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Distribution

Moretto, un groupe qui a de la ressource

Publié le 5 mai 2025

Par Christophe Bourgeois
9 min de lecture
En un peu plus de trente ans et deux générations, le distributeur lorrain Moretto a construit un groupe aussi bien présent dans les grandes villes que dans les campagnes, représentant cinq marques tout en se diversifiant dans la moto et la voiture sans permis. Un éclectisme qui est une force et qui montre une grande agilité.
Groupe de distribution Moretto Ford
L'une des dix concessions Ford du groupe Moretto, implantée à Stiring-Wendel, près de Forbach. ©Groupe Moretto

"La quarantaine, n’est‑ce pas le bel âge pour investir ?" Cette réflexion, José Moretto a cer­tainement dû l’avoir quand, au début des années 1990, après une carrière de commercial pour les lubrifiants Motul en Lorraine, il se lance dans la distribution automobile.

 

Ce ven­deur hors pair décide alors de faire construire une concession à Verdun (55), son fief, avec son associé d’alors, Dominique Jean, un ancien agent Renault. Approché par une marque, cela sera finalement avec Ford qu’il signera.

 

Très vite, à une époque où la performance d’une conces­sion est intimement liée à celle des ventes de véhicules, José Moretto explose les compteurs. Un résultat qui lui permet en 1998 de reprendre une deuxième affaire, toujours avec l’Ovale bleu sur le fronton, celle de Bar‑le‑Duc (55).

 

Cette première ac­quisition sera le départ de près de trois décennies de croissance externe non‑stop. C’est également à cette pé­riode, en 2000 pour être précis, que Fabien, l’un des deux fils de José, rejoint l’affaire familiale. Une envie particulière ? "De ses deux enfants, j’étais probablement celui qui était le plus dédié à l’accompagner dans cette activité", présente Fabien.

 

Après des études de commerce, il va donc s’oc­cuper de la concession de Bar‑le‑Duc et part s’installer dans l’une des plus petites préfectures de France. Mais quelques mois plus tard, le décès soudain de l’associé de son père projette Fabien, accompagné rapide­ment par son frère Stéphane, encore plus dans l’entreprise.

 

Association familiale

 

En 2002, les trois hommes s’asso­cient et les concessions gagnent des parts de marché en local. En 2004, comme beaucoup de distributeurs Ford, ils intègrent alors le panneau Mazda à leurs deux points de vente. Mais cela ne leur suffit pas.

 

Soutenu par les bons résultats "avec des per­formances deux fois supérieures à celles de la marque au niveau natio­nal", Fabien veut se développer avec Ford.

 

 

Au gré de l’évolution du réseau, Saint‑Dizier (52) et Vitry‑le‑Fran­çois (51) sont disponibles. "D’une petite affaire de 25 personnes, nous sommes passés à une cinquantaine", se rappelle Fabien Moretto. C’est à cette période que le groupe commence à se structurer, tandis que José se retire progressivement pour laisser la barre à ses deux fils. 2009 marque l’entrée dans le réseau Nis­san, de nouveau à Saint‑Dizier, qui est la plus grande ville de leur zone de couverture.

 

Vitesse supérieure

 

La décennie 2010 sera celle où le groupe passera à la vitesse supé­rieure. Jusqu’à présent resté dans son département d’origine, en débordant légèrement sur la Haute‑Marne, des territoires très ruraux et peu den­sément peuplés, le concessionnaire découvre la distribution automo­bile près d’une frontière.

 

En 2012, il reprend, en effet, Ford à Longwy (54), à quelques encablures de la Belgique et du Luxembourg. "Il s’agit d’un territoire très compliqué avec assez peu de vie commerçante locale et tendu pour le recrutement, le Luxembourg voisin attirant la majorité des emplois, explique Fabien Moretto. Les affaires frontalières sont difficilement rentables car le coût sa­larial y est plus important que dans les autres concessions."

 

Un an plus tard, une quatrième marque vient s’ajouter au portefeuille. "Nous distribuons Hyundai à Verdun, Longwy et Saint‑Dizier, des territoires qui n’étaient pas couverts ou très peu par la marque", indique le dirigeant qui, à cette époque, détient sept sites et em­ploie 85 personnes.

 

En 2016, il accélère encore en re­prenant la concession Citroën et DS Automobiles à Saint‑Dizier. C’est à ce moment que le groupe se structure et intègre un nouvel asso­cié, Morgan Mayor qui s’occupait précédemment de la concession de Saint‑Dizier.

 

"Nous avons donné une nouvelle impulsion, se rappelle Fabien Moretto. Le groupe se devait de grandir aussi bien par volonté que par nécessité." Il affiche la stratégie de doubler son chiffre d’affaires en cinq ans.

 

Pour y arriver, une op­portunité s’offre à lui : la conces­sion Ford de Metz (57), à laquelle est rattachée celle de Thionville (57). Jusqu’à présent détenues par le groupe Gerbier, ces affaires sont à vendre.

 

Le défi est de taille. L’ag­glomération compte, en effet, plus d’habitants que tout le département de la Meuse. "Nous avons découvert des habitudes de consommation et de travail très différentes de celles que nous connaissions dans nos autres affaires", se remémore Fabien Mo­retto.

 

Mais arrive, en mars 2020, le confinement. "Reprendre une telle activité pour l’arrêter contraint quelques mois plus tard a été un sa­cré coup dur", poursuit‑il.

 

Frontière allemande

 

Une fois la pandémie passée, il re­prend en 2021 le panneau Ford à Stiring‑Wendel, dans la banlieue de Forbach (57), et à Sarreguemines (57).

 

Là aussi, c’est encore une autre façon de travailler, les deux adresses étant juste à la frontière allemande. "Celle de Sarreguemines est encore plus particulière, car elle est très liée au site de production Ford de Saar­louis, se trouvant de l’autre côté de la frontière, explique‑t‑il. Avec la fin programmée de l’usine, l’avenir risque d’être compliqué."

 

La même année, il se développe avec Mazda en reprenant les sites de Metz et de Thionville auprès de Philippe Blanquier, un des plus anciens et des plus importants concession­naires Mazda de France. En 2020, ce dernier pointait effectivement à la 3e place.

 

Si jusqu’à présent, le groupe n’a ces­sé de grandir depuis sa création, il est obligé en 2022 de céder l’affaire Citroën de Saint‑Dizier au groupe Féline. Avec le recul et la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui la marque, c’est un soulagement pour le dirigeant.

 

 

Cette cession lui permet surtout de se tourner vers un autre constructeur aux exigences beaucoup moins importantes que celles de Stellantis. "Nous intégrons Suzuki avec la reprise de la conces­sion de Metz au groupe PWA et nous ouvrons Verdun et Saint‑Dizier qui étaient des zones non couvertes", explique Fabien Moretto.

 

Diversification

 

Si le groupe Moretto fait une pause en 2023 dans l’acquisition de conces­sions automobiles, il ne cesse pas pour autant sa croissance externe.

 

Pour cela, il s’aventure sur d’autres terrains de jeu. Il se lance dans la voiture sans permis avec le pan­neau Ligier qu’il installe à Metz, tan­dis qu’à Verdun, il reprend son voisin, concessionnaire de deux‑roues (Ya­maha et Husqvarna).

 

"Mon frère est un passionné de deux‑roues, cela a été une belle opportunité pour nous déve­lopper", présente le dirigeant. Ces deux acquisitions sont surtout l’occa­sion de changer d’air et de retrouver une certaine liberté dans le com­merce, une liberté que le groupe dis­pose également avec le lancement, il y a quelques années, de son enseigne Labeloccaz, installée à Woippy (57), dans la banlieue de Metz. "Nous ré­fléchissons à la développer sur d’autres sites", glisse le dirigeant.

 

 

Seulement, le 10 janvier 2024, "je m’en souviens comme si c’était hier", s’émeut‑il, un coup de fil mettra en péril le groupe. "La concession Ford de Metz est en feu !", l’informe son interlocuteur au bout du fil.

 

"Tout s’arrête, lâche‑t‑il. C’est une situation pire que celle que nous avons connue à l’annonce du confinement." Un in­cendie accidentel dont les causes ne sont toujours pas expliquées un an après. "Même si notre siège est ici, à Belleville‑sur‑Meuse (55) [agglo­mération de Verdun, NDLR], tous nos serveurs informatiques étaient à Metz, poursuit‑il. Il a fallu très vite se remettre en ordre de bataille, trouver des solutions immobilières de repli, racheter tout le matériel. Les affaires de Metz, portées par Ford, représentent 30 % de notre ac­tivité", insiste Fabien Moretto.

 

Par chance, l’incendie, qui a pris en fin d’après‑midi, n’a blessé aucun des 46 collaborateurs que comptait le point de vente et a touché seulement une vingtaine de véhicules. "Nous avons la chance de disposer de deux autres sites, un à Woippy, un à Metz, tous deux avenue de Thionville, qui nous ont permis de relocaliser chacune de nos activités. Ford côté Woippy au 76 et Suzuki a rejoint nos locaux Mazda au 149", indiquait Morgan Mayor à nos confrères de France Bleu Lorraine un mois après le sinistre.

 

"Nous avons été très sou­tenus par nos marques qui ont ac­cepté cette situation transitoire qui perdure encore, car rien n’a encore été reconstruit. Nous ne sommes d’ail­leurs pas propriétaires des lieux et nous sommes encore en cours de dis­cussion sur ce que nous allons faire."

 

Restructuration

 

Cet incendie a également fait prendre conscience de la relative fragilité du groupe. "Nous avions grandi de façon empirique, sans réelle struc­turation, constate Fabien Moretto. Nous pensions déjà en 2023 à faire évoluer notre organigramme, mais le sinistre a précipité notre réflexion." Le groupe a ainsi constitué une équipe dirigeante, présidée par Fa­bien Moretto, dont font partie Mor­gan Mayor, en charge de la partie automobile, Stéphane Moretto, qui gère le deux‑roues et l’immobilier, ainsi qu’Hélène Poirot‑Villano, di­rectrice générale adjointe en charge des fonctions de support.

 

"Nous dis­posons de directions opérationnelles avec des responsables de pôle qui gèrent également des marques", poursuit le dirigeant. Car 34 ans après sa création, le groupe Moretto, qui est présent sur treize sites, réalise un chiffre d’affaires de 120 millions d’euros, a commercialisé 2 000 VN et 1 500 VO et emploie 250 colla­borateurs.

 

"Outre notre restructu­ration, nous travaillons activement pour optimiser les charges de nos points de vente, présente Fabien Mo­retto. En tant que distributeur dans des zones rurales, nous mutualisons sur un même lieu nos marques, tout en gardant bien sûr leurs univers res­pectifs. Notre politique est de disposer de concessions rentables plutôt que d’avoir de la rentabilité par marque."

 

 

C’est par exemple le cas à Saint‑Di­zier où les quatre marques repré­sentées (Ford, Hyundai, Nissan et Suzuki) vont être regroupées, tandis qu’à Verdun, une nouvelle conces­sion va voir le jour pour accueillir Mazda et Hyundai, trop à l’étroit aujourd'hui, et Suzuki rejoindra Ford et prendra la place laissée par ces deux marques. "Nous sentons que dans le contexte actuel, les construc­teurs sont aujourd’hui beaucoup plus souples qu’ils ne l’étaient aupa­ravant concernant la politique des showrooms", indique le dirigeant.

 

Début 2025, le groupe Moretto n’a pas mis fin à sa volonté de grandir encore. Il est à l’affût d’opportunités, mais pour des questions de cohésion et de rentabilité, principalement sur son territoire et dans les marques qu’il représente.

 

Toujours dans une logique de diversification, il projette également de se développer dans d’autres activités. "Pourquoi pas la location courte durée ?", lâche Fabien Moretto. Eh oui, pourquoi pas ?

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