Les banques à l'assaut de la mobilité
Si la présence massive des constructeurs chinois au dernier Mondial de l’Auto a marqué les esprits, celle des banques et des services de financement n’est pas en reste. Le stand du Crédit Agricole Consumer Finance (CACF), implanté au cœur du hall 4 du parc des expositions de la Porte de Versailles, a pu étonner les visiteurs.
Sur une surface de près de 500 m², l’intégralité des offres de la filiale dédiée au crédit à la consommation du Crédit Agricole étaient représentées sans compter les marques partenaires : Tesla, MG Motor, VinFast, Fisker. Il est vrai que les enjeux sont de taille : l’automobile devra constituer à terme 50 % des revenus du CACF, soit 10 points de plus qu’aujourd’hui. Pour y parvenir, le CACF mène sa transformation tambour battant. Il faut bien rattraper le retard accumulé ces dernières années où l’entreprise de financement a laissé la part belle à BNP Paribas Personal Finance et à la Société Générale.
Une remise en cause complète de sa stratégie, dressée par Stéphane Priami, directeur général du CACF mais aussi directeur général adjoint du Crédit Agricole, une double casquette qui facilite les prises de décision au moment des investissements. Mais c’est surtout le choix de Stellantis de réorganiser ses activités de financement en Europe qui a donné le top départ de cette nouvelle course entre sociétés de financement. Le leasing faisait cruellement défaut au CACF, le constructeur le lui amène, sur un plateau, avec les activités de Free2Move Lease, dont le nom de cette nouvelle entité sera dévoilé au cours des prochaines semaines. Les deux partenaires, dont la flotte atteint 700 000 véhicules actuellement, visent un parc d’un million de voitures en 2026.
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A titre de comparaison, Arval, filiale de BNP Paribas, compte plus de 1,5 million de voitures dans le monde. De son côté, ALD fait désormais la course en tête, depuis l’annonce du rachat de LeasePlan pour près de 5 milliards d’euros et un parc de 3,5 millions de véhicules. Un plus pour devenir référent sur le marché de la mobilité qui va être la norme avec l’électrification.
Ingénierie financière
"La banque a plusieurs atouts incontournables, explique Bertrand de la Villéon, partner d’Eurogroup Consulting. Et l’ingénierie financière devient la clé pour passer du prix d’un produit à une mensualité de mobilité. Or, les seuls acteurs qui disposent de cette ingénierie financière et depuis longtemps, ce sont les banques. Cette connaissance vient du leasing, mais elle s’est déployée dans tous les assets à financer."
Une fois maîtrisée et affinée, cette technique est désormais au cœur de la mobilité de demain, qui se veut de plus en plus flexible jusqu’à l’ultime abonnement. Sans cet outil, la mensualité ou le paiement à l’usage n’est pas possible. "Le leasing est l’outil qui permet de passer de la propriété à l’usage. C’est un peu comme la pelle pour les chercheurs d’or. Ce sont au final les marchands de pelles qui ont fait fortune, pas les chercheurs d’or. Selon moi, la mobilité est un eldorado et dans ce cadre, les banques sont l’équivalent des marchands de pelles", s’amuse à comparer Bertrand de la Villéon.
Au‑delà du leasing, c’est toute l’activité des banques dans le crédit à la consommation qui est également en ligne de mire. Car l’automobile pèse plus de 30 % du crédit à la consommation en France. Une manne que ne sont pas près de laisser filer ces acteurs.
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BNP Paribas n’a pas non plus l’intention de renoncer à sa part du gâteau et compte même l’augmenter. C’est en substance la volonté affichée par Thierry Laborde, directeur général délégué, lors de la présentation du plan GTS 2025. Avec une ambition clairement exprimée : passer de 1,9 milliard d’euros à 2,9 milliards d’euros de revenus en provenance de la mobilité, par le biais des activités transversales. Entendez par là la mobilisation de tous les canaux de vente, toutes les filiales, l’ensemble de son savoir‑faire issu de la location longue durée, du financement retail et des réseaux, de l’assurance, jusqu’aux financements d’infrastructures.
Porter le fardeau du financement
Au‑delà de se positionner comme un outil, les sociétés de financement portent aussi les capacités d’investissement ou de refinancement. "La banque devient également un moyen de partager en tout ou partie le fardeau des immobilisations au bilan qui sont nécessaires ou d’alléger le bilan des constructeurs. Et d’autant plus dans un modèle de distribution qui évolue avec pour certains le portage des stocks de véhicules que ce soit par le biais des contrats d’agent ou de la vente directe. C’est aussi un facteur qui permet d’optimiser le bilan des constructeurs en partageant le poids du portage des stocks. Cela toilette le bilan d’un constructeur et allège cette charge", observe Bertrand de la Villéon.
Le mouvement enclenché par PSA, en 2014, qui ressemblait plutôt à une opération de sauvetage financier du constructeur, devient un modèle du genre. "Il s’agit d’un modèle vertueux entre constructeurs et banques qui permet de partager ce fardeau et en même temps de disposer des outils les plus flexibles pour passer de l’usage à la propriété", poursuit le consultant.
Concurrence des différents canaux bancaires
Reste que le modèle pourrait également servir aux banques pour dessiner dans le futur le meilleur canal de distribution : les constructeurs, les réseaux de distribution, les plateformes jusqu’à leur réseau d’agences sur le territoire. Tout le monde devient concurrent de tout le monde et que le meilleur gagne pourrait‑on dire. Chez Crédit Agricole Consumer Finance, tous les produits peuvent être distribués, soit par la filiale Sofinco Auto Moto Loisirs dédiée aux réseaux de distribution, soit par agilauto.fr, le site de vente directe qui propose également l’abonnement CarCloud.
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Côté BNP Paribas Personal Finance, l’arrivée d’une plateforme numérique "tout‑en‑un" est annoncée au premier semestre 2023. Cette dernière devrait permettre aux clients, via le site Mabanque ou au travers de l’application, de trouver un véhicule par rapport à leurs besoins, leur budget et leurs envies. Au‑delà du financement, c’est toute la palette de services qui est aussi intégrée comme l’assurance, la maintenance. Pourquoi ne pas imaginer que des banques assureurs cherchent à se positionner également…
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