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Automobile : stocks, trésorerie et financement bouleversent la distribution

Publié le 2 octobre 2025

Par Catherine Leroy
6 min de lecture
Le marché du neuf recule, les stocks s’accumulent et la trésorerie des réseaux s’étire… Pourtant, jamais le financement n’a pesé autant dans la vente d’une voiture. LOA en plein essor, LLD en embuscade, valeurs résiduelles sous tension : derrière les chiffres, c’est tout le modèle économique de la distribution automobile qui vacille et cherche un nouveau souffle.
essor financement automobile
Le financement automobile s’impose plus que jamais comme le nerf de la guerre dans un marché en recul. Mais deux enjeux majeurs émergent : la valeur résiduelle des véhicules électrifiés, qui conditionne la solidité des réseaux, et la gestion de trésorerie face à des stocks gonflés. ©AdobeStock-Михаил Решетников

Un marché des voitures neuves à ‑7,9 % et une production financière qui baisse de 5,2 % entre janvier et juin 2025 (derniers chiffres publiés par l’Associa­tion des sociétés financières, ASF). De­puis le début de l’année, le financement automobile marque le pas et rejoint le niveau des immatriculations françaises.

 

Sur le premier semestre 2025, la pro­duction de nouveaux financements atteint 5,195 milliards d’euros, portée par la location avec option d’achat à 92 %. Mais cette baisse actuelle ne doit pas masquer la réalité des chiffres. Entre 2019 et 2024, les financements de VN ont augmenté de près de 12 % et d'un milliard d’euros en valeur à 10,5 milliards d’euros.

 

Dans le même laps de temps, le nombre de VN financés baissait de 17 % en pas­sant de 564 371 à 467 534 dossiers. "Le financement progresse plus vite que les immatriculations. Cela montre qu’il devient une condition indispensable pour vendre des voitures, notamment à cause de la hausse des prix", fait re­marquer Christophe Michaëli, direc­teur du marché automobile en France chez BNP Paribas Personal Finance.

 

 

Ainsi, le montant moyen financé en location avec option d’achat a bondi de plus de 5 000 euros entre 2019 et 2024 en passant de 19 237 à 24 467 euros. En parallèle, celui du crédit classique affi­chait une hausse de près de 3 000 euros en s’établissant à 14 875 euros contre 11 894 euros cinq ans plus tôt.

 

"De plus en plus de modèles arrivent sur le mar­ché avec un besoin accru en termes de financement. La hausse des prix des vé­hicules constatée depuis plusieurs années et donc des montants moyens financés permet de compenser au moins partielle­ment la baisse des volumes. Néanmoins, les valeurs résiduelles des véhicules élec­triques doivent être surveillées de près tant que la technologie n’est pas stabilisée et l’attractivité de ces véhicules amélio­rée", ajoute Robert Ogulluk, directeur général de CA Auto Bank France.

 

Au‑delà des chiffres du marché, c’est bien cette question de la valeur rési­duelle des voitures électrifiées, avec le niveau des stocks, qui reste le sujet pri­mordial du financement et par voie de conséquence de la distribution automo­bile.

 

 

La hausse des stocks de VO mais aussi de VN pèse toujours sur la trésore­rie des réseaux. À tel point que pour ne pas freiner la vente d’un véhicule neuf très souvent liée à la reprise de la voiture d’occasion du client, les constructeurs et leur captive portent de plus en plus le risque financier du modèle.

 

Protéger les valeurs et les réseaux

 

Ce sera notamment le cas avec le re­tour du leasing social dès le 30 sep­tembre 2025. Échaudés par des engagements de reprise déconnectés de la réalité du marché, un certain nombre de distributeurs ont accepté de participer au programme à condi­tion d’un portage financier par le constructeur. Stellantis, notamment, qui avait été pointé du doigt à cause d’engagements de reprise surdimen­sionnés pour baisser les loyers en 2024, s’est tout de suite prononcé sur un portage "maison".

 

Mais en attendant 2028 que ces voi­tures reviennent dans les réseaux, il faut vider les stocks et assainir les situations financières. La rotation s’étant allongée, le besoin de tréso­rerie reste un élément essentiel de la gestion d’un groupe. Et le nombre de mandats ad hoc s’est multiplié.

 

"Au‑delà du niveau des stocks, qui finira par s’aplanir, restent des sujets plus structurels. Certains groupes ont bien géré leur endettement. D’autres sont plus en difficulté. Essentiellement à cause d’opérations de croissance ré­alisées à des moments où l’argent cou­lait à flots et ne coûtait presque rien. Certains vont sortir proprement de la procédure de mandat ad hoc, qui reste un acte de gestion pour anticiper les difficultés à venir. D’autres auront sans doute plus de difficultés", avance Christophe Michaëli.

 

La concentration dans les réseaux devrait donc passer un nouveau cap d’ici la fin de l’année. "Mais le fait nouveau est qu’il s’agit d’un mouve­ment défensif et non offensif comme auparavant", souligne le directeur du marché automobile de BNP Pari­bas Personal Finance. En revanche, l’effet d’aubaine ne manquera pas de faire baisser la valeur des entreprises en phase de cession. Les rachats, cette fois, se feront aux conditions des acheteurs et non des vendeurs.

 

Repenser le business model

 

Au‑delà de la gestion et de la tréso­rerie, c’est toute la question du bu­siness model de la distribution auto­mobile qui est en passe d’être revue. La baisse des coûts et des frais géné­raux est également à l’ordre du jour. D’autant qu’en France mais aussi en dehors de nos frontières, des mou­vements émergent sur le poids du financement automobile qui reste une source essentielle, car majori­taire dans les résultats des groupes de distribution.

 

En France, c’est la directive euro­péenne du crédit automobile qui va lancer le débat. En obligeant l’affichage d’un TAEG et l’application d’un taux d’usure sur la LOA, la structure même du financement va évoluer avec une montée en puissance des dossiers de location longue durée. "La LLD est amenée à jouer un rôle capital dans le financement automo­bile de demain", précise Robert Ogulluk.

 

Le problème pour les ré­seaux est que cette LLD ne génère pas la même rémunération que la LOA, car dans le cas d’une location longue durée, qui reste un outil fi­nancier, ce sont les sociétés de finan­cement qui portent le buy‑back. "Le schéma de rémunération pourra être modifié. Ce ne sera pas le chaos, mais il se pourrait que la rémunération se fasse différemment. Le mar­ché devra trouver un autre équi­libre", poursuit‑il.

 

Plus de transparence pour le client

 

Plus inquiétante est la décision, en Grande‑Bretagne, de la FCA (Finan­cial conduct authority), l’équivalent anglais de l’Autorité des marchés financiers en France, d’indemniser certains clients qui auraient payé une commission à un distributeur jugée trop élevée, pour le finance­ment d’une voiture.

 

Certes, la Cour suprême qui avait hé­rité de plaintes de clients particuliers aurait pu obliger le remboursement de ces commissions. Elle n’est pas al­lée jusqu’à cet extrême. Mais la petite musique de la transparence des com­missions accordées aux distributeurs va traverser la Manche. Repenser le modèle devient urgent.

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