemnisés à 84 %, raconte Fabrice Lucas, délégué du personnel CGT. "Des CDD en contrat pro se sont retrouvés avec un salaire d'à peine 1 000 euros", s'indigne-t-il.

 

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D'autant que dans le même temps, la direction a annoncé un plan de travail prévoyant de travailler tous les samedis jusqu'à Noël, ainsi que les jours fériés. Une annonce vécue comme "une provocation" par les salariés après le passage à une seule équipe et l'arrêt de tous les contrats intérimaires décidés début septembre. "Non seulement il n'y a qu'une seule équipe (donc tous les salariés sont concernés par le travail le samedi) mais en plus on doit rester au pied de notre téléphone pour savoir si on va bosser", s'emporte Nadine Cormier, déléguée syndicale FO. Les salariés de Stellantis sont en effet invités à appeler un numéro vert le soir pour savoir s'ils travaillent ou non les jours suivants. Le groupe n'a pas souhaité commenter ces informations.

 

Des salariés "anxieux"

 

Cette incertitude permanente pèse sur les salariés qui se disent "anxieux", rapporte Salah Keltoumi, délégué syndical CGT à l'usine Stellantis de Mulhouse, où sont assemblées les Peugeot 308 ou 508. Là aussi, plusieurs samedis de travail prévus pour les mois prochains passent mal. "Ils nous disent qu'ils ne sont pas capables de prévoir, que c'est au jour le jour, et maintenant ils savent lire dans le marc de café ?", ricane Salah Keltoumi. Avec la CGT, il demande un lissage de la production et un ralentissement des cadences pour que tout le monde travaille du lundi au vendredi.

 

Sans intérimaires et avec un effectif réduit, "on se retrouve à prendre des gens de l'emboutissage, de la peinture ou du secteur qualité pour les mettre au montage, qui est l'atelier le plus dur", détaille Jean-Claude Ternet, délégué du personnel CFTC à Sochaux. "On risque de blesser nos gens qui se retrouvent au montage et dont ce n'est pas le métier. J'ai des potes en souffrance et on ne voit pas le bout, on se demande combien de temps ça va durer", s'interroge le représentant. (avec AFP)

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