Jean-Baptiste Guntzberger, NewMotion : "Il faut toujours plus de bornes publiques pour convaincre"
JA. NewMotion célèbre ses 10 ans. Quel bilan peut-on faire de la société ?
Jean-Baptiste Guntzberger. L'entreprise fête sa dixième année dans sa forme européenne. Nous étions les pionniers avec un modèle disruptif, qui a fait ses preuves et notre succès. Nous sommes un des leaders des solutions de recharges sur le continent. Il y a 10 ans nous étions une start-up néerlandaise, aujourd’hui nous sommes une grande entreprise qui a une activité à l’international. En 2010, rappelons-le, il y avait à peine 1 000 véhicules électriques en circulation. Nous avons alors noté que la recharge allait être un élément primordial et qu'il fallait un réseau de bornes connectées pour répondre aux besoins des utilisateurs.
JA. Vous évoquez le modèle économique, mais qu'est-ce qui fait la différence dans cette course aux parts de marché ?
J-BG. Nous avons la chance d'être une société originaire de la zone d'Europe où tout a commencé. Ici, aux Pays-Bas, comme en Scandinavie, il y a eu une véritable compréhension du sujet et cela nous a permis de forger un modèle solide et, aujourd'hui, mature. La demande des autres pays n'a fait que suivre.
JA. Que retenez-vous de cette expérience ?
J-BG. La qualité de service est cruciale. L'étude que nous avons réalisée récemment a mis en lumière les attentes des consommateurs. Il apparaît que le plus important à leurs yeux est le taux de service. C'est assez basique, mais les automobilistes veulent que les bornes qui fonctionnent quand ils arrivent, qu'elles soient faciles à utiliser et qu'elles soient en nombre suffisant. Même si la France est bien positionnée dans le registre, il faut toujours plus de bornes pour convaincre.
JA. Est-ce une vue de l'esprit ou une véritable nécessité ?
J-BG. Je pense qu'à terme, la recharge se passera majoritairement à domicile et sur le lieu de travail. Quand on ne dispose pas de ces deux solutions, il y a un besoin d'infrastructure publique. Les automobilistes sont issus d'un monde de pétrole et le rapport doit changer. Le réflexe de s'arrêter pour faire le plein doit laisser place à un nouveau comportement.
JA. Qu'avez-vous retenu d'autre de cette étude ?
J-BG. NewMotion a toujours prôné l'itinérance. J'ai donc été frappé par le nombre de cartes de recharge que possèdent en moyenne les Français. Avec 3,5 cartes par conducteurs de véhicules électriques, nous sommes au-dessus des autres pays matures européens. Il nous appartient d'encourager les opérateurs à entrer dans un système qui affranchira les utilisateurs de cette contrainte d'avoir autant de cartes qu'il n'y a de réseaux existants.
JA. Quelle est l'ampleur du chantier ?
J-BG. Les opérateurs entendent ce propos, d'autant que l'étude ne dit pas si toutes les cartes sont encore utilisées. Cela dit, nous travaillons à la réduction de cette moyenne. Le législateur joue aussi un rôle, en rendant obligatoire la compatibilité. Il lui faut maintenant se concentrer sur la transparence des tarifs.
JA. La transparence, c'est justement une des grandes problématiques...
J-BG. Je suis d'accord avec vous et c’est ce que montre l’étude. Cette problématique concerne tout le secteur. Nous y travaillons et d'autres aussi. Mais, à date, le consommateur reste dans le flou. Pour plus de transparence, nous devrions afficher les prix comme ce qui se fait dans les stations-services, même si je n’aime pas toujours ce parallèle.
JA. Quelles sont les orientations en matière de déploiement cette année ?
J-BG. Nous donnons accès à 29 000 bornes publiques en France. Nous nous concentrons sur le résidentiel, les flottes et le semi-public. Le rythme de développement est exponentiel. Certains départements nous sollicitent pour installer des bornes, là où personne ne s'attend à en trouver.
JA. Comment évolue la relation avec les constructeurs automobiles ?
J-BG. Les liens se tissent, à l'instar du contrat signé récemment avec Renault. La raison est évidente car nous participons à l'argumentaire de vente lorsqu'il faut rassurer le client avec des solutions du quotidien qui s'installent chez lui. Nous travaillons beaucoup avec les sociétés de leasing, telle qu'Arval, un autre de nos partenaires. A ce jour, nous n'avons pas d'annonce à faire sur de prochains accords.
JA. Que présagent pour vous les chiffres de ventes VE que prédisent les études ?
J-BG. Les statistiques de janvier donnent une première idée, même s'il va falloir lisser les chiffres sur le trimestre complet. Mais nos dernières interventions dans des événements professionnels nous laissent croire que le moment tant attendu est arrivé. La demande s'accélère. Je ne peux pas communiquer de chiffre précis, mais nous pouvons dire que nous battons des records de vente tous les mois.
JA. Cette nouvelle dimension industrielle aura-t-elle un impact sur les coûts ?
J-BG. A ce jour nous avons vendu 55 000 à 60 000 bornes depuis nos débuts, donc nous avons déjà le rythme industriel. Il est cependant difficile de considérer le sujet sous cet angle car nous innovons en permanence et donc les calculs ne se font jamais à périmètre identique. La technologie maintient les niveaux de prix. Cette nouvelle dimension a un impact sur les ressources humaines et sur les outils de gestion.
JA. Beaucoup de fantasmes autour du V2X, qu'en est-il ?
J-BG. Le V2X est une fraction du smart charging. Il est opérationnel, nous en avons fait la démonstration en octobre 2017, avec des Mitsubishi, et nous avons lancé un programme avec Nissan. Mais je ne dirai pas pour autant qu'il est déployé à grande échelle. S'il est encore difficile de savoir quelle dimension cela prendra, l'utilité est avérée, car le smart charging et donc le V2X sont des solutions écologiques qui tendent à réduire un peu plus l'impact environnemental de nos consommations d'énergie.
JA. Sur le plan économique, quelle proportion peut prendre le marché ?
J-BG. Nous commençons à avoir quelques demandes, notamment d'entreprises, plus mâtures. Elles y voient l'intérêt d'alimenter leur bâtiment à des moments clés de la journée.
JA. Quels sont les défis à relever pour NewMotion ?
J-BG. Notre crédo a toujours été d'identifier les besoins pour y répondre. Adapter un service personnalisé à échelle industrielle reste donc notre principal défi. Mon métier consiste à faire en sorte que NewMotion ait une approche adaptée à toutes les typologies de client d'un pays unique, en disposant du catalogue global. Raison pour laquelle nous couvrons autant de salons et de conférences afin de rester connectés avec les attentes des clients.
JA. La charge à induction s'invite dans le paysage, comment appréhendez-vous cette technologie ?
J-BG. Il y a longtemps que l'industrie en parle, mais la technologie ne sort pas encore des laboratoires. Rappelons qu’actuellement notre proposition est d'apporter du service sur une borne ou toutes autres solutions de recharge.
JA. Comme tout secteur, il attire de nombreux acteurs puis passera à l'étape de consolidation. Quel nombre de prestataires l'Europe peut-elle faire vivre ?
J-BG. Il y a une forte compétition et nous pouvons nous en réjouir. L'Europe est assez grande pour plusieurs acteurs. La sélection naturelle se fera par la qualité de service.