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Distribution

Les agents Citroën vent debout contre le contrat de réparateur agréé de Stellantis

Publié le 22 novembre 2022

Par Christophe Bourgeois
9 min de lecture
A l'occasion de sa convention annuelle, le Groupement national des agents Citroën a présenté à ses adhérents les profondes modifications que va engendrer le nouveau contrat de réparateur agréé, rédigé par Stellantis. De son côté, le constructeur assure que ces évolutions ne changeront pas la relation qu'il aura avec le réseau.
Les agents Citroën sont inquiets sur les profondes évolutions que le projet du nouveau contrat de réparateur agréé pourrait entrainer. (©Arnaud TAQUET @ Continental Productions)

L’ambiance était électrique ce samedi 19 novembre 2022 au palais des Congrès de Paris-Saclay, à Massy (Esonne). Se tenait la convention annuelle du Groupement national des agents Citroën, (GNAC), présidé par Denis Baeza et qui a réuni 540 agents, soit plus d'un tiers du réseau français. Au menu de cette très longue journée : l'évolution du contrat de réparateur agréé.

 

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Présent à la convention, Citroën s'est voulu rassurant. La marque a rappelé maintes fois que "le cadre réglementaire du nouveau contrat était identique à celui de l'ancien." Pour la partie commerciale, les évolutions pour les apporteurs d'affaires que seront demain les agents ne modifieront pas la rentabilité ou le chiffre d'affaires de ces derniers. Le constructeur a assuré qu'il souhaitait préserver la même animation commerciale sur la base du volontariat et dans le cadre d'un minimum de volume, tout en voulant diminuer le coût de vente par véhicule.

 

Fiat et Opel comme enseigne

 

Il a également mis en avant les nouvelles opportunités que le groupe Stellantis offrait aux agents grâce au multimarquisme. Le constructeur souhaite en effet ouvrir des agences Fiat ou Opel au sein du réseau des agents Peugeot et Citroën, "en fonction du parc automobile présent sur le territoire à couvrir", a-t-il stipulé en s'appuyant sur le réseau déjà existant.

 

Le GNAC n’a pas lu ce projet de nouveau contrat avec le même regard. Lors de cette après-midi, l'avocate du groupement, Isabelle Bouvier, a mis en avant un certain nombre de différences que portait le contrat de réparateur agréé présenté au groupement par le constructeur. Et les évolutions sont nombreuses.

 

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Elles concernent notamment de nouvelles obligations d’achat, retirant aux agents toute la liberté d'aller se fournir auprès de revendeurs indépendants. Leur activité générale sera beaucoup plus contrôlée. Le contrat prévoit de nombreux audits, notamment sur les achats des pièces, sans que la liste soit exhaustive, sous peine de résiliation du contrat. "Cette mesure permet de contrôler la provenance des achats et leur destination finale, explique Denis Baeza. Cela revient à interdire la possibilité à un agent de revendre des pièces à une tierce personne."

 

Priorité à Citroën

 

Concernant la réparation, si jusqu'à présent, le constructeur ne se réservait aucune activité en après-vente, il semblerait que cela ne sera plus le cas. Citroën s'attribue en effet plusieurs services, comme la mise à jour à distance, le télédiagnostic et "tous autres services", "sans que soient indiqués quels seront ces services, ce qui ouvre la porte à une interprétation très large, observe Denis Baeza. Cela aura pour conséquence de  détourner une partie de nos activités, ce qui risque de réduire considérablement le chiffre d'affaires de l'agent."

 

Plus d'un tiers du réseau était présent à la convention organisée le 19 novembre par le GNAC à Massy (91).

 

Le contrat intervient également sur la vente de véhicules. Il indique que l'agent aura interdiction de vendre des véhicules d'occasion de moins de 3 mois et de moins de 1 500 km. Il aura interdiction d'exposer des véhicules dans ses locaux et que sa mission se bornera uniquement à gérer l'après-vente, incluant la garantie, l'entretien et la réparation. "On nous pousse, avec une telle clause, à devenir de simple réparateur agréé et non plus des commerciaux", regrette Denis Baeza.

 

RGPD difficile à respecter

 

Reste enfin un dernier point très sensible, celui du fichier des clients. Jusqu'à présent, le fichier clientèle appartient à l'agent réparateur. Ce dernier le transmet au constructeur dans le but de permettre notamment les rappels des véhicules, faire des enquêtes client ainsi que des actions marketing. S'y ajouteraient dans le nouveau contrat, des utilisations beaucoup plus amples du fichier.

 

Ces nouvelles utilisations ont plusieurs impacts. Le premier est leur incompatibilité avec le RGPD. "Le constructeur veut imposer à l'agent la qualification de responsable du traitement de toutes les données du client", relève Isabelle Bouvier. Ces mesures sont non seulement non conformes au RGPD, mais le constructeur ne met pas l'agent en situation de respecter la loi." Le deuxième est le transfert de l'activité. "Le constructeur peut orienter un prospect d'un agent vers une autre marque du groupe ou vers un autre agent de la marque", soulignent Isabelle Bouvier et Denis Baeza, qui rappellent que chaque agent est indépendant et responsable de son activité.

 

Transfert des données

 

Enfin, dernier point : le transfert des données clients vers le constructeur. "C'est probablement le sujet le plus problématique, insiste Denis Baeza. Les données, qui appartiennent à l'agent, seront transmises gratuitement et automatiquement au constructeur via les logiciels fournis par ce dernier, qui, eux sont payants". "Le fichier clientèle est un élément déterminant du fonds de commerce", rappelle Isabelle Bouvier. Les enjeux financiers sont donc très importants pour l'agent.

 

Sur le multimarquisme, le projet de contrat reste assez flou. Jusqu'à présent, l'agent avait la possibilité de commercialiser, d'entretenir et de réparer d'autres véhicules que des modèles Citroën ou des marques du groupe en respectant certaines conditions. Si le nouveau contrat semble muet sur l'autorisation du multimarquisme, il indique que l'agent doit néanmoins respecter les standards des marques dans ses locaux et qu'il doit informer le constructeur avec un préavis de 60 jours s'il veut les utiliser pour d'autres marques. "Dans les faits, c'est interdire le multimarquisme", résume Denis Baeza.

 

Des commandes en chute

 

Les nouvelles clauses du contrat pourraient entraîner également des difficultés pour céder son activité. Enfin, en cas de litige avec le constructeur, il sera beaucoup plus difficile de se retourner contre lui. Si les différends se règlent aujourd'hui devant un tribunal français, le contrat prévoit de les remplacer par un arbitrage géré par trois arbitres, "ce qui est synonyme d'une procédure longue et coûteuse ", souligne Denis Baeza. En outre, le résultat sera confidentiel. Cela signifie que l'agent concerné aura l'interdiction de communiquer avec ses paires ou ses confères sur le sujet. Nous y voyons ici une mesure pour éviter toute action groupée vis à vis du constructeur en cas de problème."

 

Outre le fond, le GNAC est très remonté contre la stratégie mise en place par le constructeur. Denis Baeza a fortement regretté le fait qu'il n'y ait eu aucun échange depuis un an avec certains représentants de la marque et ce, dans un contexte économique très compliqué.

 

Citroën est en effet en mauvaise posture. Depuis le début de l'année, les ventes ont reculé de 19,3 % et la marque n'occupe plus qu'une part de marché de 8,8 %, alors que sa position « naturelle », se situe autour de 10 et 11 %, une ambition qui pourrait être difficile à tenir. Selon nos informations, le nombre de commandes aurait chuté de 300 000 commandes en 2021 à 100 000 depuis le début de l'année.

Des primes peu accessibles

 

Le recul des ventes au cours de l'année a fortement pénalisé la rentabilité du réseau. D'autant plus que selon une partie des agents présents dans la salle, leurs objectifs n'auraient pas évolué. Sur les agents qui sont admissibles à prime de volume, il semblerait qu'entre 20 et 30 % d'entre eux, les chiffres divergent entre le GNAC et le constructeur, y soient éligibles. Le constructeur a reconnu que cela était trop peu et qu'il ferait le nécessaire pour que ce pourcentage augmente.

 

Les nouveaux standards des points de vente Citroën (concession d'Evreux - groupe Bayi)

 

Le réseau a également été très énervé par la politique d'image de marque de Citroën. Le premier grief porte sur le fait qu'il l'a appris via la presse et qu'aucune information n'ait été faite en direction des agents. En outre, un certain nombre d'eux ont investi dans l'ancienne signalétique seulement quelques mois avant la présentation de la nouvelle. Dans certains cas, ces investissements ont représenté une dizaine de milliers d'euros.

 

Conscient du problème, le constructeur, qui a demandé à son réseau de se mettre aux nouvelles normes d'ici la fin 2024, a octroyé cinq ans pour ceux qui aurait récemment investi dans les anciens panneaux. Un geste qui n'a pas été considéré satisfaisant pour répondre aux investissements demandés. Face au mécontentement, Citroën serait prêt à faire un geste financier.

Envol des charges en SAV

 

Concernant l'après-vente, le réseau était également fortement très mécontent face aux problèmes très fréquents des logiciels fournis par le constructeur ainsi que la politique tarifaire de certains outils, notamment le matériel informatique, dont les tarifs se sont envolés. Il était tout aussi remonté face à l'augmentation du prix des abonnements et de certaines pièces détachées, notamment des pièces d'usure comme les plaquettes de freins.

 

Et la réponse du constructeur n'a pas calmé les agents présents dans la salle. Si ce dernier leur a conseillé de répercuter les hausses tarifaires à leurs clients, le réseau n'a pas tardé à faire remarquer, "qu'avec la hausse des prix, les clients fuyaient le réseau du constructeur pour se rendre chez la concurrence".

 

Pour rappel, les 3400 agents Peugeot et Citroën représente 20 à 25 % des ventes de véhicules des deux marques, 40 % de l'activité des plateformes de pièces de rechange et 60 % de l'activité après-vente au sein du réseau du constructeur. Le constructeur reconnait que la situation des agents en France est unique dans le monde. "Elle n'a pas été prise en compte lors de l'édition de ce contrat", déplore Denis Baeza.

 

Le GNAC a également fortement reproché le calendrier porté par le constructeur pour la signature du contrat ainsi que sur les clauses de confidentialité, "qui ne semblent pas justifiées, si rien ne change comme nous l'assure le constructeur, souligne Denis Baeza. Promis en septembre, les contrats finalisés ne seront pas disponibles avant Noël et on vient de nous annoncer que cela sera plutôt fin janvier, ce qui nous laisse que quelques mois pour nous retourner. On sent vraiment que le constructeur joue contre la montre et veut passer en force." Face à l'opposition que le constructeur a dû affronter lors de cette réunion plénière, il semblerait que cela sera un peu plus compliqué qu'il ne l'avait espéré.

 

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