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Constructeurs

Skoda : itinéraire discret d’une marque devenue incontournable

Publié le 27 décembre 2024

Par Nabil Bourassi
7 min de lecture
La marque tchèque Skoda, filiale du groupe Volkswagen, continue de croître sur un marché pourtant déprimé. Elle est profitable et gagne du terrain au point d’être passée devant Renault et Peugeot sur le marché européen. Récit d’une réussite.
Skoda stratégie payante
6 % de part de marché en Europe entre janvier et septembre 2024, Skoda dépasse Renault et Peugeot. ©Skoda

Renault surclassée par Skoda en 2024. C’est peut‑être un détail pour vous, mais cela en dit long sur la re­marquable trajectoire de croissance de la marque tchèque qui, affublée d’une piètre réputation de marque secondaire de la constellation Volk­swagen, s’est imposée comme un pilier incontournable du marché européen. Vieille de 150 ans, elle a poussé l’insolence en faisant mieux que la plupart des autres marques de sa puissante maison mère.

 

Sur les trois premiers trimestres de l’année, Skoda a affiché une marge opérationnelle de 8,3 %, là où celle de la marque Volkswagen est en chute libre (3,4 %), tandis que celle du groupe plafonne à 6 %.

 

Les pro­fits ont augmenté plus vite que les ventes (+35 % pour le bénéfice d’ex­ploitation, contre une hausse de 4 % du chiffre d’affaires à plus de 20 milliards d’euros). Hors VU, elle s’octroie une part de marché de 6 % en Europe et frôle les 7 % en septembre. Skoda passe devant Re­nault et Peugeot qui se contentent chacune de 5,4 % du marché.

 

Et la marque est à l’aube d’une nou­velle vague de lancements de produits qui pourrait encore accélérer cette offensive commerciale. Elle vient de rafraîchir plusieurs modèles dont le best‑seller (de loin), l’Octavia, avec 165 000 immatriculations entre jan­vier et septembre 2024 (+14 %).

 

Le deuxième modèle le plus vendu, le Ka­miq, avec 92 000 unités (+8 %) a aussi été restylé cette année. La marque a également profité du déploiement des nouvelles générations de Superb et Kodiaq dévoilées en 2023.

 

Désormais, Skoda va surtout conso­lider son emprise sur le marché de la voiture électrique où elle était peu présente. Ainsi, l’Enyaq sera re­joint par l’Elroq dont les premières livraisons sont attendues en 2025. Ce SUV sera plus compact et plus accessible que son aîné qui n’a pas dé­mérité en décrochant la 4e place des voitures électriques en 2023.

 

Skoda va également diversifier sa gamme avec des PHEV (hybrides rechargeables) disposant d’une auto­nomie de plus de 100 km.

 

Les retraits de Chine et de Russie ont coûté 450 000 à 500 000 voitures

 

Avec ce rythme de renouvellement de sa gamme, Skoda consolide sa position de marque généraliste et peut désormais relancer sa stratégie d’internationalisation hors d’Eu­rope.

 

Il faut dire que l’après‑Covid n’a pas été une mince affaire pour la marque tchèque. En 2023, elle a dû tirer un trait sur son deuxième marché mondial, la Russie, après le déclenchement de la guerre en Ukraine. Soit 105 000 mises à la route. Ce marché devait représenter jusqu’à 150 000 immatriculations en 2025.

 

Autre déception, le re­trait tactique du marché chinois où le tchèque a laissé la place à une marque du groupe, Jetta. En 2019, la Chine représentait 340 000 ventes. Au total, Skoda a perdu un potentiel de 450 000 à 500 000 immatricu­lations annuelles.

 

Cela a d’ailleurs pesé sur les comptes en 2023 où la marque a provisionné des frais de restructuration pour la fermeture de quatre usines (deux en Chine, deux en Russie).

 

 

Désormais, Skoda considère avoir redimensionné son appareil productif sur ses marchés prioritaires. Mieux, elle a compen­sé une partie de cette perte par des ventes en hausse en Europe et sur­tout un mix produits supérieur.

 

Pas question pour autant d’aban­donner l’international et Skoda se concentre sur l’Inde où elle est particulièrement dynamique avec 53 000 immatriculations en 2024 (plus que Volkswagen). Elle dispose d’un centre de R & D sur place et espère percer avec une gamme spé­cifique aux pays émergents.

 

Après avoir commercialisé avec succès le Kushaq et la Slavia en 2021, Skoda veut relancer des ventes qui s’es­soufflent avec l’arrivée d’un nouveau modèle, le Kylaq, un SUV de 3,99 m. Cette gamme doit permettre d’atta­quer le marché plus large des pays émergents d’Asie, notamment à tra­vers une base d’assemblage au Viet­nam pour adresser la zone ASEAN.

 

Skoda doit ses performances à son positionnement, mais également à la constance de sa stratégie. La marque ne s’est jamais écartée de sa feuille de route, dessinée sous l’égide de Volk­swagen.

 

"Skoda a suivi une stratégie de croissance saine et maîtrisée. Il n’y a jamais eu de grands coups de barre dans la stratégie qu’elle a posée brique par brique et est aujourd’hui à la tête d’une gamme qui couvre tous les seg­ments", explique Julien Bessière, patron de Skoda France.

 

"Skoda n’a jamais été une marque low cost"

 

L’arrivée de la gamme des SUV Ko­diaq‑Karoq‑Kamiq à partir de 2016 lui a permis de tourner la page du Yeti, vestige d’un Skoda postsovié­tique. Les produits sont mieux finis et mieux équipés : infotainment, électrification…

 

Les prix sont dé­sormais positionnés au niveau de son ambition de marque généra­liste. "Skoda n’a jamais chassé dans les terres du low cost et s’est toujours projetée comme une marque généra­liste", assure Julien Bessière.

 

Avec la gamme sport, elle prétend même disposer d’un pricing power suffisant pour aller chercher des ni­veaux de prix quasi premium. Non sans succès, puisque l’Octavia RS re­présente environ 10 % des ventes.

 

De plus en plus, Skoda s’affranchit également de Volkswagen, avec qui elle partage, il est vrai, technologies et plateformes, mais dont elle co­pie de moins en moins les modèles. La marque a ciselé son design et sa proposition de valeur pour se différencier de sa maison mère.

 

Skoda se veut davantage tournée vers les familles. "Aujourd’hui, on achète une Skoda parce que c’est une Sko­da", se défend Julien Bessière.

 

D’ailleurs, l’évolution de la valeur résiduelle est l’autre levier de la ro­bustesse du modèle économique de Skoda. Elle peut proposer des loyers particulièrement compétitifs et sur­tout sans apport. Grâce à cette force, la marque veut désormais être plus offensive sur le canal des particuliers où elle est historiquement faible.

 

En 2024, en France, elle devrait atteindre les 40 %, soit 10 points de plus en un an. Mais la bonne tenue de la valeur résiduelle est le fruit de cette stratégie de "croissance maîtrisée" qui a évité d’inonder le marché de produits Sko­da. Et la discipline des prix a permis de ne pas dévaloriser le produit.

 

 

Pour préparer l’offensive en cours, Skoda a décidé de revoir son iden­tité visuelle, lancée en février 2024, le réseau aura adopté les nouvelles couleurs de la marque à hauteur de 40 % avant la fin de l’année et 100 % avant fin 2025.

 

La France, rude challenge pour Skoda

 

Mais la marque ne doit pas négliger son marché domestique (l’Europe) et le marché français est probablement l'un de ses plus gros challenges dans les années à venir. "Historiquement, Skoda a toujours été mieux position­née en Europe qu’en France où elle a pris du retard dans son développe­ment", reconnaît Julien Bessière.

 

Avec une part de marché de 2,43 %, la pénétration de Skoda dans l’Hexa­gone est 2,5 fois moins élevée qu’en Europe. Il faut dire qu’elle a long­temps hésité à affronter frontalement les marques généralistes bien instal­lées que sont Renault, Peugeot et Citroën. Mais depuis l’offensive sur les SUV, Skoda se veut plus ambitieuse. Et pas qu’un peu.

 

"J’ai tendance à penser que le potentiel de la marque est inouï en France. Il y a dix ans, nous étions à 1,2 % de part de marché. Nous avons le double aujourd’hui. Il y a eu une nette accélération depuis deux ans. On a trouvé la juste tonalité", juge Julien Bessière qui estime que Skoda peut raisonnable­ment atteindre une pénétration de 3,5 %. Pas d’euphorie donc… Rien ne sert de courir, Skoda part à point.

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