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Constructeurs

Le réseau Seres est en colère

Publié le 9 février 2024

Par Christophe Bourgeois
6 min de lecture
Les distributeurs de Seres reprochent au constructeur chinois et à l'importateur SN Diffusion de ne plus donner aucune information sur l'avenir de la marque, alors qu'ils ont aujourd'hui plusieurs dizaines de véhicules en stock qui ne trouvent pas preneurs. Une situation dont se défend l'importateur.
Réseau Seres en colère
Le réseau Seres reproche à l'importateur de ne pas lui fournir d'informations sur l'avenir de la marque. ©Le Journal de l'Automobile

L'implantation des marques chinoises en France n'est pas un long fleuve tranquille. Selon nos informations, celles de Seres, et de Leapmotor pour d'autres raisons, semblent largement compromises. Les distributeurs qui ont pris ces panneaux se trouvent en effet dans une situation très complexe.

 

Selon nos informations, le contrat de distribution avec la marque Seres qu'ils ont signé avec SN Diffusion, l'importateur en France des deux marques, s'arrêtait le 24 janvier 2024. Depuis, ils reprochent à l'importateur de ne plus donner aucune nouvelle sur l'avenir de leur relation avec la marque. "Nous avons été lâchés dans la nature alors que nous avons sur les bras plusieurs dizaines de véhicules", que beaucoup considèrent comme invendables, d'après les distributeurs interrogés.

 

A lire aussi : Les marques chinoises en Europe : une présence à relativiser

 

Pêle-mêle, ils mettent en avant l'absence totale de communication vis-à-vis du grand public de la part de l'importateur, l'absence également de politique commerciale, encore plus depuis l'arrêt du bonus et un service après-vente considéré comme défaillant, "alors que les véhicules sont censés être garantis 8 ans !", glisse un distributeur.

 

Aucun accompagnement commercial

 

Avec l'arrêt du bonus, les concessionnaires se sont retrouvés dans l'obligation d'immatriculer tous leurs modèles en stock à la fin de l'année. 27 000  euros HT, vous imaginez les immobilisations de trésorerie que cela représente", lâche l'un d'entre eux. "Sans publicité, sans soutien, nous nous retrouvons donc avec des véhicules qui n'intéressent personne."

 

"L'annonce de l'arrêt du bonus a été très compliquée pour nous, reconnaît Didier Sirgue, président de SN Diffusion. Nous avons néanmoins soutenu le Seres 3 avec un avantage client de 4 000 euros, jusqu'à fin janvier, date à laquelle il était prévu que le décret sur le montant du bonus soit validé par le gouvernement." 

 

Concernant la politique commerciale, le concessionnaire dispose d'une marge de 12 % et de 1 000 euros d'aide à l'immatriculation, "une somme qui n'a pas encore été versée sur toutes les immatriculations que j'ai réalisées", souligne un distributeur. "Bref, on a investi dans l'achat de stock et une fois que les voitures sont arrivées chez nous, il semblerait que l'importateur s'en soit lavé les mains", observe en colère un autre acteur.

 

Un reproche que réfute Didier Sirgue. "Nous informons notre réseau en fonction des informations que nous avons nous-mêmes à notre disposition", appuie-t-il.

 

Autre grief, et de taille : l'après-vente. Selon les retours du réseau, les Seres 3 ne semblent pas briller pour leur fiabilité. "Nous n'avons aucun outil, aucune pièce pour les réparer, se plaint un concessionnaire. "J'en ai un depuis six mois au fond de la cour", indique un autre.

 

Au delà de l'immobilisation du véhicule, c'est surtout l'image de marque du concessionnaire qui se trouve écornée. "Seres et SN Diffusion se sont appuyés sur des entreprises familiales, avec une forte réputation locale pour implanter leur marque, mais aujourd'hui, nous nous retrouvons impuissants avec des clients mécontents et sans possibilité de leur trouver une solution", observe l'un des distributeurs.

 

Didier Sirgue reconnaît que l'après-vente a pu être compliqué ces derniers temps. "Nous avons aujourd'hui un chef d'atelier très bien formé, qui se déplace sur le terrain en cas de problème, présente-t-il. Nous avions effectivement rencontré des problèmes de disponibilité et de livraison des pièces, mais aujourd'hui, nous faisons venir toutes les pièces par avion afin d'éviter les problèmes de transport par bateau." Et de mettre en avant la qualité des produits : "Sur les 1 200 modèles que j'ai vendus, je n'ai pas eu un seul problème de batterie".

 

Aucun signe au niveau européen

 

Si la communication avec SN Diffusion ne semble pas être au goût des distributeurs, elle est inexistante avec la filiale européenne créée aux Pays-Bas courant 2023. Pour rappel, la marque est présente notamment en Espagne, au Portugal et en Allemagne. "Nous n'avons aucune information de la part de l'Europe, nous ne savons pas si nos contrats vont être repris, si la marque va continuer à être distribuée", commente un concessionnaire Seres.

 

Et il se montre peu confiant sur l'avenir : "Nous avons appris que le responsable du développement réseau chez SN Diffusion allait partir à la fin du mois…" Une information confirmée par Didier Sirgue. "Pour l'instant, en attente de retour de la part du siège européen ou de la maison mère en Chine, nous mettons sur pause le développement du réseau Seres, indique-t-il. On nous a promis des réponses à la fin du nouvel an chinois." Fin janvier, il disposesait d'un stock de 300 Seres 3 "achetés, dédouanés et disponibles", souligne-t-il.

 

Pour Leapmotor, le problème semble différent. "Les voitures sont beaucoup plus fiables, nous n'avons pas encore rencontré trop de problème", indique un distributeur. "La T03 (une urbaine 100 % électrique, NDLR) correspond assez aux attentes des clients", ajoute un autre.

 

Pour rappel, Leapmotor est importée par EVE (Espace véhicule électrique), une filiale de SN Diffusion. Le réseau n'a pas plus de nouvelles sur l'avenir de la marque et de sa représentation en France depuis l'annonce par Stellantis de la création avec le constructeur chinois d'une entreprise commune qui sera en charge de la commercialisation des modèles Leapmotor hors de Chine. Et donc, en France.

 

Des ventes anecdotiques

 

En France, les ventes de Seres, dont l'importateur ne propose qu'un seul modèle, le Seres 3, un SUV 100 % électrique du segment C, n'ont jamais vraiment décollé. En 2023, il s'en est vendu 230 (-29,3 %), dont 90 rien qu'en décembre, immatriculations qui correspondent en grande partie au stock chez les distributeurs qui, comme on l'a vu, ont dû anticiper la disparition du bonus. "Au total, depuis le lancement de la marque, nous avons commercialisé 1 200 voitures, y compris dans les Drom-Com", tient à préciser Dider Sirgue

 

À titre de comparaison, ces mêmes distributeurs ont vendu 510 Leapmotor T03, dont 154 ont été immatriculées en décembre (chiffre France métropolitaine).

 

À fin janvier 2024, le site internet Seres indiquait 29 adresses de concessionnaire, un peu plus en ce qui concerne Leapmotor. Nous sommes loin des 50 points de vente annoncés fin 2022 et encore plus de la centaine promis pour 2023.

 

Un démarrage parfois difficile

 

Seres est le fruit d'une alliance entre l'une des marques du groupe Dongfeng Motor, un des piliers de l'industrie automobile chinoise et Sokon, producteur chinois de véhicules utilitaires électriques. De son côté, Leapmotor est une start‑up qui a mis sur le marché sa première voiture en 2019.

 

Pour l'instant, le réseau cherche à trouver un terrain d'entente avec l'importateur, mais beaucoup de distributeurs se réservent le droit de porter l'affaire devant les tribunaux.

 

Après Aiways, dont les usines chinoises n'ont pas produit un seul véhicule depuis un an et Lynk&Co, dont les résultats sont bien en deçà des ambitions, les marques chinoises, du moins, certaines d'entre elles, ont finalement du mal à faire leur place en France, comme nous l'expliquait Jamel Taganza, consultant Inovev dans une récente interview.

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