Métaux rares : quelle stratégie en France pour sécuriser l'approvisionnement ?
Le 8 juin 2022, le Parlement a voté la fin de vente des véhicules thermiques en 2035. Aussi attendue était elle, cette décision résonne comme un véritable séisme pour l'industrie automobile, qui pour la première fois de son histoire n'a pas décidé elle-même du choix technologique qui prévalait pour réduire non seulement de ses émissions de CO2 mais également de son empreinte durant tout le cycle du "puits à la roue". Et Luc Chatel, président de la PFA, n'a pas mâché ses mots lors d'une conférence dédiée à la souveraineté technologique de l'Europe dans le secteur automobile : "pour la première fois, des technocrates ont décidé de l'avenir et ont choisi de se faire hara kiri et de se saborder".
"Aujourd'hui, l'Europe a fait un choix qui interpelle sur notre souveraineté et sur notre capacité à délivrer. La grande question est comment faire en sorte que cette transformation ne soit pas un échec", a poursuivi le président de la PFA. La croissance du nombre d'infrastructures de recharge, tout comme l'accessibilité des Français à la voiture électrique qui coûte entre 40 et 50 % plus cher qu'une voiture thermique, restent des sujets majeurs de la réussite de cette transition énergétique. Mais l'enjeu crucial pour les années à venir repose sur l'approvisionnement en matériaux critiques indispensables pour assurer la production des batteries.
Selon le cabinet d'études IHS Markit, entre 2021 et 2030, les besoins en lithium seront multipliés par 30, ceux en nickel par 12 et en cobalt par 6. "L'Europe a choisi une technologie qu'elle ne maîtrise pas", dénonce Luc Chatel.
Quelle stratégie d’approvisionnement ?
Présent lors de cette conférence, Philippe Varin, ancien président de France Industrie, auteur du rapport sur la sécurisation de l’approvisionnement en matières premières minérales, estime que ces sujets d'approvisionnement sont assez nouveaux pour la filière automobile et notamment les constructeurs, qui jusqu'à très récemment laissaient cette problématique aux équipementiers.
"Mais il faut comprendre désormais que la cette révolution écologique et cette transition seront très gourmands en empreinte carbone et en matière premières puisque cette empreinte matières est six fois plus importante pour un véhicule électrique que pour un véhicule thermique", indique l'ancien président de PSA. "C'est une transition politique et les acteurs économiques seuls ne sauront pas y faire face. Il faut un engagement de l’État."
De fait, 50 % de la chaîne de valeur du véhicule électrique se trouve en Chine, tout comme 75 % de celle de la batterie. "Pour réussir, non pas une relocalisation mais bien une localisation de cette chaîne de valeur, créer des fonds d'investissement dans des projets miniers s'avère indispensable. Des pénuries à venir sont probables, notamment à cause d'un contexte géopolitique assez préoccupant", poursuit Philippe Varin.
Lire aussi : Luc Chatel, PFA : "L'avenir de notre industrie va se jouer pendant ce quinquennat"
Dans son rapport remis en janvier 2022 au gouvernement, il estimait que l'Europe ne pouvait sécuriser que 30 % des métaux stratégiques. De fait, la localisation sur le territoire français de différentes étapes, entre la mine et les gigafactories, dont trois sont en cours de construction en France est un élément fondamental, à l'instar de l'entreprise Viridian qui installe en Alsace la première usine de raffinage de lithium française.
"L'idée est de construire une politique industrielle d'attractivité et d'installer des capacités de raffinage. Si nous ne saisissons pas cette opportunité, nous pourrons pas être indépendant", assure Philippe Varin. Une stratégie qui devrait être couplée avec celle de création de stocks stratégiques, au moins sur les métaux non cotés, pour des raisons fiscales.
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