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Distribution

Stéphane Michel, groupe Michel : "La valeur ajoutée d’un constructeur est l’innovation, pas la distribution"

Publié le 18 novembre 2022

Par Christophe Bourgeois
6 min de lecture
Le Journal de l'Automobile organise une série d'entretiens avec des dirigeants de groupe de distribution. L'occasion pour eux d'exprimer leur point de vue sur l'évolution de leur métier face aux enjeux de mobilité et d'électrification. Stéphane Michel, président du groupe Michel, met en avant la complémentarité du travail du distributeur avec celui du constructeur et mise sur une offre à 360° pour la mobilité de ses clients.
Stéphane Michel : "Je crois aux formules d'abonnement pour plus de mobilité."

Journal de l'Automobile : La distribution automobile connait actuellement de profonds bouleversements. Quelle est votre analyse ?

Stéphane Michel : Certains constructeurs imaginent la maîtrise totale de toute la chaîne industrielle, de la production à la commercialisation. Je ne suis pas de cet avis. Je suis en effet convaincu qu’il y aura toujours besoin d’un intermédiaire entre l’industriel et le client final. C’est d’autant plus vrai avec le produit que nous vendons, car la voiture reste encore un bien qui se choisit en fonction des sensibilités des consommateurs. Et je pense que c’est encore plus vrai pour les marques françaises, car elles sont ancrées dans le paysage, les gens ont une histoire avec elles. En outre, cette stratégie efface un peu trop rapidement le travail des équipes commerciales qui sont là pour mettre en avant les produits. Je suis d’ailleurs assez rassuré sur la pérennité de ma vision, car Luca de Meo lui-même, dans vos colonnes, a insisté sur l’importance que représentait le réseau pour un distributeur. Et je note que sur le terrain, la situation du marché va à l’encontre de ce que l’on veut nous faire croire, à savoir que l’automobile ne serait plus qu’un outil pour aller d’un point A à un point B. Pour autant, cela ne veut pas dire que les ventes par Internet ne se feront pas.

 

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J.A. : Il n’empêche que certains constructeurs ont décidé de réduire l’action de leur réseau...

S.M. : Oui. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai décidé de me renforcer avec mon acteur historique et de me séparer de certaines affaires (le groupe Michel a repris des affaires Renault au groupe Jean Rouyer tandis qu’il a cédé en parallèle des affaires Citroën et Peugeot au groupe Dubreuil NDLR). J'attire tout de même votre attention sur le fait que les constructeurs vendent déjà eux-mêmes leurs produits. Cela s’appelle des succursales. Mais je note que ces mêmes acteurs qui veulent maîtriser l’intégralité de la chaîne de valeur de leurs produits cherchent, en parallèle, à se séparer de leurs filiales ! Je trouve que cela manque beaucoup de cohérence. Pour moi, la valeur ajoutée d’un constructeur est l’innovation, pas la distribution. En outre, jamais aucun constructeur n’aura la proximité de terrain qu’ont les concessionnaires, une proximité qui joue un grand rôle dans la conclusion d’une affaire.

 

J.A. : Ces évolutions de la distribution sont-elles sources d’inquiétude ?

 S.M. : Nous avons toujours dû et su nous adapter aux différentes situations, qu’elles soient conjoncturelles ou structurelles. Et nous avons toujours réussi. Et quand je dis "nous", c’est aussi bien les constructeurs que les distributeurs, car nous avons toujours travaillé ensemble.

 

J.A. : Comment alors évoluer ?

S.M. :  Il faut avant tout faire preuve de flexibilité, de souplesse pour nous adapter. On nous parlait il y a quelques temps des voitures autonomes qui allaient révolutionner l’automobile ;  on s’aperçoit que le sujet se fait beaucoup plus discret. Aujourd’hui, ce sont les véhicules électriques, mais j’observe beaucoup de messages contradictoires entre le discours des hommes politiques, de certains constructeurs et la réalité du terrain. Certains événements m'interpellent également. Lorsque qu'un organisme financier qui commande 10 000 voitures auprès d'un constructeur qui n’a pas encore produit sa première voiture avec une technologie où tout est à construire (Crédit Agricole Consumer Finance a commandé 10 000 Hopium lors du Mondial de Paris NDLR), je reste assez pantois sur l’évolution du monde de l’automobile.

 

J.A. : Vous parlez d’adaptation ? Comment ?

S.M. : Certains groupes de distribution sont devenus des acteurs avant tout financiers avec des levées de fonds et des tailles, qui jusqu’à présent, n’existaient pas dans la distribution automobile.  De par leur stratégie, notamment de créer leur propres enseignes de distribution, ils rentrent en concurrence directe avec le constructeur. C’est un phénomène qui existe d’ailleurs déjà dans d’autres domaines, celui de l’électroménager par exemple. Le client ne se rend pas dans un magasin Whirlpool ou Sony, mais bien chez Darty ou Boulanger. Cela pourrait arriver dans l’automobile.

 

J.A. : Ce qui signifierait que les marques pourraient être diluées et ne plus représentées autant qu’aujourd’hui ?

S.M. : La marque prend la main sur le produit, même en cas de multidistribution. À condition que les produits de cette marque continuent à se démarquer, que ce soit en termes de style, de prestations ou de technologies. Mais le problème aujourd’hui, c’est que les constructeurs s’attaquent à tous les domaines autour de la voiture autre que leur cœur de métier, c’est à dire concevoir et produire des modèles innovants. Certes, ce n’est pas nouveau et il y a eu de vraies réussites, comme le financement, mais il y a également des échecs, comme l’assurance. Cela brouille les pistes.

 

J.A. : Quelles est votre approche de la mobilité ?

S.M. : Tous les acteurs du monde de l’automobile, aussi bien constructeurs que distributeurs, se cherchent sur ce sujet. Et, fait nouveau dans l’écosystème automobile, ils ne sont pas les seuls. La banque, avec les acteurs de la location longue durée, la grande distribution (Leclerc dispose d’un parc de location de plus 25 000 voitures, en croissance de 49 %, NDLR), sans oublier des pure players, le nombre d’acteurs présents sur le marché pour offrir de la mobilité a littéralement explosé. Il faut donc, nous distributeurs, se positionner sur ce marché.

 

J.A. : Comment ?

S.M. : Je suis un groupe de taille moyenne, mais avec une forte implantation régionale et je suis très concentré géographiquement. Pour répondre aux questions de mobilité de mes clients, j’investis dans ce secteur, sans pour autant concurrencer mon activité principale. C’est pourquoi j’ai créé dernièrement un pôle mobilité dans lequel j’ai intégré deux marques chinoises, Seres et Leapmotor, ainsi que la marque de scooter espagnol Silence, qui viennent en complément des produits que je distribue,. En parallèle, je pense que la distribution automobile a tout intérêt à investir dans d’autres domaines, comme le véhicule sans permis, le véhicules de loisirs, la moto ou le poids-lourd afin de diversifier ses activités et surtout d’offrir des moyens de mobilité les plus larges possible, du deux-roues aux transports de marchandises, dans le but de capter le client. Comment mettre cela en place ? Je crois aux formules d’abonnement, avec par exemple des cartes à points. Mais cela demande des investissements importants et surtout beaucoup de logistique, d’où l’importance pour moi, d’être concentré géographiquement.

 

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J.A. : Les clients sont-ils prêts pour ce type de service ?

S.M. : Bonne question. C’est d’ailleurs une question classique dans le commerce : est-ce l’offre qui pousse la demande ou l’inverse ? Par définition, le consommateur est pluriel et dans la plupart des cas, il ne sait pas encore quel service il aura besoin dans le futur.

 

 

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