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Industrie

Constructeurs chinois : l'analyse fouillée de l'Europe pour calculer le niveau de leurs subventions

Publié le 11 juillet 2024

Par Catherine Leroy
6 min de lecture
Depuis le 5 juillet 2024, la Commission européenne impose des droits de douane compensatoires aux véhicules électriques chinois importés sur le sol européen. Mais comment ont été calculées les aides accordées par le gouvernement chinois ? Comment se décomposent ces subventions ? Analyse de l'enquête très détaillée réalisée par Bruxelles.
Enquête de la Commission européenne sur les subventions des constructeurs chinois
La Commission européenne a conclu que BYD présente des problèmes de liquidités à court terme qui lui confèrent un profil de débiteur à haut risque. ©BYD

Aides au financement, prêts bancaires, achats de batteries… la liste des subventions accordées par le gouvernement chinois à ses constructeurs nationaux est longue. C'est ce qui ressort de l'enquête approfondie de la Commission européenne pour élaborer le calcul des droits de douane compensatoires qui s'appliquent aux voitures électriques produites en Chine.

 

Depuis le 5 juillet 2024, trois taux supplémentaires (17,4 %, 20,8 % et 37,6 %) sont ajoutés aux 10 % habituels, aux modèles importés sur le territoire européen. Des taux qui, en réalité, correspondent aux niveaux des subventions perçues.

 

A lire aussi : Tout comprendre sur les droits de douane appliqués aux véhicules électriques chinois

 

"Globalement, le système de planification en Chine a pour effet d’allouer les ressources vers des secteurs désignés par les pouvoirs publics comme stratégiques ou autrement importants sur le plan politique. L’affectation de ces ressources n’est donc pas régie par les forces du marché", indique en préambule le document d'analyse signé par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, dont la mandature devrait être renouvelée.

 

Mais comment ont été calculés ces taux additionnels ? Sur quels éléments s'est fondé l'exécutif européen ? Le Journal de l'Automobile vous dévoile les résultats de cette enquête.

 

Près de seize types d'aides ont été vérifiés, notamment auprès de trois groupes automobiles que sont BYD, Geely et SAIC.

 

De l'aide directe à l'exonération d'impôts

 

L'octroi de financements préférentiels, de subventions directes, de prise de participation, prix moindres pour l'achat de batteries... Bruxelles a scruté toutes les possibilités d'aides des autorités locales, nationales ou régionales. Les enquêteurs ont ainsi réussi à déterminer toutes les exonérations, jusqu'aux niveaux de financement accordés par les organismes financiers.

 

Au cours de l’enquête, la Commission a constaté que certaines sociétés retenues dans l’échantillon avaient émis des obligations dans le but spécifique de rembourser des dettes, en l’occurrence des prêts. Cette stratégie leur a permis de reporter leurs engagements, et d’obtenir les ressources sans lesquelles elles ne seraient pas en mesure de faire face à leurs obligations de remboursement, ce qui signalait donc qu’elles éprouvaient des difficultés à lever des fonds.

 

BYD, Geely et SAIC financent leur activité par la dette

 

Le groupe BYD se présente comme étant dans une situation financière globalement bénéficiaire, avec une marge de bénéfice d’environ 6 %. Le ratio de liquidité générale de la société était de 0,89 en 2021, a reculé à 0,75 en 2022, puis a de nouveau diminué pour atteindre 0,68 au cours de la période d’enquête. La Commission en conclut que BYD présente des problèmes de liquidités à court terme qui lui confèrent un profil de débiteur à haut risque. La société affichait un ratio dettes/fonds propres élevé (0,78), ce qui indique que la société finance son activité par de la dette.

 

Geely, de son côté montre une situation financière bénéficiaire, avec une marge affichée de 3 %. Mais, la rentabilité a diminué par rapport à 2021. Son rendement sur fonds propres baisse en passant de 8 % en 2021 à 5 % à la fin de la période d’enquête. Le ratio de liquidité immédiate de la société était égal à 0,79 à la fin de la période d’enquête , 0,76 en 2022 et 0,79 en 2021. "De fait, une société ayant un ratio de liquidité immédiate inférieur à un risque de ne pas pouvoir rembourser ses dettes courantes à court terme", avance la Commission dans ses conclusions.

 

Enfin, SAIC fait état d’une situation financière bénéficiaire avec une marge de bénéfice de 4 %. Le ratio dettes/fonds propres était de 1,79 en 2021 et de 1,94 en 2022. Ce qui montre que l’entreprise finance son activité principalement par l’intermédiaire de la dette.

 

Bruxelles indique également qu’en 2017, le constructeur a bénéficié d’un apport de fonds propres de 15 milliards d’euros, fourni par sa société mère, ses salariés et six établissements financiers.

 

La Commission estime que le système d’acceptation bancaire mis en place en Chine permet à l’ensemble des producteurs-exportateurs de disposer d’un financement gratuit de leurs opérations courantes. La note AAA affichée par les trois groupes correspondrait, selon les critères des agences occidentales, à une note B.

 

Des terrains sous-évalués et des batteries "sous-payées"

 

L'aide accordée se positionne également dans le prix des terrains accordé pour l'implantation des usines. "Les conditions d’acquisition de droits d’usage de terrains en République populaire de Chine ne sont pas transparentes et les prix ont été fixés de manière arbitraire par les pouvoirs publics", met en lumière Bruxelles.

 

Mais c'est surtout l'achat des batteries ou des matières composant des batteries (le lithium dans le cas de BYD) qui fait l'objet de la forte subvention, comme le montre le tableau ci-dessous. "La Commission a recensé plusieurs sources juridiques indiquant un soutien public à l’industrie des producteurs de batteries et de leurs intrants dans le but final de développer ces secteurs au profit des producteurs de BEV", indique le rapport.

 

Par exemple, le LFP, qui est le type de lithium utilisé dans les batteries, ne fait pas l’objet du remboursement de la TVA de 13 % lors de son exportation. Ce qui baisse artificiellement le prix intérieur de ces matières premières pour la consommation intérieure.

 

Enfin, la Commission a également constaté que la Chine consolidait son industrie des terres rares, également nécessaires à la production de batteries pour VEB, afin de contrôler les niveaux de prix et de réaliser ses objectifs stratégiques. En décembre 2021, trois entités publiques ont fusionné afin de créer China Rare Earth Group Co. Ltd, qui couvre environ 62 % de l’approvisionnement total en terres rares lourdes de la Chine.

 

 

 

Si les trois constructeurs disposent d'un taux adapté en fonction des résultats de l'enquête, d'autres se verront appliquer un taux compensatoire de 20,8 % en contrepartie de leur coopération à l'enquête. Pour celles dont la coopération est inexistante, le taux sera de 37,6 %, comme SAIC.

 

A lire aussi : MG Motor et BMW Group s'insurgent contre les droits de douane imposés par Bruxelles

 

Liste des constructeurs ayant coopéré qui se voient appliquer un taux compensatoire de 20,8 % (en plus des 10 %)

  •  Aiways
  • Anhui Jianghuai
  • BMW Brilliance
  • Chery Automobile
  • China Faw Corporation (Audi FAW, Changan Mazda, China FAW, FAW Volkswagen, Jiangsu Guoxin New Energy)
  • Chongqing Changan (Chongqing Changan, Chongqing Lingyao, Hefei Chang, Nanjing Chang)
  • Dongfeng Motor (Dongfeng Honda, Dongfeng Liuzhou, Seres Auto, Voyah Automobile)
  • Great Wall Motor (Great Wall Motor, Hebei Changzheng)
  • Leapmotor
  • Nanjing Golden Dragon
  • Nio Holding
  • Tesla
  • XPeng

Toutes les autres sociétés seront taxées à hauteur de 37,6 %, en plus des 10 % déjà appliqués.

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