S'abonner
Constructeurs

L’inquiétude du réseau face à la déroute de DS

Publié le 20 mars 2025

Par Christophe Bourgeois
7 min de lecture
Alors que DS Automobiles a enregistré une baisse de ses immatriculations de 22,9 % en 2024 et que la rentabilité prévue sera négative, le réseau attaque l’année 2025 avec une certaine appréhension. À juste titre.
DS Automobiles
Les ventes de DS ont plongé de 22,9% en France en 2024. ©DS Automobiles

Rien ne va plus au pays du pre­mium à la française. DS Au­tomobiles a beau se présenter sous sa plus belle image à travers des campagnes de publicité qui vantent un certain art de vivre automobile, l’envers du décor est loin de ressembler à la vie en rose. Car les ventes de cette marque, qui a fêté ses 10 ans l’année dernière, ne cessent de chuter. Aussi bien en Eu­rope, son seul marché à l’export depuis la fin de sa présence en Chine en 2020, qu’au niveau national, son principal terrain de jeu.

 

En 2024, elle a, en effet, reculé de 27 % dans le monde, pour ne représenter que 40 971 voitures (source Inovev). Un volume qui lui permet d’atteindre péniblement 1 % de part de marché de toutes les marques du groupe Stellantis. Pire, elle a mis à la route près de 20 000 voitures de moins qu’Alfa Romeo, qui est à peine en convalescence, alors que sa gamme, sur les segments B et C, semble plus adaptée au marché européen que celle de la marque italienne.

 

 

Et en France, qui couvre 44 % de ses ventes, ce n’est guère mieux. DS Automobiles a enre­gistré seulement 18 024 immatricula­tions, en baisse de 22,9 %, soit une part de marché de 1,05 %. À titre de com­paraison, les constructeurs allemands, qui ont certes une gamme beaucoup plus large que les quatre modèles de DS Automobiles, si l’on inclut la DS 9 dont la commercialisation s’est arrêtée fin 2024, font, selon la marque, trois à quatre fois mieux !

Rentabilité négative

 

Une situation très compliquée qui in­quiète une bonne partie du réseau, si bien que des rumeurs, non confirmées, laissent entendre que certains investis­seurs seraient prêts à lâcher le panneau. « En 2024, la rentabilité sera clairement négative », note un important opéra­teur dans le centre de la France. Et un autre distributeur de l’est du pays de détailler : "La rentabilité sur le VN est assez confortable, mais elle est très forte­ment dégradée sur le VO à cause des re­prises qui sont totalement hors marché. Il faudrait que je vende trois fois plus de VN pour compenser mes pertes sur le VO !"

 

 

"Nous subissons une stratégie tarifaire prise il y a quelque temps, totalement décorrélée du marché", poursuit un autre acteur du sud de la France. Et si le constructeur soutient depuis trois mois ce marché de l’occasion catastrophique, les aides ne sont pas à la hauteur de ce qu’elles devraient être. "Nous perdons de l’argent sur chaque voiture vendue", glisse le distributeur du centre de la France. Si bien qu’une bonne partie du réseau n’a toujours pas encore rentabilisé ses investissements pour la marque.

 

Une gamme réduite à sa portion congrue

 

L’autre pierre d’achoppement est la gamme. "Lors de son lancement, la marque nous avait promis six modèles", se rappelle ce même distributeur. Au­jourd’hui, DS Automobiles n’en a que trois, si l’on met de côté la DS 9 qui, à peine commercialisée, était déjà hors marché et qui n’est de toute façon plus disponible aujourd’hui dans le réseau. Surtout, en dépit des restylages et de l’animation de la gamme, les modèles commencent à dater : le DS 7 (6 638 im­matriculations : ‑ 24 %), fer de lance du catalogue, a déjà 8 ans et le DS 3 Cross­back (5 072 exemplaires ; ‑ 6,6 %) a juste un an de moins.

 

Seule la DS 4, qui n’a rien à envier à la concurrence allemande mais dont le lancement n’a pas été une grande réussite, est plus récente. Elle n’a "que" quatre ans mais sa relative jeunesse ne semble pas pour autant lui réussir, puisque ses ventes ont reculé de 31,9 % à 6 049 uni­tés. À comparer aux 8 091 immatricu­lations de l’Audi A3 à titre d’exemple.

 

 

Outre la gamme, la stratégie produits souhaitée par Carlos Tavares pose éga­lement problème : "DS Automobiles a voulu miser sur l’électrique, alors que dans certaines régions de France, le diesel est encore fortement demandé par des chefs de PME‑TPE, généralement gros rouleurs et qui ne se retrouvent pas du tout dans l’offre de la marque", constate un distri­buteur en zone rurale.

 

 

D’ailleurs, il est intéressant de voir que DS Automobiles vend encore 22,3 % de modèles diesel, alors que le marché national est seulement à 7,3 %. Pour information, il s’agit de la deuxième marque la plus diésélisée du marché, derrière Mercedes‑Benz. En outre, DS Automobiles dépend for­tement du marché des entreprises, bien moins rentable que celui des particu­liers. Ces derniers représentent, en effet, seulement 30 % des immatriculations. Selon nos informations, Stellantis aurait d’ailleurs mis en place des conditions fi­nancières avantageuses pour les flottes si ces dernières incluaient dans leurs com­mandes des DS Automobiles.

 

Gamme trop restreinte

 

Néanmoins, tous les concessionnaires ne partagent pas cette morosité. Un dis­tributeur de l’est de la France reconnaît que c’est effectivement difficile, mais que la marque a du potentiel. "Il est vrai qu’elle demande beaucoup de moyens, notamment humains, pour arriver à l’équilibre, mais les produits plaisent en­core et je crois beaucoup au N° 8", in­dique‑t‑il.

 

Un sujet qui lui aussi ne fait pas l’unanimité. Si tous les distributeurs saluent sa personnalité et son originali­té, certains sont plus circonspects sur sa carrière commerciale sous nos latitudes. "De 60 000 à 75 000 euros, le potentiel commercial sera assez limité, glisse un distributeur du Sud‑Est. Nous sommes aussi dans l’attente de la politique du gouvernement sur l’électrification du parc et sur le comportement des entreprises."

 

Et tous reconnaissent, qu’au‑delà de ses qualités, le N° 8 ne sera pas le véhicule qui permettra de faire revenir en masse les clients dans les showrooms DS Au­tomobiles. "L’année 2025 va encore être très compliquée", soulignent unanime­ment les concessionnaires interrogés.

 

Le DS N°8 n'est pas un modèle à fort volume. ©DS Automobiles

 

Le remplaçant du DS 7, tant attendu, ne sera en effet présenté qu’à la fin de l’année pour une commercialisation en 2026, tandis que le tout aussi atten­du modèle DS 3 qui, a priori, sera de nouveau sous forme de berline et non pas de SUV comme le DS 3 Crossback, n’arrivera pas avant 2027. "Il nous faut impérativement et rapidement un vé­hicule à volume", insistent les conces­sionnaires.

 

 

Ce que n’a clairement pas été le DS 3 Crossback, considéré au­jourd’hui, a posteriori, comme une er­reur stratégique. "Contrairement à la première DS 3, qui surfait sur la vague de la citadine sympa, comme la Fiat 500 ou la Mini, le modèle actuel n’a jamais trouvé son public", déplore un distribu­teur. À l’époque de son développement, PSA, en situation économique tendue, avait tranché pour un SUV et non pas pour une berline, n’ayant pas les moyens de travailler sur les deux car­rosseries. En parallèle, le constructeur avait fortement augmenté les prix.

 

Face à cette situation, le réseau se veut malgré tout confiant. Le bout du tunnel approche. "La nomination de Xavier Peugeot à la tête de la marque est un si­gnal positif et nous notons depuis quelques mois des discours positifs et surtout des soutiens commerciaux pour travailler", veulent croire les investisseurs.

 

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

Laisser un commentaire

cross-circle