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Industrie

Fin de vente des véhicules thermiques : entre "sabordage" et "saut dans le vide"

Publié le 9 juin 2022

Par Catherine Leroy
4 min de lecture
Même prévisible, la décision de stopper la vente des véhicules thermiques en 2035 laisse les professionnels de l'automobile dans l'incrédulité. Aucun des arguments liés à la dépendance énergétique, géographique et sur le bilan environnemental de la voiture électrique n'ont été pris en compte.
Les professionnels de l'automobile pointent les incohérences du texte.

C’est un résultat sans surprise mais qui laisse un goût amer aux acteurs de la filière automobile. Le 8 juin 2022, le Parlement européen a voté, avec une large majorité, pour l’option la plus sévère du texte sur la baisse des émissions de CO2 à horizon 2035.

 

339 députés ont voté pour une diminution de 100 % des émissions de CO2, 249 contre et 24 députés se sont abstenus. "Nous avions anticipé les résultats de ce vote, explique Xavier Horent, délégué général de Mobilians. Nous ne sommes donc pas étonnés. Pour autant, et même si le processus d’adoption n’est pas encore terminé, puisqu’il reste le vote du Conseil de l’Union européenne, nous sommes sans illusion sur l’issue définitive de ce dossier. Mais nous regrettons vivement la position du gouvernement français qui n’est pas conforme aux engagements pris le 13 juillet 2021 de soutenir les motorisations hybrides rechargeables."

 

L’année dernière, en effet, deux jours avant la présentation du paquet Climat "Fit for 55" de la Commission européenne, Emmanuel Macron recevait la filière automobile  et assurait que "les véhicules hybrides rechargeables étaient une bonne solution de transition."

 

La position inconfortable de la France

 

Du côté des industriels et de la Plateforme de l'Automobile (PFA), la crainte sur les conséquences de cette décision sont bien perceptibles : "C'est un vrai saut dans le vide et un risque de sabordage de notre industrie", n'hésite pas à dire Marc Mortureux, directeur général de la PFA. Selon l'organisation, "c'est une radicalité extrême que je ne vois dans aucun autre secteur."

 

De fait, la position de la France à la présidence du Conseil de l'Union européenne depuis le début de l'année 2022 s'est plutôt transformée en handicap sur ce dossier. D'autant que très vite, la France s'est retrouvée isolée sur ce dossier, l'Allemagne ayant décidé de soutenir la proposition de la Commission depuis le mois de mars 2022.

 

Problème de cohérence dans les textes

 

C'est l'un des principaux griefs soulevés par les professionnels du secteur, qui ne remettent pas en cause spécifiquement cette décision mais plutôt le calendrier et le choix d'une solution unique.

 

"Ce vote a lieu au moment où le nombre de bornes de recharge n'est absolument pas au niveau puisque la France n'en dispose que de 60 000 contre les 100 000 promises pour fin 2021 et qu'il en faudra en réalité 7 millions dans toute l'Europe. De plus, au regard du contexte politique, l'Europe n'a jamais fait tourner autant de centrale à gaz et à charbon pour produire de l'électricité", poursuit Marc Mortureux.

 

Visiblement, la hausse des prix des métaux rares pour la fabrication des batteries ou même la dépendance dans ces approvisionnements en matières premières n'ont pas fait ciller les députés européens, ni même le bilan environnemental de l'extraction de ces métaux. Sans compter l'absence totale de traitement des émissions de CO2 du parc roulant existant.

 

"L'industrie automobile contribuera pleinement à l'objectif d'une Europe neutre en carbone en 2050. Mais étant donné la volatilité et l'incertitude que nous connaissons chaque jour dans le monde, toute réglementation à long terme allant au-delà de cette décennie est prématurée à ce stade précoce. Au contraire, un examen transparent est nécessaire à mi-parcours afin de définir les objectifs post-2030", a d'ailleurs indiqué Oliver Zipse, président de l'Acea et PDG de BMW.

 

Ce manque de cohérence dans les textes adoptés est d'ailleurs clairement montré du doigt avec en parallèle le sujet des mécanismes d'ajustement carbone aux frontières (MACF), qui n'a pas encore pu obtenir de majorité au Parlement européen. Ce texte ne propose de taxer que les produits semi-finis ou les matières premières et non les produits assemblés, créant ainsi un véritable appel d'air aux délocalisations. "L'Europe ouvre un véritable boulevard aux véhicules chinois ou aux productions des pays à bas coûts, cela ne peut conduire qu'à un désengagement très rapide des industriels", avance le directeur de la PFA.

 

Les conséquences sur l'emploi sont d'ailleurs bien connues : environ 100 000 emplois directs sont menacés dans les métiers traditionnels tels que la fonderie ou le décolletage, mais aussi 70 000 dans les métiers de services d'ici à 2030.

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