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Alexandre Beaufils, PWE Consulting : "Nous savons que le coût de l'énergie va tendre la situation en concession"

Publié le 22 mars 2022

Par Gredy Raffin
4 min de lecture
Fin connaisseur du marché de l'énergie, Alexandre Beaufils, le directeur de PWE Consulting, accompagne au quotidien les concessionnaires dans la gestion de leur contrat de gaz et d'électricité. Il alerte sur les risques, à moyen terme, de l'inflation observée.
Alexandre Beaufils, directeur général de PWE Consulting.

En moins de dix ans, PWE Consulting a géré de nombreux contrats avec des groupes de distribution majeurs, dont certains du top 5. La société les accompagne en sa qualité d'entreprise de courtage en énergie pour le gaz et l'électricité. Les bouleversements connus par le marché remettent les concessionnaires face à des réalités alors qu'ils investissent largement dans l'installation de bornes de recharge et dans d'autres équipements qui consomment.

 

Journal de l'Automobile. Quelles sont vos premières observations de la situation actuelle ?

Alexandre Beaufils. Les concessionnaires avaient des besoins assez forts en matière de consommation énergétique et cela va en augmentant avec l'arrivée des véhicules électriques. Il n'y a plus de tarif réglementé pour les bâtiments commerciaux, les contrats d'électricité et de gaz sont donc négociés pour une durée déterminée qui va de 1 à 4 ans. Une tâche qui incombe à chacun des concessionnaires, puisque les constructeurs n'ont pas adopté de stratégie globale alors qu'ils imposent l'installation de bornes en points de vente.

 

JA. Que représente le coût de l'énergie dans les charges des concessions ?

AB. Les factures de gaz et d'électricité pèsent en moyenne 20 à 30 % des charges des distributeurs que nous accompagnons. Nous les aidons donc à anticiper l'achat d'énergie sur le long terme afin de mieux piloter ce poste de dépense. A ce titre, mon rôle est de suivre le marché comme les traders suivent le cours de la Bourse et de leur faire profiter de chacune des opportunités qui se présentent.

 

Pour les contrats qui arrivent à échéance, je recommande 2 à 3 ans d'anticipation puisqu'il est très complexe actuellement de prévoir les futures conditions de marché.

 

JA. En quoi la crise géopolitique influence-t-elle la situation ?

AB. L'impact est important. Les tendances sont à la hausse puisqu’entre 2018 et aujourd’hui, les prix ont augmenté et sont 4 fois supérieurs pour l’électricité et 6 fois supérieurs pour le gaz. Concrètement, pour prendre un exemple récent, nous avons négocié le contrat électrique d'une borne haute puissance installée chez un concessionnaire Audi qui fait l'objet d'un point de comptage individuel. Sur la base des nouveaux tarifs, le contrat souscrit pour ce seul équipement va coûter 50 % des frais d'électricité du site.

 

JA. Quelles sont les parades ?

AB. Il n'y en a pas réellement en ce qui concerne les tarifs. Il faut se résoudre à accepter qu'il est désormais impossible de signer aux conditions de 2018. En revanche, nous amenons les concessionnaires à changer leur approche. Ils doivent, de plus en plus, imposer dans les contrats cadre, la possibilité d'ajouter ou de retirer des points de comptage aux conditions du contrat et non du marché. Ils pourront ainsi faire fluctuer le nombre de bornes sans trop d'impacts imprévisibles. Pour les contrats qui arrivent à échéance, je recommande 2 à 3 ans d'anticipation puisqu'il est très complexe actuellement de prévoir les futures conditions de marché.

 

JA. Cela freine-t-il certains projets de vos clients ?  

AB. Nous n'avons pas encore d'information, mais il faut anticiper de tels phénomènes car cela se voit dans d'autres secteurs. Les bornes sont une obligation contractuelle, il y a fort à parier que les concessionnaires n'iront pas plus loin que nécessaire dans le déploiement. Sans être alarmiste, nous savons que le coût de l'énergie va tendre la situation en concession.

 

A lire aussi : Ford accélère sa transition vers l’électrique en Europe

 

JA. La tendance dans le paysage automobile est à la construction de centres de reconditionnement VO. Leur modèle économique s'en trouve-t-il fragilisé ?

AB. Effectivement, ces infrastructures reposent sur de la pure consommation énergétique, notamment avec les cabines de peinture chauffées au gaz. A mon avis, les centres de reconditionnement VO devraient pousser encore davantage les concessionnaires à se pencher sur la notion de négociation. Les groupes doivent anticiper, adopter une stratégie d'achat d'énergie et confier les rênes à un expert en interne ou en prestation. Il en va de leur pérennité. Ce qui vaut également pour les entreprises qui ont un parking avec des bornes.

 

JA. Certains ajoutent des panneaux solaires sur leur site. Cette solution est-elle viable ?

AB. Pas à 100 %. La quantité d’énergie récupérée avec des panneaux solaires est utile mais insuffisante pour remplacer l’électricité "traditionnelle" et passer en autoconsommation intégrale.

 

JA. En qualité de courtier, PWE Consulting peut-il être l'instigateur d'un écosystème visant à partager les coûts entre concessionnaires de la même zone ?

AB. Nous les aidons à trouver des alternatives pour minimiser les coûts, mais nous ne pouvons pas faire de miracle. Certains concessionnaires ont estimé qu'il y a un avantage stratégique à mener leur barque en solitaire en étant accompagnés d'un courtier qui négocie les tarifs de l'énergie. Peu de chance de voir des distributeurs s'associer.

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