Voiture électrique : la recharge communautaire cherche encore son modèle
Un Airbnb de la recharge de véhicules électriques est-il possible ? De nombreuses entreprises s’y sont essayées, mais aucune n’a pu lever les principaux obstacles d'un modèle économique viable. Pourtant, sur le papier, l’idée est intéressante. Avec près d’un million de points de recharge d'après Enedis, le réseau privé représente un fantastique relais à l’infrastructure ouverte au public (118 000 bornes). Mais dans la pratique, la mise à disposition de ce réseau est beaucoup plus complexe à mettre en œuvre…
De petites entreprises à l’image de Wattpark la pionnière, Recharge Plus ou des filiales de grands groupes comme Plug-Inn de Renault ont pourtant tenté de briser cette frontière entre la recharge publique et la recharge privée.
Bertrand Lepage, qui a cofondé la start-up Wattpark en 2019 explique : "nous souhaitons construire un réseau alternatif : l’utilisateur a une borne et veut en maximiser l’utilisation avec ceux qui en ont besoin, peu importe le territoire". Car si près de 88 % des recharges de voitures électriques sont effectuées à domicile, les recharges d'appoint nécessitent un réseau secondaire que l'infrastructure ouverte au public ne suffit pas à satisfaire. "La location de borne attire beaucoup de petits acteurs. Ce moyen va permettre de démocratiser la recharge si le réseau public est trop lent à se déployer", indique Bertrand Lepage.
Un modèle difficile à tenir
Malgré l’apparente simplicité du principe, plusieurs s’y sont cassés les dents. Shargy, l'application de recharge entre particuliers ouverte à tous de Volkswagen a récemment fermé alors qu'elle avait été lancée en avril 2023.
Pour Bertrand Lepage, cofondateur de Wattpark, l’échec de cette plateforme et de celles lui ressemblant provient de leur volonté de vouloir s’adresser à tous les particuliers.
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"Shargy par exemple avait l’intention d’être une plateforme holistique, mettant en relation n’importe quel type de borne avec tous les utilisateurs de voitures électriques. Ils ne pouvaient pas se concentrer sur la simplicité de fonctionnement et maîtriser les prix pratiqués. Cela a même créé des conflits entre propriétaires des bornes et les utilisateurs. Ce qui a desservi l’objectif premier qui était l’image de marque."
Wattpark ne propose la recharge communautaire que sur son univers de borne de recharge. Cela lui permet de la maîtriser et de proposer la meilleure expérience notamment monétaire à ses clients.
"Nous avons un écosystème en propre qui nous permet de gérer parfaitement la monétisation, c'est-à-dire la gestion des paiements, du flux financier et forcément la remontée d'informations liées à la consommation effective de la personne. Ça tombe sous le sens, mais il est fondamental que ces informations-là soient fiables à 300 %. Nous ne pouvons pas jouer avec les porte-monnaie des gens", explique Bertrand Lepage.
Selon l’Association française des opérateurs de recharges, par la voix de son président Patrick Kic, il est difficile, voire impossible, de survivre en ne prenant que des commissions sur la recharge après la mise en relation des possesseurs de bornes et des conducteurs de voitures électriques.
Un élément que ne dément pas Bertrand Lepage, pionnier dans le modèle de la recharge communautaire. "Nous sommes rentables si nous vendons le matériel et que l’on prend des commissions sur les transactions qui se font sur la plateforme Wattpark".
À comprendre, Wattpark doit proposer l’outil de recharge communautaire, l’application et le hardware, la borne, pour survivre. C'est d'ailleurs le virage qu'a pris la start-up en octobre 2023 en industrialisant sa production de bornes dans une usine à Blanquefort en Gironde. Son objectif est la production de 100 000 bornes par an.
Pouvoir proposer sa borne à d’autres personnes devient juste un moyen de se démarquer des autres opérateurs de bornes.
Impliquer les entreprises dans la recharge communautaire
Mais alors, le service de partager sa borne va-t-il survivre ? Selon Patrick Kic, trop de difficultés lui font face. "Tout ce qui est parking résidentiel est à exclure de la cible car les copropriétés ne donnent pas accès à leur parking privé et donc à leurs bornes pour des raisons de sécurité, de vandalisme. C’est donc déjà 50 % des Français qui ne peuvent pas faire partie des potentiels clients."
Pour les maisons individuelles c’est un autre problème qui émerge, "la faible puissance des bornes de recharge à domicile, le plus souvent sept kilowatts, et donc le long temps d’attente pour charger ne peut offrir de service parfait aux conducteurs. Si la batterie du véhicule est vraiment vide, le conducteur va s’arrêter pour recharger 50 km en une heure, ce qui sera suffisant pour repartir, mais pendant une heure, que fait le conducteur dans un quartier résidentiel ?"
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C’est pourquoi l’utilisation qui semble optimale pour la recharge communautaire est celle sur le parking des entreprises. Un segment sur lequel Wattpark est positionné comme l’explique Bertrand Lepage.
"Wattpark ne s’adresse pas qu’aux particuliers, la presse nous qualifie à tort d’Airbnb de la recharge, nous sommes aussi en place dans les entreprises. Partout où il y a du foncier, nous pouvons proposer une borne et son propriétaire peut la mettre en location", atteste Bertrand Lepage avant d'approfondir : "Une entreprise peut installer une borne Wattpark sur son parking et en faire profiter ses employés, c’est déjà de la recharge communautaire, mais nous pouvons également lui dire à partir de quelle heure elle devrait ouvrir à tout le monde pour maximiser l’utilisation de la borne".
Même analyse du côté d’Eshan Emani, président de Qovoltis. "Il existe des entreprises situées dans des zones commerciales mélangeant commerces et bureaux qui sont d’accord pour partager leurs bornes. Cette configuration résout la majorité des problèmes. Le conducteur peut vaquer à quelques occupations durant sa recharge qui durera en plus moins longtemps puisque les entreprises possèdent souvent des bornes plus puissantes que les particuliers."
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