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Constructeurs

Charles Peugeot : "Opel doit redevenir une marque généraliste abordable"

Publié le 15 décembre 2025

Par Catherine Leroy
11 min de lecture
Après plusieurs années de repositionnement difficiles, une part de marché VP tombée à 2 % et un réseau en grande souffrance, Opel France veut changer de cap. Retour assumé à un positionnement généraliste, mise en avant de l’ancrage allemand, offensive sur les prix et rééquilibrage des canaux : le nouveau directeur d’Opel France, Charles Peugeot, détaille sa stratégie.
Charles Peugeot
Charles Peugeot est à la tête d'Opel France depuis mars 2025. ©Opel

Le Journal de l’Automobile : Vous avez pris la direction de la marque Opel en France depuis mars 2025. Comment envisagez‑vous l’avenir alors que la part de marché plafonne autour de 2 % ?

Charles Peugeot : Le défi est passionnant. Opel est une marque de 126 ans, avec un vrai historique et une légitimité sur le marché européen. En France, la question est simple : quelle place pour Opel dans un marché où arrivent de nou­veaux entrants, notamment chinois, et comment redevenir une marque "d’actualité" ? Nous avons un atout majeur : une gamme complète, avec six véhicules particuliers et quatre utili­taires.

 

Beaucoup de constructeurs n’ont qu’un seul de ces deux piliers. Au niveau européen, Opel pèse en­viron 3,5 % de part de marché, soit autant que Citroën. On l’oublie sou­vent en France, mais au sein de Stel­lantis, Opel est une grande marque, un élément clé pour les futurs inves­tissements et le plan produits. Il n’y a donc pas de question existentielle autour d’Opel : la marque a un ave­nir, en Europe comme en France.

 

J.A. : Comment expliquez‑vous la chute des immatriculations ? Est‑elle liée à son repositionnement tarifaire ?

C.P. : Soyons clairs : la proposition de valeur a changé ces dernières an­nées… et nous n’avons pas trouvé la clientèle. Avant le Covid, Opel avait décidé d’aller chercher un positionnement tarifaire plus ambitieux. Nous pouvons le dire publique­ment : ce choix n’a pas été un succès. Depuis, l’environnement a chan­gé.

 

En 2025, les catégories "upper mainstream" et "premium" sont moins lisibles. Les normes et la qua­lité perçue ont tiré tout le monde vers le haut. Résultat : beaucoup de marques proposent des voitures à des niveaux de prix et de loyer très proches. Les frontières de position­nement se sont brouillées et Opel a perdu en lisibilité. Nous en tirons les conclusions. Opel a décidé de redevenir une marque généraliste, d’abandonner ses ambitions tarifaires trop élevées.

 

J.A. : Concrètement, cela veut‑il dire que vous allez baisser les tarifs de la gamme Opel en France ?

C.P. : Notre proposition de valeur est désormais très simple : "accéder à la qualité allemande à prix Opel". Notre objectif est de démontrer à la clientèle qu’Opel est une bonne pro­position. La marque doit redevenir abordable, avec la possibilité pour les clients de faire une bonne affaire. Opel reste la marque allemande du groupe Stellantis.

 

Nous disposons de 2 000 ingénieurs en Allemagne, dé­diés à 100 % à la conception et à l’in­dustrialisation de la marque. Il y a un véritable "made in Rüsselsheim" que nous allons davantage mettre en avant. Mais nous assumons aus­si d’avoir été trop pudiques sur l’as­pect "bonnes affaires" dans le passé. Nous avons tenté quelque chose qui n’a pas marché, nous corrigeons.

 

En termes de benchmark, sur le marché, nous regardons plutôt Skoda que Peugeot

 

J.A. : Comment Opel se situera‑t‑elle dans le portefeuille de marques Stellantis face à Peugeot, Citroën ou Fiat ?

C.P. : Opel est une marque im­portée en France. Notre enjeu est de convaincre les clients que nous sommes une très bonne proposition de valeur. En termes de benchmark, sur le marché, nous regardons plutôt Skoda que Peugeot. C’est ce positionnement-là que nous visons : une marque allemande généraliste, bien équipée, compétitive.

 

Par rapport à Peugeot, notre ambition est d’of­frir, avec humilité, une proposition de valeur plus compétitive. Nous n’attirons pas la même clientèle que Fiat ou même Citroën qui est une marque populaire avec un tarif net. Opel a un enjeu différent.

 

J.A. : Quel écart de prix doit‑il exister avec Peugeot pour que le client Opel s’y retrouve ?

C.P. : Il est toujours délicat de comparer des loyers dans le détail, car les motorisations, définitions de produit et équipements varient vite. Le diable est dans les détails et les offres changent tous les mois. Ce qui compte pour nous, c’est que le client ait le sentiment de faire une bonne affaire pour une voiture bien équipée.

 

Nous travaillons sur des prix d’appel attractifs, des cœurs de gamme richement dotés et des re­mises compétitives, en BtoB comme en BtoC. D’ailleurs, nous avons dé­veloppé des finitions "Business" bien équipées (caméra de recul, aide au stationnement, peinture métalli­sée, navigation…) pour la clientèle professionnelle. Et nous avons des produits comme le Grandland qui, par rapport aux autres modèles Stel­lantis, offre le plus grand empatte­ment, les meilleures places arrière et le plus grand coffre, avec un niveau de finition sérieux et sobre.

 

L'Opel Mokka GSE. ©Opel

 

J.A. : Quelle est la clientèle d’Opel au­jourd’hui ?

C.P. : Notre clientèle est assez spécifique : plus rurale, plus jeune et surtout plus féminine que la moyenne. Environ 55 % de notre clientèle est féminine, un taux supérieur à celui de nos concurrents de référence. Opel, c’est l’histoire d’une marque qui représente une bonne affaire, avec des véhicules attachants.

 

J.A. : Concrètement, quels objectifs tari­faires vous fixez‑vous ?

C.P. : Dès 2025, nous avons com­mencé à repositionner nos prix. L’en­jeu du marché français, pour tous les constructeurs, c’est de pouvoir proposer des véhicules en dessous de 20 000 euros. Chez Opel, nous avons un objectif clair. Nous vou­lons positionner la Corsa sous les 20 000 euros et proposer un Frontera sept places à moins de 23 000 euros.

 

Et en 2026, l’usine qui produit le Frontera montera en cadence, ce qui doit nous permettre de livrer davantage d’unités. Nous aurons aussi des animations autour du Frontera et surtout le facelift de l’Astra, fabriquée en Allemagne, sur un positionnement prioritaire­ment BtoB.

 

J.A. : Votre mix des ventes est très marqué par la location courte durée. 30 % de vos immatriculations 2025 y sont pas­sées. Comment voulez‑vous le faire évoluer ?

C.P. : Nous sommes d’accord : 30 %, c’est trop. Notre objectif est de ramener ce canal entre 15 et 18 % du mix. Pour autant, ce n’est pas un canal de déstockage forcé de véhicules invendus. Nous consta­tons d’ailleurs un fort appétit des loueurs, notamment parce qu’ils n’ont pas toujours les capacités de production nécessaires chez d’autres marques.

 

De plus, la rentabilité de ce canal n’est pas mauvaise. Notre capacité de remarketing s’améliore. Nous avons positionné des Frontera électriques et des Grandland sur ce canal, en volume raisonnable, pour répondre à une demande réelle, en particulier dans le sud de la France et en Corse. Cela nous donne de la visibilité sur les modèles, contribue à notre mix d’électrification et a aus­si joué un rôle dans le respect des trajectoires CO2. En 2026, ce canal doit revenir à la normale, tout en restant un levier d’image et d’élec­trification, pas un exutoire.

 

 

J.A. : Le réseau Opel traverse une pé­riode très difficile, avec des pertes importantes. Comment l’accompa­gnez‑vous ?

C.P. : Je ne minimise absolument pas la gravité de la situation. La ren­tabilité du réseau sur les neuf pre­miers mois est négative et cela ne nous satisfait pas. Nous avons pris plusieurs mesures, comme des opé­rations de déstockage massif pour assainir les stocks, une prise en charge des intérêts des stocks réduite au strict nécessaire et un programme d’accompagnement sur les buy backs, avec des outils pour corriger les écarts entre les valeurs de marché et les encours, avec un pilo­tage fin avec le réseau pour sécuriser les concessionnaires.

 

En parallèle, nous travaillons sur un business model qui permette réellement un retour sur investisse­ment, en VN comme en VO. Nous constatons d’ailleurs une dynamique positive sur le VO. Il y a encore un gros potentiel, notamment via la LOA VO, où les taux de pénétration restent faibles.

 

J.A. : Faut‑il adapter le maillage du ré­seau à un marché durablement en baisse de 20 à 25 % par rapport au préCovid ?

C.P. : Nous avons ce débat en in­terne, comme tous les constructeurs. À ce stade, je considère que le mail­lage d’Opel est globalement juste, il n’est pas en défaut. En revanche, il y a des cas où l’équation économique ne fonctionne plus. Cela tient à deux choses : à la nécessité de gé­nérer plus de volume et d’avoir les bonnes personnes et des showrooms mieux dimensionnés.

 

Nous devons absolument optimiser l’immobilier : des empreintes plus efficaces, des standards de représentation moins coûteux, une attention beaucoup plus fine au coût au mètre carré, où qu’on soit. Les sites monomarques sont aujourd’hui les plus en difficulté. Le bon modèle, ce n’est pas la "cathédrale multimarque" avec huit logos, mais plutôt une structure de deux à trois marques, avec un manage­ment partagé, une mutualisation in­telligente de l’après‑vente et de l’outil industriel, tout en gardant une vraie proximité avec le client.

 

Opel avait décidé d’aller chercher un positionnement tarifaire plus ambitieux. Nous pouvons le dire publiquement : ce choix n’a pas été un succès

 

J.A. : Êtes‑vous prêt à aller plus loin dans la mutualisation des showrooms avec d’autres marques du groupe pour amé­liorer la rentabilité au mètre carré ?

C.P. : Oui, nous sommes pragma­tiques. Stellantis l’a montré avec des formats comme Leapmotor. Nous voulons maintenir une expérience client de qualité, avec un accueil per­tinent, mais nous regardons au cas par cas, avec des cahiers des charges discutés avec chaque distributeur. Nous travaillons beaucoup la mutualisation des programmes après‑vente, l’utilisation des outils Stellantis, tout en préservant une identité de marque claire. Le maître mot reste : proximité et efficacité, pas hypermarché automobile.

 

L'Opel Grandland électrique. ©Opel

 

J.A. : Quelles sont, selon vous, les forces spé­cifiques que Stellantis apporte à Opel et à son réseau ?

C.P. : J’en vois au moins trois ma­jeures. Tout d’abord, Spoticar. Le label VO multimarque permet aux distributeurs Opel d’accéder à l’en­semble des marques du groupe. C’est générateur de rentabilité ré­seau. Spoticar a une puissance de feu – notamment en communica­tion TV – qu’un label de distribu­teur n’a pas. Ensuite, l’après‑vente et les pièces. Les méthodes et stan­dards après‑vente Stellantis garan­tissent des niveaux de qualité élevés.

 

Nos capacités d’achat en pièces de rechange sont incomparables avec celles d’un constructeur isolé. Un distributeur d’une marque chinoise, par exemple, n’aura ni le même accès aux pièces, ni le même business mo­del VO‑après‑vente. Enfin, Stellantis Financial Services, qui est bien plus puissant que l’ancienne Opel Bank. Nous avons une force de refinan­cement, une assise et un coût de l’argent très compétitif. Nous ne dépendons pas d’un leaser externe qui pourrait faire défaut. C’est un avan­tage majeur pour financer les opé­rateurs Opel en France. Tout cela, nous ne le disons pas assez, mais c’est Opel qui "montre ses muscles".

 

 

J.A. : Comment comptez‑vous retisser le lien avec le réseau en 2026 ?

C.P. : Nous allons organiser une conven­tion avec les concessionnaires en début d’année 2026 pour présenter les pro­chaines étapes de la marque, dans le prolongement des échanges que nous avons eus récemment avec le GNCO. D’ailleurs, ce dernier ne veut plus fusionner avec le groupement des concessionnaires Fiat. Chaque groupement gardera sa spécifi­cité – Opel d’un côté, Fiat de l’autre, car nous avons constaté que cela permettait de conserver un bon niveau de dialogue.

 

Dans un contexte économique incertain, je trouve raisonnable que les groupe­ments fassent attention à leurs dépenses, mais de notre côté, nous avons besoin de nous retrouver pour exposer notre feuille de route, nos projets produits et notre trajectoire de rentabilité partagée.

 

J.A. : Vous insistez beaucoup sur l’héritage d’Opel. Comment comptez‑vous le mettre en scène en 2026 ?

C.P. : Opel sera présent au salon de Pa­ris l’an prochain. Nous serons également à Rétromobile pour montrer fièrement notre héritage et au Mondial pour mon­trer fièrement notre futur. J’ai été frappé, en 2024, par le trafic au Salon de Paris : le dispositif était presque sous‑dimen­sionné au regard de l’affluence. Contrai­rement à ce que certains disent, l’auto­mobile fait toujours rêver. Opel veut participer à ce rêve, avec ses modèles classiques et ses véhicules de demain. C’est un très bon signal pour l’indus­trie que les constructeurs reviennent massivement dans les salons et nous ferons partie de cette dynamique, avec quelques surprises à la clé.

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