Automobile européenne : un paquet commun sur le CO₂ et le verdissement des flottes d’ici fin 2025 ?
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déjà exprimé sa volonté d’avancer, à la fin de l’année, la révision des normes automobiles, initialement prévue pour 2026. Mais le calendrier demeure fragile. La consultation publique ouverte sur le règlement CO₂ doit s’achever le 10 octobre, et la DG Clima, à Bruxelles, est encore en train d’élaborer l’analyse d’impact.
Selon les dernières informations, il semblerait que la Commission soit favorable à la présentation, dès décembre 2025, d'un ensemble de mesures combinant la révision des normes d’émissions de CO₂ pour les voitures et l’introduction d’un cadre pour le verdissement des flottes d’entreprise. C’est Eric von Breska, directeur Investissement, Transport innovant et durable à la DG Move, qui a ouvert la porte à ce scénario lors d’une audition devant la commission des transports du Parlement européen, le 24 septembre dernier.
Flottes et CO2 : deux sujets liés selon la Commission
Selon lui, la proposition sur les flottes doit nécessairement "s’inscrire dans les changements que la Commission pourrait proposer sur le CO₂ des voitures", laissant entrevoir un paquet législatif commun. "Je m’attends à ce qu’il puisse effectivement y avoir un paquet vers la fin de l’année comprenant ces deux éléments", a-t-il déclaré aux députés qui attendent clairement un "cadeau" pour Noël.
Au-delà des délais, l’enjeu porte surtout sur le contenu. Les grandes lignes sont connues, avec notamment, selon nos informations, une prise en compte plus importante du contenu local, mais les arbitrages restent ouverts. Quelle ambition climatique affichera la Commission ? Quelles contraintes nouvelles pèseront sur les constructeurs et sur les gestionnaires de flottes ?
Eric von Breska a lui-même reconnu qu’il était encore "difficile de savoir clairement à quoi ressemblera le texte sur les flottes d’entreprise", soulignant que les discussions sont toujours en cours au sein de l’exécutif européen.
Des objectifs climatiques jugés intenables
Depuis 2019, les ventes automobiles en Europe n’ont pas retrouvé leur niveau d’avant-crise. De 15 millions d’unités annuelles avant la Covid-19, les immatriculations plafonnent désormais autour de 12 millions. Cette contraction durable — l’équivalent de la disparition des marchés italien et espagnol réunis — nourrit une inquiétude majeure pour l’ensemble de la filière. Comme l’a reconnu Stéphane Séjourné, vice-président de la Commission européenne, l’industrie automobile européenne est en danger de mort.
À ces difficultés commerciales s’ajoutent des contraintes réglementaires de plus en plus strictes. Dès 2035, seuls des véhicules zéro émission pourront être mis sur le marché européen. Or, les parts de marché des électriques progressent, mais à un rythme inférieur aux attentes : 15,6 % en moyenne aujourd’hui, contre plus de 20 % espérés. Pour certains groupes, notamment sur les véhicules utilitaires, le risque de lourdes amendes est déjà tangible. Stellantis, leader du segment, évoque jusqu’à 2,7 milliards d’euros de pénalités potentielles.
Face à cela, les industriels demandent des assouplissements : étalement des objectifs, nouvelles méthodes de calcul intégrant le cycle de vie complet des véhicules, reconnaissance des biocarburants ou des hybrides rechargeables. Les courriers communs de l’ACEA (constructeurs) et du Clepa (équipementiers) à la Commission plaident pour une flexibilité indispensable et un réalisme industriel.
Une bataille de lobbying intense
La discussion ne se limite pas aux constructeurs traditionnels. Tandis que BMW et Mercedes appellent à repousser l’échéance de 2035 — soutenus par le gouvernement allemand —, d’autres acteurs comme Volvo et Polestar, alliés à une centaine d’entreprises de la chaîne de valeur électrique, exhortent Bruxelles à ne pas reculer. Les ONG environnementales, telles que Transport & Environment, rappellent que la majorité des groupes sont en mesure d’atteindre leurs objectifs CO₂, et dénoncent les assouplissements qui, selon elles, réduiront mécaniquement les volumes de ventes de voitures électriques.
L’équation impossible ?
Dans ce contexte, l’idée d’un paquet combinant normes CO₂ et flottes d’entreprise prend une dimension stratégique : il s’agit de trouver un compromis qui rassure les industriels tout en maintenant l’ambition climatique. Mais l’équilibre est précaire.
D’un côté, un secteur qui alerte sur un risque de mort et qui redoute un effondrement du marché s’il est poussé trop brutalement vers l’électrique. De l’autre, une Commission soucieuse de ne pas perdre sa crédibilité climatique à l’approche de l’échéance de 2035.
La décision finale, attendue d’ici la fin de l’année, sera donc bien plus qu’une simple étape technique. Elle cristallisera la confrontation entre la volonté politique de maintenir le cap de la transition énergétique et la réalité économique d’une industrie en quête de souffle.
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