Luca de Meo, Renault : "Mais pourquoi les constructeurs devraient payer des amendes ?"
Attention à ne pas casser l'industrie automobile européenne qui est devenue le jouet des hommes politiques ! Luca de Meo, directeur général du groupe Renault, n'a pas mâché ses mots lors d'une rencontre avec la presse pendant le Mondial de l'Automobile 2024. "Il faut bien se rendre à l'évidence que la vitesse d'adoption du véhicule électrique n'est pas la même aujourd'hui que celle imaginée sur un powerpoint en 2018 !
Pour le patron du constructeur français, l'heure doit être à la discussion aujourd'hui pour trouver la meilleure solution pour parvenir à ces objectifs fixés. Que ce soit au niveau des normes d'émission de CO2, dites CAFE, qui doivent être sévérisées dès 2025 avec une limite de 81g/km de CO2, contre 95 g encore en 2024. Ou même l'interdiction de vente de véhicules thermiques en 2035 qui, assure-t-il, ne sera pas possible.
"Il faut bien se rendre compte que nous allons devoir payer des amendes parce que le client ne veut pas de véhicules électriques au niveau attendu", a-t-il ajouté en évoquant l'industrie en général.
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De fait, le groupe Renault devrait respecter ces normes, en 2024 mais aussi en 2025, notamment grâce à la marque Renault. Une conformité à laquelle ne répond pas Dacia, pénalisée en France par la perte du bonus écologique de la Spring. "Mais nous allons gérer le problème Dacia", a affirmé Luca de Meo.
Trouver une meilleure solution que les amendes
L'industrie automobile se retrouve confrontée aujourd'hui à un choix destructeur de valeur. Les constructeurs doivent provisionner pour le paiement des amendes imposées par la Commission européenne, même s'ils estiment pouvoir les respecter. Or, ces provisions ne peuvent donc pas être utilisées pour continuer d'investir massivement.
Trois solutions se présentent à l'industrie en cas de non-conformité. Soit les constructeurs achètent des crédits aux acteurs chinois 100 % EV. Soit ils baissent le prix des véhicules électriques pour séduire plus rapidement encore les clients particuliers. Ou enfin, ils arrêtent la production de véhicules thermiques, de l'ordre de 2,8 millions de voitures en moins, ce qui équivaut à la fermeture de dix usines d'assemblage !
Contraindre le verdissement des flottes d'entreprises
L'une de ces solutions serait par exemple d'obliger les entreprises à verdir leurs flottes, soit en achetant un minimum de véhicules électriques, soit en composant leur parc avec des véhicules moins émetteurs et de segments inférieurs.
"Si en Europe, nous avions une véritable obligation de verdissement des flottes, cela donnerait un boost à la demande. Les premiers acteurs qui doivent s'engager dans ce type de mouvement sont les entreprises. Pourquoi mettre autant de pression sur les clients particuliers ? ", ajoute Luca de Meo. Une méthode qui, de plus, serait sans contraindre les dépenses des États.
Or, la pénétration des véhicules électriques dans les flottes est faible. Si l'on prend la moyenne établie de 22 % de ventes de véhicules électriques en 2025 pour atteindre les normes CAFE, sans les entreprises, on met toute la pression sur la clientèle des particuliers. En plus, cette stratégie serait à coût zéro pour les États.
"L'industrie automobile a une écoute inversement proportionnelle au poids que l'on représente. Nous avons été pris par les Verts et la gauche comme un bouc émissaire. L'automobile est l'industrie à qui l'on demande la vitesse de décarbonation la plus brutale. Nous sommes dans l’œil du cyclone alors que l'Europe ne pèse que 7 à 8 % des émissions de CO2. Il va bien falloir s'occuper des 92 % restants ! ", poursuit le patron du groupe.
Attention à ne pas utiliser le malus pour tordre le mix
L'aide à l'achat de voitures propres reste également incontournable selon Luca de Meo, qui s'interroge cependant sur les niveaux de malus proposés dans le cadre du projet de loi de finances 2025. " Si l'on taxe 80 % des voitures, cela devient une taxe révolutionnaire. Attention à ne pas utiliser cet argument pour modifier le mix d'achat des clients", avance-t-il. "Comme l’État cherche de l'argent, il serait logique que ces ressources soient enfin destinées à la transition. Ce serait le minimum syndical."
On ne peut construire une stratégie sur du leasing social. Le soutien à la demande est plus efficace. Si l'on mise tout sur le leasing social, il faut se souvenir que dans trois ans les véhicules vont revenir.
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