Le sort du groupe Midi Auto entre les mains d'un comité interministériel
Dans quelques semaines, en mai 2023, le préavis qui doit aboutir à la résiliation du groupe Midi Auto des réseaux de distribution de Stellantis, arrivera à échéance, sans qu'un nouveau contrat ne lui ait été proposé. "A ce jour, Stellantis n'a trouvé aucun repreneur pour les affaires du groupe Midi Auto et aucune cession de site n'a consécutivement pu être étudiée par le dirigeant, Bernard Hory", explique Me Renault Bertin, avocat du groupe de distribution.
Midi Auto dispose de 30 entreprises de services automobiles dont 27 concessions exclusivement de marque Peugeot, Citroën et DS, deux plateformes Distrigo et Autopuzz, un site de distribution de pièces de rechange multimarque. Le groupe se positionnait 22e de notre Top 100 des distributeurs automobiles du Journal de l'Automobile paru en juillet 2022. Il emploie 1 350 salariés dans quatre zones géographiques en France (Normandie, Bretagne, Centre ouest et Sud est) et surtout caracole depuis de nombreuses années aux premières places dans le classement des groupes jugés parmi les plus performants du réseau.
Trois ans de bataille juridique
Ce nouvel épisode pourrait signifier l'épilogue d'une longue dégradation des relations entre le constructeur et l'entreprise de distribution qui a débuté en novembre 2018. Date à laquelle le groupe avait eu connaissance de la résiliation de son contrat de plateforme de pièces de rechange en Bretagne. A cette date, le constructeur suspend ce contrat en accusant la plateforme de le contourner pour alimenter en pièces d'origine d'autres revendeurs indépendants. Des faits qui ne sont pas contestés par le distributeur mais qui a décidé de prouver de son côté que Stellantis & You (ex-PSA Retail) avait les mêmes pratiques.
Depuis trois ans, les deux parties prenantes se livrent une bataille acharnée devant la justice. Pour mémoire, PSA (à l’époque) a reproché à cette plateforme, la société Ma Pieces Autos Bretagne, un an après sa création, d’avoir effectué des cessions internes de pièces de rechange à une autre société du groupe, la société Autopuzz revendeur indépendant de pièces de rechange qui les a revendues soit sur internet à des utilisateurs finals soit aux réparateurs agréés et distributeurs agréés de pièces du groupe Midi Auto, si bien qu’aucune pièces ne s’était finalement retrouvée revendue sur le marché parallèle.
Peugeot avait alors résilié le contrat de Distributeur Officiel de Pièces de Rechange et Accessoires (DOPRA) de Ma Pieces Autos Bretagne le 14 novembre 2018 à effet immédiat pour violation de l’article VI faisant interdiction à chaque distributeur Officiel de Pièces de Rechange et Accessoires de revendre des pièces d’origine à des revendeurs professionnels n’appartenant pas à leur réseau encore dénommés revendeurs parallèles ; s’en était suivie une longue bataille de reprises et d’interruptions de ce contrat de DOPRA. Dans le même temps, le groupe Midi Auto déclarait posséder des preuves que PSA laissait les plateformes de distribution de pièces, contrôlées par sa propre filiale de distribution, effectuer les mêmes pratiques.
Dans un arrêt du 10 novembre 2022, la cour d’appel de Paris a considéré que : "Alors que les actions envisagées par les sociétés requérantes sont susceptibles de prospérer s'il s'avère établi que les sociétés du groupe Stellantis ont elles-mêmes, dans des proportions importantes, violé la clause d'étanchéité contenue dans leurs contrats de DOPRA, il ne peut être considéré que le groupe Midi auto poursuit un but illégitime en cherchant à établir le caractère abusif de son exclusion par le groupe Stellantis des réseaux de distribution et de réparation agréée Peugeot, Citroën, DS et Eurorepar, et même à se voir réintégrer dans ce réseau alors qu'il en va selon lui de sa survie économique".
En conséquence, la cour a désigné un huissier de justice afin de recenser toutes les ventes de pièces faites par les plaques Distrigo contrôlées par Stellantis à des revendeurs hors réseau entre 2017 et le 31 juillet 2022. Le résultat de cette mesure, s’il s’avère probant, pourrait mettre à mal toute l'accusation du constructeur. selon l'avocat du groupe de distribution, " il serait alors démontré que Stellantis a détourné la clause d’étanchéité de l’article VI 1° de ses contrats de DOPRA pour opérer une discrimination entre ses distributeurs privés et ceux de son groupe afin de réserver le monopôle de l’accès d’un marché à son seul groupe."
L’autre conséquence serait de rendre fautive la résiliation du contrat de DOPRA de la plateforme Ma Pièces Autos Bretagne du 14 novembre 2018 et le non-renouvellement de tous les contrats des concessions et de la plateforme DOPRA de Limoges du groupe.
Le Sénat interroge Bercy
Même si les relations contractuelles entre les deux parties sont censées prendre fin dans un peu plus de trois mois maintenant, les différends n'ont pas trouvé d'issue. Loin de là. Et l'affaire pourrait bien tourner au vinaigre depuis l'appel au ministère de l’Économie par le sénateur du Tarn-et-Garonne, Pierre-Antoine Levi (groupe Union centriste).
Ce dernier a interpellé Bruno Le Maire, en décembre 2022, dans le cadre d'une question écrite sur les difficultés rencontrées. "Bien que le groupe Stellantis ait annoncé que les distributeurs les plus performants ne seraient pas impactés par cette mesure, et qu'ils verraient leurs contrats reconduits, le groupe Midi-Auto a été officiellement informé qu'aucun des contrats de réparateur agréé et de distributeur agréé des véhicules neufs des 27 concessions du groupe ne serait renouvelé.
Ainsi, on compte 27 entreprises performantes, employant 1 300 salariés, menacées par le groupe Stellantis. De telles suppressions de postes s'avèrent dramatiques pour ces salariés et auront des répercussions majeures sur les territoires de ces 27 concessions. Ainsi, il souhaiterait savoir ce que compte faire le gouvernement pour éviter la décision arbitraire et injustifiée du groupe Stellantis de supprimer 1 300 emplois", présente le sénateur.
Le Ciri devra trancher
La réponse du ministère est intervenue au début du mois de février. Ce dernier renvoie le dossier entre les mains du Ciri (Comité interministériel de restructuration industrielle). " Celui-ci a pour mission d'aider les entreprises en difficulté à élaborer et mettre en œuvre les solutions permettant d'assurer leur pérennité et leur développement. Le Ciri répond à plusieurs principes directeurs garantissant la neutralité, la réactivité, la confidentialité et le traitement équitable des relations entre les parties prenantes, afin de faire émerger un accord unanime. Le Ciri a donc pu prendre attache de Midi Auto, et les discussions sont en cours pour essayer de voir comment trouver une solution au différend entre Stellantis & Midi Auto. Le gouvernement sera particulièrement vigilant sur l'évolution de cette situation", précise le ministère dans sa réponse.
Pas de vente de concessions
Le comité interministériel va rendre sa décision ans le courant du mois de février 2023. Mais d'ores et déjà, Me Bertin pointe les complications à venir : "Si aucun accord n'est trouvé entre mon client et le groupe Stellantis, la poursuite des activités de distribution des marques représentées ne pourra se faire que dans un cadre précis. Tout successeur se verra appliquer le transfert des salariés du groupe Midi Auto en application de l'article L 1124-1 du code de travail". Ce dernier prévoit que "lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise."
A cette difficulté devrait également s'ajouter une action en responsabilité qu’engagera cet avocat contre tout successeur non cessionnaire pour spoliation du fonds de commerce et enrichissement sans cause ce qui pourrait compliquer sérieusement l’existence de ceux qui accepteraient d’être agréés par Stellantis pour succéder à une ou plusieurs concessions du groupe Midi Auto. Une plainte qui viendrait rejoindre les discussions futures à l'Assemblée nationale sur les relations entre distributeurs et constructeurs.
Dans l’hypothèse où aucune solution ne serait trouvée avant la fin du préavis, Me Bertin a déclaré vouloir saisir le juge des référés pour que soit ordonnée sous astreinte la poursuite des relations commerciales entre chaque concession du groupe et Stellantis "jusqu’à ce qu’une solution amiable ou une décision judiciaire définitive ne règle les questions relatives au maintien des 1300 emplois en jeu et la juste indemnisation des préjudices indument causés au groupe Midi Auto".
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