S'abonner
Constructeurs

Pourquoi DS joue sa survie avec la nouvelle gamme inaugurée par le N°8

Publié le 13 décembre 2024

Par Nabil Bourassi
5 min de lecture
La marque premium de Stellantis renouvelle enfin sa gamme avec le N°8, dans l'espoir de relancer des ventes catastrophiques. Mais, alors que le groupe vient de débarquer son patron historique et face à une conjoncture peu favorable, l'avenir de DS est plus que jamais en sursis.
DS N°8
Le N°8 doit permettre à DS de se relancer après presque quatre ans sans nouveauté produit. ©Stellantis

L'idée était bonne… Faire renaître le premium automobile à la française. "La France est reconnue dans le monde entier pour son industrie du luxe, il n'y a pas de raisons pour qu'elle ne soit pas légitime dans l'automobile"... Voilà le leitmotiv qui a convaincu Carlos Tavares de créer DS. Probablement l'une de ses premières décisions lorsqu'il prend les rênes de PSA en 2014. 

 

L'idée était bonne, mais dix ans plus tard, le résultat est mitigé. En 2023, DS ne vendait que 48 000 voitures sur un marché ramené au seul périmètre européen (dont la moitié dans l'Hexagone), après le retrait du marché chinois en 2020. Et 2024 ne s'annonce pas meilleure puisqu'entre janvier et octobre, les ventes se sont encore affaissées de 25 %... 

 

Il est loin le temps des 800 000 DS3...

 

Il est loin le temps où la marque vendait des DS3 comme des petits pains. Plus de 800 000 entre 2010 et 2019. Certes, cette citadine était en réalité une Citroën C3 remodelée, mais ses lignes plus acérées et son toit personnalisable lui ont donné une tonalité plus branchée que sa cousine. Mais elle a marqué une époque et fait germer l'idée que les Français étaient capables de porter une vision du premium.

 

 

La DS3 Crossback avait redonné un nouvel élan à la marque mais s'est vite essoufflée. C'est la DS7 Crossback qui va redorer le blason de la marque devenue totalement indépendante de Citroën. Elle profite de l'immense succès du Peugeot 3008, dont elle reprend le châssis et les moteurs, mais dans une tonalité nettement plus premium. Son agrément de conduite et son design très léché ont achevé de convaincre les automobilistes lassés du design austère allemand. 

 

Mais la Covid-19 et les tergiversations réglementaires européennes bousculent l'agenda de DS. La DS4 cale en raison de la pénurie de semi-conducteurs, et ne parvient pas à rebondir une fois la fenêtre de tir du lancement refermée. De son côté, malgré ses qualités reconnues par la presse spécialisée, la DS9 est mal-aimée car produite en Chine.

 

Tout reprendre à zéro

 

La marque décide donc de tout reprendre avant de relancer son plan produits. Olivier François, qui prend les rênes de la marque en 2023, veut retravailler les produits pour pousser plus loin l'aura "iconique" de chaque modèle. Le N°8 a presque un an de retard sur le calendrier initial. 

 

DS promet d'être au rendez-vous pour les prochains modèles dont on sait qu'il y aura au moins un successeur à la DS7. Dans le langage sibyllin des cadres qui ne veulent pas trop en dire, on devine que la silhouette de celle-ci ne sera pas totalement un SUV, mais pas non plus une berline, à l'instar du N°8. DS pourrait ainsi miser sur cette silhouette de modèle mi-SUV mi-coupé pour se reconstruire une identité distinctive.

 

 

Mais les cadres de la marque savent que le véritable plafond de verre de DS n'est pas tant le produit qui n'a rien à envier à la concurrence et dont les essais cliniques ont démontré de nombreuses qualités intrinsèques. Ils espèrent que la direction de Stellantis saura délier la bourse du budget marketing pour davantage communiquer sur les produits : publicité, opération de communication et campagne de lancement. "Les campagnes ciblées ne nourrissent pas l'imaginaire collectif autour d'un univers de marque", soupire un ancien cadre de DS. "Or, la désirabilité d'une marque premium passe aussi par son incarnation sociale", ajoute-t-il. 

 

L'autre sujet reste la constance du calendrier produits. DS a interrompu son agenda après le lancement de la DS4 en 2021. Rien de nouveau depuis, hormis des facelift. "Une marque sans produit est une marque morte", a l'habitude de claironner le patron marketing d'une grande marque automobile européenne. 

 

Le marché de l'électrique en plein marasme

 

Enfin, dernier écueil… DS bascule sur un marché en pleine tempête : le 100 % électrique est en panne et les valeurs résiduelles sont malmenées. À 60 000 euros, le N°8 aura surtout un rôle de vitrine technologique et de voiture de chef d'État. Les modèles suivants devront défendre âprement leur positionnement tarifaire qui sera nécessairement plus élevé que la gamme précédente.

 

Or, DS se sait en sursis. Lors de la présentation du N°8, les cadres avaient du mal à cacher l'enjeu existentiel de la réussite de la nouvelle gamme, qui se jaugera moins sur ce modèle que sur les suivants davantage positionnés sur le cœur du marché européen. Le départ précipité de Carlos Tavares met davantage la pression sur les équipes DS. Le très darwinien ancien patron avait indiqué qu'il laisserait son successeur établir un bilan du portefeuille de marques de Stellantis. Il avait jugé que cet examen devrait être fait autour de 2026-2027. 

 

Mais la nouvelle direction pourrait être beaucoup plus radicale et rationaliser le portefeuille de produits bien plus rapidement. À plusieurs reprises, les marchés se sont interrogés sur la collection pléthorique des marques de Stellantis, observant que rien ne justifiait de disposer de trois marques premium (avec Alfa Romeo et Lancia). 

 

Compte tenu de la frilosité de l'État italien, prêt à défendre coûte que coûte son patrimoine culturel et industriel, DS, qui n'a que dix ans, pourrait être la plus facile des trois à débrancher. Sauf bonne surprise sur les ventes…

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

Laisser un commentaire

cross-circle