Hyundai lance un plan à dix ans
À la fin du mois d’août, Hyundai Motor Company a dévoilé les grands axes de son plan stratégique décennal. En prenant pour base l’exercice 2023, le sixième constructeur mondial aspire à gagner 30 % de volume pour atteindre une cadence annuelle mondiale de 5,55 millions de ventes dès 2030. Le tout en dégageant entre 8 et 10 % de marge opérationnelle.
"Ce plan se compose de dimensions industrielle et technologique intéressantes avec une part de rêve pour les investisseurs", réagit un observateur. "Nous avons affaire ici à un constructeur qui n’est pas considéré à sa juste mesure, rebondit Sébastien Amichi, associé au cabinet Kearney. Son dernier plan stratégique a été exécuté avec minutie, lui assurant une croissance continue depuis dix ans. Ce nouveau projet d’entreprise s’inscrit dans la tradition asiatique du temps long grâce à une vision claire du marché."
Hyundai va consacrer l’équivalent de plus de 80 milliards d’euros, au cours des dix prochaines années, dont un peu plus de 36 milliards, dans les activités de R&D, un peu plus de 34 milliards d’euros dans les capex et quelque neuf milliards d’euros dans des investissements stratégiques.
Pas uniquement des VE
Il s’agit avant tout de démultiplier les gammes de Hyundai et Genesis. Le nombre de modèles hybrides va doubler pour compter 14 références au catalogue. Éric Kirstetter, associé chez Roland Berger, salue le volet concernant l’hybridation : "Leur nouvelle plateforme permettra d’adapter la technologie à bien plus de segments, à la fois aux États‑Unis et en Chine. Le tout en étant plus compétitifs en termes de performances et de tarification."
Cette nouvelle génération de propulsion hybride renforçant l’image avant‑gardiste du constructeur arrivera sur le marché dès janvier 2025. Hyundai souhaite en doter 1,33 million de véhicules dans le monde en 2028, soit 40 % de plus que l’an passé. Sans laisser de côté le marché domestique et l’Europe, il misera sur l’Amérique du Nord, où un potentiel de 690 000 immatriculations annuelles d’ici 2030 a été estimé.
En parallèle, au terme de la campagne d’investissement, 21 modèles de véhicules électriques porteront le blason de Hyundai ou Genesis. À lui seul, ce segment cumulera 2,2 millions de ventes annuelles à la fin de la décennie. "Il faut souligner la prudence et le réalisme de Hyundai qui garde un mix équilibré entre les trois principales technologies de batterie en attendant d’avoir plus de visibilité", glisse Éric Kirstetter.
En plus des packs NMC (nickel‑manganèse‑cobalt) et LFP (lithium‑fer‑phosphate), les ingénieurs mettront au point une nouvelle batterie NMC plus performante, a expliqué Hyundai durant sa conférence.
Cependant, le constructeur ne fait pas l’autruche. Percevant des signes de faiblesse du marché mondial des voitures électriques, il trouve une parade avec une motorisation électrique intégrant un prolongateur d’autonomie fonctionnant à l’essence, qui n’est pas sans rappeler les BMW i3 et i8. "Avec des voitures dotées de 900 km d’endurance, Hyundai pourra adresser les poches de résistance à la mobilité électrique et assurer une croissance des volumes", anticipe Sébastien Amichi.
Il s’agit en particulier de l’Amérique du Nord et de la Chine, où la technologie fera ses débuts commerciaux en 2027, avec un objectif supérieur à 80 000 unités par an, notamment sur des D‑SUV de Hyundai et Genesis peu appropriés au 100 % électrique.
L’Inde en place forte
Il faut des capacités de production. La direction de Hyundai Motor Company ne chôme pas pour gagner une capacité d'un million de VE. Cela passera, entre autres, par la nouvelle usine d’Ulsan, en Corée du Sud, qui sortira 500 000 véhicules par an. Il faudra aussi compter sur le site hors norme de Pune, dans l’ouest de l’Inde, au potentiel d'un million d’unités à l’année.
L’Inde va devenir une pièce majeure du plan de Hyundai. "En 2035, l’Inde sera plus dynamique que la Chine et les véhicules seront de plus en plus équipés. Il faut prendre position dès maintenant et Hyundai s’y emploie", décrypte Éric Kirstetter. L’introduction remarquée de la filiale Hyundai India à la Bourse de Mumbai, le 22 octobre 2024, va dans ce sens.
Par ailleurs, Hyundai Motor Company prévoit de maximiser l’utilisation de ses installations en Chine et en Indonésie, tout en augmentant activement sa part de marché grâce à ses activités CKD (voitures en kit) au Moyen‑Orient, en Asie‑Pacifique et dans d’autres régions. "En Europe, la stratégie de localisation de la production devrait s’accentuer pour contourner les barrières douanières", anticipe un autre analyste.
Des voitures autonomes pour compte
Les usines de Hyundai seront aussi mises au service de tiers. Dans sa vision stratégique, le constructeur fait des sociétés technologiques des relais de croissance. Il parle de "fonderie" et le choix du mot a son importance. "Ce terme renvoie à l’industrie des composants informatiques", souligne Sébastien Amichi.
Les voitures seront livrées à des spécialistes de l’automatisation de la conduite, comme le "grand nombre" d’exemplaires de Hyundai Ioniq 5 destinés à Waymo One, la flotte de taxis robotisés. "D’autres Gafam pourraient revenir dans la course en signant un partenariat", imagine le consultant.
Hyundai Motor Company n’avancera pas seul. Le constructeur diversifie les collaborations. Avec General Motors, il jette les bases d’une coopération dans divers domaines de R & D et de production. Avec Skoda, il se concentrera sur l’hydrogène et un écosystème de mobilité. Avec Kia, Samsung et Dot42, il préparera les architectures logicielles. Avec Iveco, il a plus concrètement lancé une plateforme de VUL électrique à l’IAA de Hanovre.
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