Voitures électriques d'occasion : en attendant le grand soir
La scène se déroule en plein mois de novembre 2022 chez un concessionnaire Nissan. À peine vient‑il d’inaugurer ses nouvelles capacités d’exposition de véhicules d’occasion sur un parc dédié que, pour les besoins de la photographie et avec l’aide exceptionnelle de son constructeur, il a déjà entreposé quelques dizaines de produits de la gamme japonaise. Au milieu du lot, le distributeur a constitué un pôle densifié de Leaf pour attirer le chaland vers les offres de voitures électriques.
À l’échelle de la France, à en croire l’agrégation des petites annonces par la plateforme Le Parking, quelque 14 500 VE d’occasion étaient disponibles à l’achat à cette période, soit 9,5 % de plus qu’en novembre 2021. La Nouvelle‑Aquitaine et l’Île‑de‑France étant les régions où les propositions foisonnent le plus. Toujours selon la même source, il apparaît que le mix de l’origine des annonces s’équilibre davantage sur notre marché que chez nos voisins directs. En effet, la répartition de l’offre entre les professionnels et les particuliers était de 68/32 %, contre environ 85/15 % en Allemagne et en Italie et 80/20 % en Espagne et en Belgique. En pleine pénurie de véhicules d’occasion récents, le segment des électriques s’inscrit à contre‑courant. Sur les quelque 14 500 annonces recensées en France, près de 30 % concernaient des exemplaires mis pour la première fois en circulation en 2021 et 23,6 % l’année qui précédait. Globalement, plus de 83,3 % des véhicules exposés sur les sites Internet ont été immatriculés entre 2018 et 2021.
Une enquête réalisée au printemps dernier nous a révélé que 81 % des professionnels ont déjà vendu un véhicule électrique
Ce qui explique en partie le prix encore élevé des VE d’occasion. D’après l’analyse des annonces, ils s’affichent à un tarif moyen de 50 198 euros chez les professionnels et 40 918 euros du côté des particuliers. Ce qui n’est pas le niveau le plus élevé. Il suffit, en effet, de traverser la frontière allemande pour voir que les prix peuvent grimper à 52 807 euros en concessions et à 44 021 euros chez les particuliers.
Un marché de particuliers en points de vente
Il est un fait avéré. La valeur marchande des électriques d’occasion est bien plus élevée dans les pays nordiques. Les politiques d’incitation pesant de tout leur poids sur ces différents marchés. Si bien que les revendeurs français se tournent bien souvent vers ces débouchés pour tirer davantage profit des transactions. "Une enquête réalisée au printemps dernier nous a révélé que 81 % des professionnels ont déjà vendu un véhicule électrique, mais seulement 32 % avaient eu au moins un client en France", souligne Florent Segura, directeur d’Auto1 France. Il ne cache pas que, d’une manière générale, sur la plateforme d’envergure européenne, une part non négligeable – estimée à 80 % environ – des transactions de véhicules électriques est transfrontalière avec une "grosse sectorisation sur le nord". Le Danemark, la Finlande et les Pays‑Bas constituant dans l’ordre respectif le trio de tête des destinations. De quoi appauvrir les listes accessibles aux acheteurs en France et plus largement dans les pays du sud du continent.
Il y a pourtant une demande en croissance sur le marché domestique. En considérant l’activité des 12 derniers mois (novembre 2021 à octobre 2022), les remises à la route de VE ont bondi de 47,4 %, par rapport à la période allant de novembre 2020 à octobre 2021, avec un total de 74 100 unités, selon AAA Data. Sur cette tranche de temps, la marque Renault a largement tiré la couverture à elle avec un score de 25 091 transactions (+ 30,9 %), soit plus du tiers du volume.
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À plus petite échelle de calendrier, malgré une contraction de 14,9 % des immatriculations en octobre, à 5 278 unités, ce sont tout de même 61 369 VE qui ont changé de propriétaire, lors des 10 premiers mois de l’exercice 2022, soit 36,3 % de plus que l’année précédente. Mais donnée à 1,4 %, la part de marché reste maigre face aux moteurs à énergie fossile. Dans les salles des ventes du groupe EnchèresVO, Guillaume Arnauné, le fondateur, se fait le témoin de cette dynamique. "Les incitations fiscales et le coût de l’énergie ont convaincu les consommateurs de se tourner vers les énergies électriques, constate‑t‑il. D’ailleurs, l’essentiel des véhicules est acheté par les particuliers eux‑mêmes, car ils n’ont plus de réelles craintes."
Ce que confirme AAA DATA. Dans les rapports édités à fin octobre 2022, on découvre que depuis janvier 2022, 80,7 % des acheteurs de voitures électriques d’occasion se trouvent être des particuliers (+ 4,7 points sur un an), réduisant de fait le poids des sociétés à 19,3 %. Dans la majeure partie des cas, ces clients se tournent vers les professionnels : les transactions BtoC (dont CtoBtoC) pèsent 64 % dans les échanges (39 286 unités), loin devant celles BtoB (16,8 %, à 10 297 unités) et celles de gré à gré (14,9 %, à 9 146 unités).
L’offre recensée par Le Parking et la consommation relevée par AAA DATA s’alignent. Le marché se concentre, en effet, sur les occasions récentes. En témoignent les achats qui portent à 76,5 % sur des véhicules n’ayant eu qu’une première vie (46 935 unités). À 94,8 %, les VE d’occasion n’ont eu que deux propriétaires.
Pour ce qui a trait au mode de financement, le règlement comptant ou à crédit reste la norme. En combinant les clients particuliers et les sociétés, cette solution s’applique dans 75,9 % des cas (64,2 % de particuliers et 11,7 % de sociétés), laissant une part minime aux formules locatives, avec 16,6 % de dossiers signés par des particuliers et 7,5 % par des sociétés.
La montée en puissance des garantisseurs
Le marché des voitures électriques d’occasion n’a plus rien de balbutiant. Il est encore timide et concentré chez des concessionnaires et des indépendants aux solides carnets d’adresses, mais la dynamique est réelle. Alors, pour beaucoup, il est venu l’heure de préparer les services. D’autant que la question du vieillissement – et donc des sinistres en découlant – va se poser.
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Acteur majeur de la garantie panne mécanique, Opteven en avait fait la thématique de son dernier webinaire pour inciter les distributeurs à se préparer. "L’avancée de ces véhicules électriques sur le marché de l’occasion est lente mais certaine. Il est donc très important de se préoccuper, dès maintenant, des offres de services à associer à ces véhicules pour répondre au mieux aux besoins des clients", a commenté à cette occasion Albert Étienne, directeur général d’Opteven France. Pour le garantisseur, le chargeur de batterie à haut voltage, la batterie 12 V et le faisceau de câbles haut voltage constituent les trois principaux motifs statistiques des pannes.
Chez Allianz, même son de cloche. "La panne mécanique reste une crainte majeure, abonde Raphaël Sala, directeur commercial France. Nous nous concentrons sur le démarrage du matin, la panne d’énergie et la panne mécanique." Les statistiques font état d’une baisse des retours en garantie, en comparaison des modèles thermiques, mais une recrudescence des sinistres liés à une mauvaise utilisation. Selon le rapport partagé, 56 % des dossiers concernent l’énergie et 23 % des crevaisons. Les véhicules étant plus lourds, les pneus sont plus exposés. Les équipes de reconditionnement devront y prêter attention.
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