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Financement : le leasing comme planche de salut du marché

Publié le 27 septembre 2022

Par Catherine Leroy
10 min de lecture
La problématique du taux d’usure complique sérieusement la vie des sociétés de financement qui poussent la LOA pour éviter cette contrainte. Créer de la valeur devient plus difficile.
Au‑delà d’une fidélité plus importante à la marque et à la concession, la LOA améliore considérablement la marge générée par le financement.

En surface, le marché du financement automobile se porte bien. Très bien même. Au bilan de mai 2022, l’Association française des sociétés financières (ASF) montre une hausse de presque 10 % de la production sur les voitures neuves à 735 millions d’euros (et en augmentation de 3 % sur les 5 premiers mois de l’année). Pendant que du côté des voitures d’occasion, la valeur produite réalise un bond de presque 30 % à 475 millions d’euros (et une hausse de 10,4 % au cumul à mai 2022).

 

La LOA ne cesse de progresser pour atteindre 85 % des financements de véhicules neufs et son avancée sur le terrain des véhicules d’occasion est désormais bien enclenchée en pesant près d’un quart de ce segment de marché. Au‑delà d’une fidélité plus importante à la marque et à la concession, la LOA améliore considérablement la marge générée par le financement. Avec un panier moyen supérieur d’au moins 30 %, elle contribue largement à la rentabilité des réseaux de distribution, mais aussi des établissements de financement.

 

Mais quelques fissures apparaissent dans ce tableau apparemment idyllique. Et les perturbations du marché des véhicules neufs n’y sont pas pour rien. Tout d’abord, la tendance au ralentissement du marché du financement est confirmée. Selon l’ASF, à nombre de jours ouvrés égal à 2021, l’activité est en recul de 3,5 % en juin 2022.

 

Certes, le financement auto suit logiquement le marché. Et la chute des immatriculations de plus de 15 % depuis janvier 2022, à cause des problèmes d’approvisionnement en composants des constructeurs, est à l’origine de cette baisse. L’offre est donc moins importante, plus électrifiée, avec un tarif moyen en hausse de 10 % a minima depuis un an, avec des pics pouvant même dépasser les 20 %.

 

Hausse des taux de refinancement

 

Le même phénomène se retrouve sur le marché du véhicule d’occasion. Ce qui devient rare est cher et le VO n’échappe pas à cette règle. "Nous assistons à un léger tassement des commandes depuis le début du mois de juillet dû à un certain attentisme de la part des clients, mais aussi sans doute atteint‑on une certaine limite dans le pouvoir d’achat", confirme Ludovic Van de Voorde, directeur général de CGI Finance.

 

Pour Christophe Michaëli, directeur du marché mobilité chez BNP Paribas Personal Finance, "le marché résiste bien. Les prix des véhicules neufs et d’occasion flambent et le recours au crédit augmente, mais il pourrait être meilleur !"

 

Lire aussi : Le crédit classique automobile menacé par un taux d'usure trop bas

 

De quoi se frotter les mains dans le secteur du financement ? Pas forcément. Certes, un bien plus cher demande plus de recours au financement. Mais les professionnels du secteur sont aujourd’hui confrontés au phénomène de la hausse des taux d’intérêt et… de la stagnation du taux d’usure. Si les yeux sont actuellement tournés vers l’immobilier, l’automobile n’échappe pas à la problématique d’un taux d’usure trop bas.

Christophe Michaëli, directeur du marché mobilité chez BNP Paribas Personal Finance.

Pour mémoire, ce taux, revisité par la loi Lagarde, indique le taux d’intérêt maximal autorisé que les établissements bancaires peuvent pratiquer. Destiné à protéger les consommateurs, le taux d’usure est fixé chaque trimestre et calculé à partir des taux moyens accordés durant le dernier trimestre, augmentés de 33 %. Jusqu’à présent, les taux d’intérêt faibles et les opérations de financement "sponsorisées" notamment par les captives ont eu pour conséquence de contraindre ce taux.

Inertie du taux d’usure

 

Aujourd’hui, les taux de refinancement progressent. Ils ont même triplé depuis le début de l’année 2022. Mais la mécanique de calcul, et dont la modification n’est pas à l’ordre du jour de Bercy, possède une très forte inertie. Résultat : le taux d’usure progresse bien plus faiblement que les taux nominaux.

 

Pour l’automobile, celui‑ci s’installe à 4,93 % depuis janvier sans changement au 1er juillet 2022, comme espéré. Il faudra attendre le 1er  octobre prochain pour connaître sa future évolution… ou pas. Certains professionnels estiment qu’il faudrait attendre deux années pour que le taux d’usure s’aligne enfin sur les taux de refinancement !

 

Ludovic Van de Voorde, directeur général de CGI Finance.

"C’est une contrainte sur laquelle nous ne pouvons pas grand‑chose, poursuit Ludovic Van de Voorde. Comment continuer à financer les particuliers tout en rémunérant nos partenaires ? La réponse tient dans la pertinence de la LOA qui laisse plus de marge de manœuvre en termes de rémunération et dans l’intérêt pour le client qui ne paie que la baisse de la va‑ leur résiduelle du bien acheté."

 

Grégory Tinon, responsable des marchés auto, moto et loisir de Financo, s’étonne de cette inertie : "En 2015, les taux de refinancement oscillaient autour de 2,50 %, le taux d’usure atteignait 7,10 %. Aujourd’hui, avec un refinancement assez similaire à celui de 2015, le taux d’usure n’arrive même pas à 5 %."

 

Pour ce professionnel du financement qui préfère rester anonyme, les acteurs sont coincés. "Quand le prix des matières premières augmente, les industriels répercutent cette hausse dans le prix de vente. Dans le secteur du financement, nous ne pouvons pas le faire. Dans un marché hyperconcurrentiel comme le nôtre, personne ne veut perdre de parts de marché. Normalement, nous devrions arrêter de rémunérer le crédit de la même manière que la LOA, mais personne ne prendra ce risque."

 

La voie de salut, dans l’immédiat, réside donc dans la LOA, qui échappe à cette loi du taux d’usure. Valérie Wanquet, directrice générale déléguée de CACF, reconnaît que les marchés où sont positionnés les courtiers sont généralement les plus concurrencés. "Mais l’une des solutions est d’orienter le plus largement possible vers la LOA et d’ajouter dans des packages des services moins sensibles aux taux d’intérêt", indique‑t‑elle.

Grégory Tinon, responsable des marchés auto, moto et loisir de Financo

Chez CACF, les assurances pèsent jusqu’à 17 % des revenus de la filiale crédit à la consommation. Ainsi, si le chiffre d’affaires s’affiche toujours en hausse, la rentabilité, quant à elle, se dégrade. Et la LOA commence également à montrer quelques signes de faiblesse notamment sur le véhicule d’occasion. En cause, les nombreuses opérations de rachat cash organisées par les constructeurs et les distributeurs afin de compenser la faiblesse de l’offre en matière de véhicules neufs.

 

"Cette stratégie, qui souligne cependant la réactivité des professionnels de l’automobile, présente un écueil : les véhicules d’occasion repris aux particuliers par des professionnels ne peuvent plus être éligibles à la LOA car la chaîne de la TVA est rompue, souligne Christophe Michaëli. Pour autant, et contrairement à l’immobilier, nous n’avons pas noté de modification dans le taux d’acceptation des dossiers. Compte tenu de l’inflation, qui progresse dans tous les domaines, les clients semblent s’autoréguler. Ce qui est dommage car changer pour une voiture qui consomme moins est également une manière d’économiser de l’argent."

 

Le leasing difficilement social

 

C’était justement l’objectif de la promesse de campagne d’Emmanuel Macron, qui annonçait une mensualité de 100 euros et un volume de 100 000 dossiers, qui visiblement doit s’entendre par année de quinquennat, pour convertir une partie du parc vieillissant. Mais, pour l’instant, aucune annonce n’a encore été faite à ce sujet par le gouvernement. Le projet de loi de finances 2023 annonce un enveloppe de 30 millions d'euros qui rend assez illisible la marge de manœuvre en la matière

 

Les établissements financiers n’ont cependant pas attendu les annonces officielles. BNP Paribas Personal Finance a été la première société de financement à sortir son offre de leasing social, qui permet aux ménages les plus modestes d’acquérir en LOA un véhicule Crit’Air 0 ou 1 à partir de 135 euros par mois… entretien compris.

 

Le financement, basé sur une période de 120 mois, permet de garder une option d’achat qui ne pèse pas plus de 1 % du prix du véhicule au bout du contrat. Lancée au printemps, l’opération a déjà séduit quelques centaines de particuliers. "Nous avons constaté que les ménages les plus modestes sont aussi ceux qui possèdent les véhicules les plus polluants. Il faut savoir que l’automobile, pour eux, ce n’est pas un luxe, c’est une nécessité. Leurs véhicules ont souvent une moyenne d’âge de plus de 10 ans, observe Christophe Michaëli, c’est une réelle problématique de société."

 

Lire aussi : Stellantis propose son offre de leasing à prix compétitif pour certains véhicules électriques

 

CACF a emboîté le pas de BNP Paribas Personal Finance, en proposant, en avril dernier, une offre dont la mensualité doit se situer autour de 100 euros. Celle‑ci se base sur une LOA pendant 7 à 8 ans et dont la valeur résiduelle du véhicule se positionne à 10 ou 15 % du prix de la voiture. Les modèles électriques en neuf ou d’occasion mais aussi les véhicules thermiques Crit’Air 1 sont susceptibles d’être intégrés à cette offre. Dans le cas de CACF, le dispositif pourra également être déployé par le biais d’Agilauto, donc sans intermédiaire de financement pour abaisser au maximum les coûts.

 

Quelques semaines plus tard, CGI Finance annonçait le lancement d’une offre de LOA spécifique pour les possesseurs de véhicules affichant une vignette Crit’Air 3 et plus afin de les accompagner dans leur transition énergétique. "Avec Eco²LOA, nous avons résolument choisi d’orienter notre offre vers la voiture, en proposant des conditions financières préférentielles à nos partenaires à qui nous réservons ce produit. C’est un dispositif qui va permettre d’accélérer l’acquisition d’un véhicule électrique ou d’un véhicule d’occasion récent", avance Ludovic Van de Voorde.

 

La mensualité affichée, en fonction du modèle choisi, doit descendre à 200 euros environ, grâce à la durée du financement allongée à 7 ans. Mais une mensualité à 100 euros semble aujourd’hui irréalisable pour l’acquisition d’un véhicule électrique. Lors des différentes hypothèses, seule la Dacia Spring entrait dans le spectre, ce qui reviendrait à subventionner l’acquisition d’un unique modèle, qui plus est produit en Chine !

 

"Même en réalisant les simulations sur une Zoe d’occasion, nous ne parvenons pas à une mensualité de 100 euros. Or, le vrai sujet est bien la conversion du parc et l’accessibilité des foyers les plus modestes à la mobilité. Nous avons donc opté pour une stratégie différente celle du rétrofit", avance Jean Achard, directeur commercial de Financo.

 

"Nous avons décidé d’accompagner REV Mobilities, le spécialiste des kits de conversion à l’électrique, dans le financement du rétrofit de voitures thermiques qui permet de redonner une seconde vie à ces véhicules. Nous financerons cette conversion, qui s’élève en moyenne à 20 000 euros (bonus dé‑ duit), en crédit‑bail (pour les VU) ou en LOA", complète Grégory Tinon. Ainsi, pour les sociétés indépendantes, l’enjeu se situe bien dans la conversion du parc actuel, grâce au leasing.

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