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Constructeurs

Véhicule électrique : des REEV d’autonomie

Publié le 16 mai 2025

Par Christophe Jaussaud
10 min de lecture
Les véhicules électriques à autonomie étendue (REEV), grâce à un bloc thermique jouant le rôle de générateur, réunissent le meilleur des deux mondes sur le papier en gommant le problème de la recharge et de l’endurance. Cette technologie décolle réellement en Chine mais qu’en sera-t-il en Europe ?
Leapmotor estime que la moitié des C10 vendus en Europe seront équipés de la technologie REEV. ©Leapmotor

Le centre de gravité de l’automobile électrique s’étant déplacé en Chine, il est toujours important de s’arrêter sur les évolu­tions de ce marché. Depuis quelques années déjà, les véhicules électriques à autonomie étendue, souvent bap­tisés REEV (Range Extended Elec­tric Vehicles), y connaissent un joli succès.

 

Mais qu’est‑ce qu’un REEV ? Il s’agit d’un véhicule dont la pro­pulsion est toujours assurée par un moteur électrique, avec une auto­nomie substantielle et une prise de recharge, qui embarque un moteur thermique jouant le rôle de géné­rateur pour fournir de l’énergie. La Chine s’est éveillée aux REEV en 2020 et les ventes ne font que croître depuis. La progression a été de 166 % en 2023 et en 2024, ils représentaient 10,2 % des transactions des modèles « nouvelles énergies », alors que les PHEV étaient à 27,6 % et les BEV à 62,2 %.

 

Un appétit qui se traduit logiquement dans la production. Ainsi, d’après S&P Global Mobility, les REEV ont constitué 4,1 % de la production chinoise en 2024, alors que les PHEV représentaient 13 %. En 2023, les REEV se limitaient à 2,3 %. La progression est donc signi­ficative. Les meilleurs représentants de la catégorie en Chine sont les L6 et L7, deux SUV de Li Auto, ou en­core les M7 et M9 d’Aito (JV entre Seres et Huawei), deux grands SUV.

 

Y a‑t‑il des productions de REEV en Europe ? Sur notre continent, rien ou pas grand‑chose. Après le Ford Tran­sit Custom PHEV en 2023, le LEVC TX (la réplique des taxis londoniens appartenant à Geely) était l’un des rares modèles produits en Europe (enfin, au Royaume‑Uni, près de Co­ventry) avec cette technologie.

 

Leapmotor C10 : la moitié des ventes en REEV

 

La technologie n’est pas nouvelle mais semblait avoir été rayée des tablettes avec l’annonce de l’implacable montée en puissance de la voiture électrique à batterie. Mais le plan ne se déroule pas comme prévu et il faut trouver des astuces pour lever les freins à l’électro­mobilité.

 

Ainsi, un modèle REEV est, comme son nom l’indique, électrique mais permet d’atténuer les craintes liées à l’autonomie et à la recharge. Le moteur thermique joue alors le rôle d’un groupe électrogène pour fournir du courant une fois la batterie vide.

 

"L’autonomie des véhicules électriques reste encore un sujet d’inquiétude pour de nombreux clients, explique Julien Bich, directeur marketing de Leap­motor France, et il faut reconnaître qu’ici en Europe, comme en Chine, il n’est pas facile pour les automobilistes de changer leurs habitudes. Avec cette technologie, il y a une incontestable réassurance sur la question de l’auto­nomie, tout en faisant un premier pas vers l’électrique. Leapmotor est une marque électrique mais grâce à cette technologie REEV, nous offrons aussi une alternative."

 

L’Europe a déjà vu de tels modèles sur son marché : les Opel Ampera, BMW i3 REX ou encore aujourd’hui le SUV Mazda MX‑30 R‑EV. Aucun d’entre eux n’a vraiment connu le succès.

 

 

Mais cette technologie fait donc re­parler d’elle avec l’arrivée en France et en Europe, durant le mois d’avril, du Leapmotor C10 REEV. Ce SUV chinois, jusqu’ici disponible en 100 % électrique à batterie, débarque en an­nonçant 974 km d’autonomie en com­binant sa batterie LFP de 28,4 kWh et un bloc thermique.

 

Une fois la batte­rie vide, le 1.5 essence (68 ch) vient la recharger et ainsi prolonger le voyage sans problème de recharge. Fiscale­ment, le C10 REEV n’apparaît pas hors du coup car avec sa batterie autorisant 145 km d’autonomie électrique, selon le constructeur, les émissions de CO2 homologuées sont donc faibles avec seulement 10 g/km dans le cadre du cycle WLTP.

 

Leapmotor est convain­cu de son succès en Europe : "Nous prévoyons qu’un C10 sur deux vendus en Europe sera équipé d’un prolonga­teur d’autonomie", affirme Tianshu Xin, CEO de Leapmotor Internatio­nal.

 

 

 

 

Une proportion que Julien Bich reprend aussi à son compte : "Notre défi est maintenant de bien expliquer le fonctionnement de cette technologie pour en tirer le meilleur, avec ses 4 modes de conduite, mais surtout de faire essayer ce modèle dans nos conces­sions." Dans l’Hexagone, le véhicule sera affiché à 37 400 euros et même 35 590 euros au lancement, soit au même prix que la version électrique classique.

 

Un tarif qui reste compétitif malgré les taxes à l’importation. En ef­fet, le C10 REEV est produit en Chine et il est considéré comme un véhicule électrique par l’Europe, donc il est soumis à 20,7 % de droits de douane supplémentaires. Et comme une mau­vaise nouvelle n’arrive jamais seule, en France, le modèle est classé dans la ca­tégorie des hybrides rechargeables et devra en plus s’acquitter d’un malus au poids de 2 390 euros. Quelle que soit la réussite du C10 REEV, son parcours va être scruté à la loupe.

 

Hyundai et Volkswagen vont entrer sur le marché des REEV

 

Bien que cette technologie semble de transition, les grands groupes automo­biles avec une empreinte mondiale ne peuvent ignorer la tendance chinoise sur le range extender. Stellantis n’a pas eu à investir directement puisque Leapmotor en dispose en Chine. Ce qui fait dire à Julien Bich que "nous avons une longueur d’avance sur cette technologie avec le succès du C10 REEV".

 

Cela étant, des ripostes se préparent. La marque Volkswagen, en plus d’entrer sur le marché des HEV en Europe avec le prochain T‑Roc, va aussi proposer un SUV REEV en Chine, dans le cadre de sa coentre­prise avec SAIC. Dévoilé lors du sa­lon de Shanghai, le concept de SUV baptisé ID. Era cachera un prolonga­teur d’autonomie. De quoi offrir une endurance totale voisine de 1 000 km en mêlant la batterie (300 km) et l’alimentation électrique via le bloc thermique (700 km). L’allemand va aussi introduire une technologie si­milaire aux États‑Unis avec sa marque Scout.

 

Alors que Volkswagen va entrer sur le marché des HEV en Europe, en Chine, il va proposer un SUV REEV, préfiguré par le concept ID. Era. ©Volkswagen

 

Le groupe Hyundai, lors de la présentation de son dernier plan stratégique pour les années à venir, a également indiqué que de tels pro­duits seraient bientôt une réalité. Le groupe sud‑coréen annonce, en effet, qu’en 2027, cette technologie fera ses débuts sur des SUV Hyundai et Ge­nesis du segment D, essentiellement à destination de l’Amérique du Nord et de la Chine. Il a même annoncé un objectif de 80 000 unités par an.

 

Cette technologie, en étant électrique sans l’être, pourrait permettre de lever des freins sur des marchés où l’électrique à batterie peine encore à trouver sa place, comme aux États‑Unis où ce type de propulsions n’est pas la prio­rité de Donald Trump. D’ailleurs, Ram, la marque de pick‑up de Stel­lantis, propose un Ram 1500 Charger. Le principe reste identique, avec un bloc thermique qui fait office de géné­rateur, mais dans cette version, on re­trouve toute la démesure américaine.

 

En effet, le moteur thermique du pick‑up, qui produit l’électricité une fois que la batterie de 92 kWh est vide, est un V6 3.6 Pentastar. Le Ram ainsi équipé affiche 663 ch, avec un mo­teur électrique de 250 kW (340 ch) à l’avant et de 238 kW (323 ch) à l’ar­rière et 1 100 km de rayon d’action. Le marché américain est aussi dans le viseur de Nissan, dont la technologie e‑Power peut, en partie, s’apparenter à du REEV.

 

L’alternative Nissan e‑Power

 

La technologie e‑Power de Nissan entre‑t‑elle dans la catégorie des REEV ? Elle en est proche dans le fonc­tionnement avec un entraînement ex­clusif par un moteur électrique et un bloc thermique comme générateur. Mais avec sa petite batterie de 1,8 kWh, le système ne permet pas une autono­mie 100 % électrique digne de ce nom.

 

Finalement, l’e‑Power est plus proche du fonctionnement des modèles full hybrid HEV. Ce manque d’autonomie électrique pénalise aussi ces véhicules Nissan au regard des émissions de CO2, selon le cycle WLTP, car un Qashqai affiche entre 117 et 119 g/km et un X‑Trail entre 130 et 133 g/km. Cela étant, Nissan va poursuivre le développement de cette offre avec une troisième génération de sa technologie.

 

 

 

 

Un nouveau bloc 1.5 fera son apparition et le nippon promet une baisse de consommation à haute vitesse de l’ordre de 15 %. Malgré des doutes sur l’intérêt de cette technolo­gie vue d’Europe, il faut souligner son succès. En effet, en 2023, 42,6 % des véhicules Nissan vendus au Japon étaient des e‑Power.

 

Depuis son appa­rition en 2016 sur une Note, la tech­nologie gagne tous les continents. Elle est arrivée en Chine en 2021 sur la Sylphy et naturellement en Europe sur les Qashqai et X‑Trail en 2022. Depuis cette date, plus de 250 000 vé­hicules e‑Power ont pris la route sur notre continent et dès 2026, le nippon devrait lancer son e‑Power en Amé­rique du Nord.

 

Les PHEV et REEV en sursis en Europe ?

 

Si le potentiel de la voiture électrique à autonomie étendue semble, sur le papier, relativement important sous nos latitudes (à l’image de celui des PHEV), dans la réalité, il n’apparaît pas aussi large que cela compte tenu des réglementations européennes et de la fiscalité sur les émissions de CO2. Surtout en France.

 

En fait, si l’on regarde en détail, les REEV et les PHEV de nouvelle génération ne sont pas si éloignés et font face aux mêmes problématiques. En effet, une Golf ou une Audi A3 PHEV vont, par exemple, proposer jusqu’à 140 km d’autonomie électrique (145 km pour le Leapmotor C10 REEV), avant que le moteur thermique n’entre en ac­tion. Un bloc essence qui va alors as­surer la propulsion et qui peut aussi recharger la batterie.

 

Un double rôle que n’a pas le moteur du REEV qui s’en tient à la création d’énergie et peut fonctionner de façon optimale (par exemple, à un régime constant) pour limiter la consommation. Vue d’Eu­rope, la technologie REEV n’apporte finalement guère plus que les PHEV modernes. Mais dans les deux cas, ces technologies n’ont pas un avenir assu­ré avec la trajectoire zéro émission de 2035, puis la régulation qui s’annonce.

 

 

 

 

En effet, depuis 2021 et la remontée d’informations sur la consommation réelle des PHEV, l’Union européenne a bien vu que les homologations ne correspondaient pas à la réalité. Ainsi, dès 2025, avec la norme Euro 6e‑bis, le parcours d’homologation RDE (Real Driving Emissions) est passé de 800 à 2 200 km. Donc, si un BMW X1 xDrive 25e était réhomologué aujourd’hui, il passerait de 45 g/km à 96 g/km. La situation va encore se durcir en 2027 avec la norme Euro 6e‑bis‑FCM qui passera notam­ment le parcours pour valider la consommation moyenne à 4 260 km. Dans ce cas, le petit SUV munichois PHEV atteindrait 122 g/km.

 

Pour ces deux normes, les échéances de 2025 et 2027 s’entendent pour les nouvelles homologations. Un an plus tard, donc en 2026 et 2028, elles s’appliqueront à tous les modèles PHEV sur le marché. Autant dire qu’avec de telles émis­sions, un PHEV n’aurait plus de sens en France (et même en Europe) avec les niveaux des malus (CO2 et poids). Le REEV étant considéré comme un PHEV par l’administration française, la conclusion est identique.

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