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Ces entreprises qui réinventent le commerce VO avec l'IA

Publié le 26 juin 2024

Par Gredy Raffin
11 min de lecture
Au fil des mois fleurissent des entreprises qui placent l'intelligence artificielle au cœur de leurs services. Elles ont pour dénominateur commun de s'intéresser au marché des voitures d'occasion. Seules les promesses formulées les distinguent les unes des autres, mais leur complémentarité va révolutionner le commerce.
L'intelligence artficielle entre dans le commerce VO
De la prise de vue à la gestion des clients en passant par la diffusion des annonces, l'intelligence artificielle s'invite dans le quotidien des vendeurs de VO. ©Adobestock/IDOL'foto

L'annonce a été faite sur la scène des États-Majors du VO (EMVO), le 15 mai dernier. La fonction a été activée en cette fin juin. La Centrale utilise désormais l'outil d'interface conversationnel d'OpenAI, sur sa plateforme pour rendre sa barre de recherche plus intuitive. Ce qui doit aider chaque utilisateur à identifier plus aisément la bonne voiture d'occasion en fonction de ses critères d'importance.

 

"Depuis l'époque du Minitel, les méthodes de recherche des marketplaces sont restées inchangées, principalement axées sur l'utilisation de filtres. Grâce au robot conversationnel, l’utilisateur peut désormais formuler sa requête en partant directement de ses besoins, résume Philippe Chainieux, président de La Centrale. L’assistant personnel peut ensuite fournir des éléments de contexte, des réponses approfondies et proposer des sélections de modèles".

 

Une utilisation de l'intelligence artificielle générative qui jette donc les bases d'une nouvelle approche chez l'infomédiaire. À ce projet s'associe d'ailleurs Caradisiac, le média en ligne, autre filiale du groupe, pour nourrir le contenu pris en considération par le robot. Ce mouvement de La Centrale constitue également une preuve que l'industrie du VO voit dans l'IA une piste d'évolution technologique sérieuse.

 

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Il faut bien comprendre que le recours à l'intelligence artificielle dans le commerce de voitures d'occasion va devenir une évidence. Marco Marlia, président de MotorK s'en dit convaincu. "L'IA est la prochaine grande révolution. Elle va devenir un élément d'attractivité pour les entreprises qui cherchent à recruter et à conserver les talents, affirme-t-il. Elle répondra également à des enjeux d'efficience et de profitabilité".

 

Une évolution qui se fera en douceur. Comme Internet a pris toujours plus de place dans le quotidien des revendeurs, l'intelligence artificielle améliorera, version après version, les outils utilisés en points de vente.

 

Du 360 degrés plus immersifs

 

Le domaine de la photographie a longtemps été la clé d'entrée. Il le restera. Sûrement parce que cela matérialise le travail réalisé, comme le détourage automatique des voitures ou la prise de vue à 360°.

 

"Tout le monde s'accorde désormais à reconnaître le caractère indispensable de la prise de vue à 360 degrés, constate Jimmy Cohen, cofondateur de Weeflow, éditeur de SpiderVO. En revanche, cette solution ne se déploie pas aussi rapidement qu'il le faudrait chez les revendeurs de voitures d'occasion". Ce qu'il regrette tant la performance commerciale des points de vente équipés se situe au-dessus de la moyenne. "Le nombre de leads généré est supérieur quand une voiture est visible à 360°", argue-t-il.

 

Grâce à l'intelligence artificielle, l'éditeur vient de concevoir une solution de photo intérieure à 360° qui permet à l'internaute de changer de place dans la voiture pour observer les détails de l'habitacle depuis différents points de vue. Une première.

 

Faire tourner la voiture sur un axe est une chose. Tourner autour, c'est la prochaine étape. Une innovation que Maindset, société montpelliéraine, a pu enfin exposer aux yeux des visiteurs, lors des EMVO. Il suffit à l'utilisateur de filmer le produit pour que la machine mixte ensuite les images et permette une telle expérience. "Il est possible de changer l'environnement pour simuler l'exposition dans un showroom, mais aussi de zoomer pour voir les détails puisque la carrosserie est purifiée de tous les effets de lumières", explique le fondateur de l'entreprise, Julien Renard.

 

La technologie de Maindset rend le 360° plus proche de la réalité tout en simulant les décors. ©Maindset

 

Génération clips vidéo

 

Maindset va aussi devoir explorer rapidement le champ de la vidéo. La tendance du moment étant, en effet, à la création automatisée de clips composés avec les photos et les informations de la voiture d'occasion mise en vente.

 

MotorK a sauté le pas et vient de commercialiser une application dédiée. Le groupe italien avance l'argument de réaliser le processus en quelques minutes, quand la concurrence demande des heures de traitement des images.

 

"Il y a un véritable gain de temps, assure le président de MotorK. L'enjeu reste le délai de publication afin d'abaisser les coûts de structure" souligne-t-il. Son entreprise est en concurrence directe avec Phyron AI.

 

En provenance de Scandinavie, l'éditeur revendiquant un statut de chef de file mondial a commencé en 2023 à démarcher les groupes de distribution hexagonaux avec une technologie d'intelligence artificielle capable, en plus de tout cela, de diffuser le contenu sur des plateformes tierces, notamment celle de Meta.

 

Opérationnel depuis début 2024, le module Product Level Video de Phyron AI résulte d'une collaboration avec le groupe Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp…). Ainsi, à partir des photos d'une voiture d'occasion, le système édite cinq types de formats de clips, tous compatibles avec l'univers exigeant du géant américain.

 

Phyron AI met en avant qu'il est humainement difficile pour une équipe marketing d'animer un stock de voitures d'occasion conséquent avec cette finalité. La solution d'automatisation se présente comme la réponse pour assurer un maximum de visibilité.

 

Phyron AI maîtrise les différents formats vidéo utilisés sur les réseaux sociaux. ©Phyron AI

 

"Nous n'avons pas de partenariat officiel avec Meta, seulement des échanges réguliers pour comprendre leur environnement. Après trois ans de développement, nous sommes les seuls au monde à atteindre ce niveau de connexion", défend Gaël Moysan, le responsable France de Phyron AI. Il s'agit d'aller à la rencontre des consommateurs sur les espaces virtuels qu'ils fréquentent le plus. Sans faire de distinction entre les catégories de biens de consommation, Meta assure d'ailleurs que l'efficacité des pubs grimpe de 30 % et le taux de conversion de 17 %.

 

Tout récemment, c'est au bord du golfe du Lion, avec Grands Garages du Sud, que Phyron AI a signé un contrat de déploiement. Mais le groupe Dubreuil avait sauté le pas avant tout autre distributeur. Après un an d'utilisation, le constat est sans appel. Sabrina Roy, directrice marketing du groupe multimarque, n'envisage pas de retour en arrière pour le site MaNouvelleVoiture. D'autant que le chantier technique impliquait un accord tripartite engageant aussi Zoomcar (Ouest-France) dont la stratégie repose en partie sur la disruption technologique pour émerger.

 

Des infomédiaires en réflexion

 

Heycar, la plateforme dédiée aux voitures d'occasion des concessionnaires, pourrait aussi emprunter cette voie. "Nous faisons actuellement un test exclusivement sur les véhicules vendus en ligne pour mesurer l'impact sur les ventes et calculer le retour sur investissement. En effet, le coût de cette technologie constitue le principal frein", révèle une porte-parole de la filiale française. Une expérimentation actuellement limitée au marché britannique. Tandis que l'équipe française s'est rapprochée de Nextlane Remarket et accorde toujours plus de moyens à l'intégration de l'IA dans son ensemble "afin d'aider les concessionnaires".

 

Sur le papier, les infomédiaires semblent bloquer ces innovations dans leur diffusion en n'autorisant pas ou peu l'incrustation de vidéos dans les petites annonces. "Il y a quelques acteurs en Europe chez qui le contenu enrichi trouve sa place. Les géants du secteur vont devoir y passer un jour ou l'autre. Je pense que cela ne tardera pas", s'exprime un spécialiste du secteur. "C'est l'affaire de deux à trois ans", abonde Jimmy Cohen.

 

Dans les faits, les supports traditionnels de petites annonces ont, vraisemblablement, le temps de voir venir. Les points de vente ne listent globalement pas les outils intelligents en haut de la liste des priorités. "En conséquence, les délais de décision sont très longs", relate un éditeur. Mais il pourrait y avoir un effet dominos après la signature de groupes innovants faisant la preuve de l'intérêt économique.

 

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La vérité se trouve probablement entre les deux. Mais chez les infomédiaires, le risque existe de voir les premiers distributeurs armés de l'IA se tourner vers d'autres intermédiaires pour diffuser leurs offres. Meta et YouTube sont à l'affût. Autrement, les revendeurs pourraient s'en remettre toujours plus à leur propre environnement web. Le baromètre de Carvivo ne montre-t-il pas justement une progression des sites internet des concessionnaires ?

 

Il faut dire que les infomédiaires ont leurs propres feuilles de route et, de fait, leur propre sens des priorités. Fabrice Fournier, cofondateur de Le Parking, l'agrégateur d'annonces, en parle ouvertement : "Avec 30 millions d'annonces par mois, soit presque un milliard de données utilisables, nous devons bien entendu travailler le sujet de l'IA et étudier toutes les possibilités". En interne, l'IA lui servira au dédoublonnage, à la reconnaissance des modèles et à la détection de fraudes, notamment. En façade, "le robot conversationnel semble, à date, la première véritable nouveauté, juge-t-il, si tant est qu'on puisse véritablement parler d'une rupture par rapport à la barre de recherche".

 

Quand la vidéo devient explicative

 

Le contenu vidéo peut aussi être doué d'intelligence pour fournir des explications. Boya Business Communication en fait sa porte d'entrée sur le marché des voitures d'occasion. Cette agence tout juste créée propose un concept inédit, combinant les capacités de plusieurs intelligences artificielles complémentaires. Le revendeur se contente de lui partager les informations comprises dans la fiche de description du VO à promouvoir, de définir le script et le décor.

 

Une vingtaine de minutes plus tard, l'agence lui livre une vidéo dans laquelle un animateur virtuel présente le bien d'occasion, tel un Genius pour les VN. Un collaborateur virtuel qui s'applique à mettre en lumière les images et les données essentielles pour susciter l'envie du prospect. "Il est capable d'adopter un discours teinté de sportivité ou d'accentuer les aspects pratiques pour parler aux familles", souligne Yannis Bonneville, fondateur de l'agence nantaise.

 

Un "genius" totalement virtuel qui présente les spécificités d'une voiture d'occasion, telle est la promesse de Boya Business. ©Boya Business

 

Il en coûtera 47 euros par production. Avec le volume, l'entreprise espère diviser par quatre ce montant "déjà très compétitif par rapport à la concurrence". Le fondateur ne cherche pas encore d'investisseur pour financer les développements. Il regarde davantage à trouver des accords avec des plateformes afin de gagner en visibilité. "Un virage a été pris, se dit convaincu Yannis Bonneville. La vidéo devient le moyen d'orienter les clients vers les bonnes voitures. Les commerciaux n'auront alors que les contacts triés les plus chauds".

 

Une assistance commerciale

 

Les commerciaux ne seront donc plus seuls. Les systèmes fondés sur l'IA qui ont vocation à les accompagner se multiplient. Yakabiz a défriché le terrain. D'autres, à l'instar de Konnect IA, veulent aider à la démocratisation de cette forme de coopération.

 

En visite aux EMVO, Baptiste Bruent, le fondateur, est parti à la rencontre d'enseignes qui exposaient. "Nous avons construit un assistant virtuel qui, sous forme de robot conversationnel, apporte des réponses instantanées et contextualisées aux clients pour les conduire à prendre rendez-vous", introduit-il.

 

Active depuis avril dernier, la société Konnect IA a été pensée par un vendeur – Baptiste Bruent a fait ses gammes dans le réseau Ewigo – pour les vendeurs. Une recette qui a souvent fait ses preuves. Il est parti de la plateforme Mistral AI qu'il a entraînée avec des cas pratiques du commerce automobile. "La version actuelle de la solution est optimisée à 80 % au moment de l'installation chez le client", décrit-il.

 

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Le robot ne se contente pas de gérer les prospects, il préremplit les documents, dont les devis. "Les premières mesures laissent apparaître un gain de temps d'environ 1h16 par jour. Ce qui en fera un outil idéal pour les indépendants aux agendas contraints", poursuit Baptiste Bruent. Une prestation dont le montant s'élève à plus de 300 euros par mois en plus des frais de mise en route. "Mais il faut mesurer le bénéfice humain", répète à l'envi Marco Marlia, chez MotorK, tel un promoteur de toutes ces jeunes pousses.

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